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SOURCE : Le vent se lève
Nous y voilà, confinés chez nous, sans pouvoir sortir sinon pour aller au travail, chez le médecin, faire des courses ou un footing. Ces mesures de restriction de liberté sont acceptées au nom de la lutte contre un virus qui a le potentiel de faire des centaines de milliers de morts. Il fallait les adopter, et il faut s’y tenir. Pour autant, n’oublions pas la longue liste des incompétences et des abus criants de l’équipe gouvernementale, et sachons les rendre comptables de leurs très nombreux manquements. Florilège.
La principale crainte du corps médical vis-à-vis de l’épidémie actuelle de Covid-19 est l’engorgement des services de réanimation. Nous n’oublierons pas que la capacité d’accueil des hôpitaux a été réduite ces vingt dernières années au nom de l’austérité budgétaire. L’hôpital public a perdu 22 % de ses lits entre 1998 et 2018. Le secteur privé, pour sa part, a perdu 13 % de ses lits [1]. Nous n’oublierons pas qu’alors que l’épidémie nous tombe dessus, les personnels hospitaliers étaient en grève depuis plus d’un an, réclamant plus de moyens, demandant des recrutements, partageant leur épuisement, racontant leur dégoût de ne pouvoir faire correctement un métier qu’ils ont choisi et qu’ils aiment. Nous n’oublierons pas qu’ils sont allés jusqu’à démissionner en masse de leurs fonctions administratives pour réclamer un changement [2]. Nous n’oublierons pas que comme des millions d’autres, au nom de leur profession ou en tant que citoyens, ils sont descendus dans la rue pour dire leur colère et ont été accueillis par des gaz, des matraques, et une indifférence totale du gouvernement.
Nous n’oublierons pas Agnès Buzyn, partie de son ministère au début de la crise pour s’engager dans une campagne électorale perdue d’avance. Nous n’oublierons pas qu’elle est partie après avoir assuré à la France que tout allait bien, que l’épidémie resterait en Chine et que le système de santé était prêt. Nous n’oublierons pas qu’elle a menti au lieu de préparer l’arrivée de l’épidémie en France, mais qu’à la question « Qu’est-ce que je vais faire de ma vie ? », qu’elle se pose face au journaliste qui la questionne, elle répond « Ministre un jour, médecin toujours. À l’hôpital on aura besoin de moi, il va y avoir des milliers de morts » [3].
Nous n’oublierons pas que l’on nous a envoyé voter la veille de l’annonce d’un confinement généralisé, pour un premier tour dont la validité légale est questionnée dans la mesure où le second tour ne le suit pas d’une semaine [4]. Nous n’oublierons pas le ton martial et culpabilisateur sur lequel on s’est adressé à nous, alors que le gouvernement a mis des semaines à envoyer un message clair sur la dangerosité de l’épidémie. Nous n’oublierons pas qu’il ne s’est visiblement décidé à agir que lorsque des épidémiologistes ont expliqué que des centaines de milliers de morts étaient à prévoir si rien n’était fait [5]. Cela, alors que l’ancienne ministre de la santé avait apparemment prévenu le Premier ministre dès le mois de décembre et le Président dès le mois de janvier.
Nous n’oublierons pas que le 29 février dernier était décidé le passage en force d’une réforme lors d’un conseil des ministres exceptionnel
Nous n’oublierons pas que de confinement il n’est pas question pour celles et ceux qui font tourner les usines, nettoient les gares, assurent la sécurité, vendent de la nourriture. Nous n’oublierons pas que si nous ne pouvons voir nos proches, et que les cadres et professions intellectuelles peuvent travailler depuis chez eux, tout en plaisantant sur Facebook sur les charmantes conséquences de l’enfermement à domicile de leurs enfants, les employés d’Amazon, de la grande distribution, des chantiers navals sont contraints de travailler en s’exposant à la contamination. Parfois, ils vont travailler après que leur employeur leur ait fait passer un message affirmant que les mesures sanitaires ayant été prises, ils ne pouvaient exercer leur droit de retrait. Dans ce contexte, nous n’oublierons pas qu’un jour le Président a divisé le monde en deux catégories : ceux qui ont réussi et ceux qui ne sont rien.
Nous n’oublierons pas qu’alors que l’on prétendait peiner à trouver 12 milliards pour financer les retraites il y a quelques semaines, le ministre de l’économie affirme aujourd’hui que des dizaines de milliards d’euros seront débloqués pour éviter la faillite des entreprises [6]. Deux choses. Primo, nous n’oublierons pas que le 29 février dernier était décidé le passage en force d’une réforme lors d’un conseil des ministres exceptionnel qui prétendait se réunir face à la crise sanitaire qui s’annonçait. Secundo, nous n’oublierons pas que ces milliards aujourd’hui débloqués semblent vouloir être pris sur le dos des employés, des ouvriers, ceux-là même que l’on expose au virus. Selon Marianne, ce projet de loi prévoit en effet la possibilité pour le gouvernement de légiférer par ordonnance sur les 35 heures, les RTT, le repos dominical [7]. Certes, il faut pouvoir mobiliser les secteurs indispensables. Mais nous n’oublierons pas que, « en même temps », 49,2 milliards d’euros ont été distribués aux actionnaires des entreprises du CAC40 en 2019 [8], et que le CICE a coûté 40 milliards d’euros en 2019 [9]. Nous n’oublierons pas qu’additionnés, ces montants représentent plus que le budget de l’hôpital public plafonné à 84,2 milliards d’euros pour l’année 2020 [10].
La quarantaine finira. Lorsque nous pourrons profiter du printemps, choisissons soigneusement qui nous voulons remercier.
Nous n’oublierons pas Muriel Pénicaud, qui reprochait à Jean-Jacques Bourdin de se « faire l’avocat d’une demande qui n’a pas été faite » lorsqu’il lui demande pourquoi l’on n’a pas offert le transport au personnel soignant, et qui botte en touche lorsqu’il lui demande si des primes seront distribuées [11] à ceux qui vont devoir bientôt pratiquer une médecine de guerre et choisir qui peut vivre et qui peut mourir [12].
Alors nous applaudirons les soignants à nos fenêtres tous les soirs à 20 heures. Nous leur porterons des courses, leur ferons à manger et garderons leurs enfants. Nous respecterons les recommandations des médecins qui sont les seuls à pouvoir nous informer correctement dans ces temps difficiles [13]. Nous protégerons les plus vulnérables, qui sont globalement ceux qui ont plus de 40 ans et ceux qui ont des problèmes respiratoires, en évitant au maximum de les exposer. Nous pleurerons nos morts. Mais nous n’oublierons pas le cynisme et l’inconséquence de dirigeants aveuglés par leur idéologie, qui prouvent chaque jour un peu plus leur inaptitude à remplir la fonction première d’un gouvernement : protéger la population. La quarantaine finira. Lorsque nous pourrons profiter du printemps, choisissons soigneusement qui nous voulons remercier.
[1] https://www.insee.fr/fr/statistiques/4277748?sommaire=4318291
[2] https://www.liberation.fr/france/2020/02/04/hopital-les-medecins-menacaient-de-demissionner-ils-l-ont-fait_1777189
[3] https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/03/17/entre-campagne-municipale-et-crise-du-coronavirus-le-chemin-de-croix-d-agnes-buzyn_6033395_823448.html
[4] https://www.marianne.net/politique/municipales-et-coronavirus-les-modalites-tres-compliquees-d-un-eventuel-report-du-deuxieme
[5] https://www.sciencesetavenir.fr/sante/coronavirus-les-previsions-sur-la-progression-de-l-epidemie-qui-ont-alarme-l-elysee_142509
[6] https://www.lesechos.fr/economie-france/social/coronavirus-le-maire-prevoit-des-dizaines-de-milliards-pour-soutenir-les-entreprises-1184947
[7] https://www.marianne.net/politique/conges-35-heures-licenciements-la-loi-d-adaptation-au-coronavirus-va-nous-faire-basculer
[8] https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/01/09/ruissellement-de-dividendes-sur-le-cac-40_6025280_3234.html
[9] https://www.marianne.net/economie/budget-2019-pendant-que-les-aides-sociales-baissent-le-cout-du-cice-explose
[10] http://www.leparisien.fr/economie/budget-2020-de-la-secu-les-hopitaux-publics-a-la-diete-01-10-2019-8164212.php
[11] https://www.youtube.com/watch?v=WETv4pXXB0w
[12] https://lesjours.fr/obsessions/coronavirus-quarantaine/ep6-interview-gottwalles/