“Sur l’île de la Réunion, nous allons vite être dépassés”

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SOURCE : Regards

LA MIDINALE AVEC ROMAIN GOUNOT. La crise sanitaire liée au coronavirus sévit en France, en métropole comme dans les outre-mer. Sur l’île de la Réunion, on se prépare comme on peut…

Romain Gounot est hématologue au centre hospitalo-universitaire (CHU) de Saint-Pierre sur l’île de la Réunion.

Regards. D’après l’Agence Régionale de Santé, il y a pour l’instant moins de 30 cas sur l’île qui n’ont pas encore entraîné de chaîne de contamination locale. Vous n’êtes donc pas (encore) débordés ?

Romain Gounot. L’épidémie de Covid-19 arrive sur l’ile de la Réunion avec 15 jours de décalage par rapport à la métropole. Nous avons en effet pour le moment peu de cas, mais cela risque de rapidement changer. En effet, entre le jeudi 19 et le vendredi 20 mars, le nombre de patients testés positifs pour le Covid-19 est passé de 19 à 28. Tous ces cas étaient des cas d’importation. Mais samedi, pour la première fois, nous avons eu un cas autochtone. Pour le moment, nous ne sommes pas encore débordés, des unités d’hospitalisations réservées aux patients atteints du Covid-19 ont été créés et actuellement, tous les patients testés positifs sont hospitalisés pour isolement, surveillance et traitement.

Beaucoup pensent que le Covid-19, comme le virus de la grippe d’ailleurs, ne supporterait pas la chaleur et donc ne pourrait se propager dans une île comme la Réunion. Est-ce basé sur une quelconque réalité ?

Cette idée ne repose sur aucun argument scientifique. La preuve en est, le nombre de cas confirmés augmente de jour en jour. Concernant le virus de la grippe, il supporte très bien la chaleur et est à l’origine d’une épidémie saisonnière à la Réunion avec une campagne de vaccination débutant en avril. Nous avons également les cas de grippe qui nous viennent de métropole.

Etes-vous préparés pour une augmentation significative du nombre de patients pris en charge à cause du Covid-19 ?

Nous nous préparons à cette augmentation : une filière de dépistage ambulatoire des patients ainsi que des unités d’hospitalisation dédiés au Covid-19 ont été créés. Le nombre de lits en réanimation a été augmenté. Toutes les activités non urgentes sont au maximum déprogrammés (chirurgie, imageries, hôpitaux de jour), des téléconsultations sont organisées afin d’éviter de nouvelles contaminations et permettre au maximum le respect des mesures de confinement. Le SAMU a ses lignes téléphoniques saturées avec plus de 4.000 appels au lieu des 2.000 depuis le début de la crise (1.400 en temps normal). Nous disposons actuellement de 80 lits de réanimation sur l’île pour une population comptant un peu moins de 900.000 habitants. Un patient avec une forme grave reste en moyenne 7 jours en réanimation. Quand on regarde les chiffres de la métropole, force est de constater que nous allons vite être dépassé. De plus, le Covid-19 arrive alors qu’une épidémie de Dengue est actuellement en cours, sans compter l’épidémie saisonnière de grippe à venir. Il faut absolument que les mesures de confinement soient appliquées afin de limiter et retarder le pic d’incidence de l’épidémie de Covid-19.

En métropole, on sait les difficultés, même dans les hôpitaux, pour obtenir des respirateurs, des masques et du gel hydroalcoolique : comment cela se passe-t-il à la Réunion ?

Il existe une situation nationale de pénurie de masques pour le personnel hospitalier même avec la réquisition générale et la mobilisation des stocks d’Etat. Nous avons eu une première livraison il y a 15 jours mais insuffisante et la deuxième livraison est en retard. Nos réserves sont très faibles, nous estimons avoir un stock de masques FFP2 pour moins d’une semaine au CHU Nord (Saint-Denis) et pour 4 semaines au CHU Sud (Saint-Pierre), et des masques chirurgicaux pour 2 semaines au nord et 3 semaines au sud. Concernant les solutions hydroalcooliques, notre consommation devrait rester la même qu’en temps normal et nous ne devrions pas en manquer. Tout comme en métropole, nous avons malheureusement eu un grand nombre de vols de masques et de solution hydroalcoolique à l’hôpital ce qui vient aggraver la pénurie.

Y a-t-il un problème de lits à la Réunion comme en métropole ? Et de personnels soignants en sous-nombre ? Il y a des réquisitions de personnels soignants ?

La Réunion n’a pas été épargnée par les trois décennies d’austérité imposée à l’hôpital public. Je ne vous rappelle pas que cette pandémie arrive en pleine crise des hôpitaux, où depuis un an, les services d’urgences ont multiplié les grèves, les actions et tiré la sonnette d’alarme pour dénoncer les effets dévastateurs des restrictions budgétaires et des suppressions de lits. Certains services sont ainsi déjà en sous-effectif de personnels soignants et beaucoup de soignants sont épuisés. Pour le moment, les services s’organisent pour fonctionner en sous nombre afin de libérer du personnel qui ira travailler dans les unités dédiées au Covid-19. Parallèlement, une inscription sur une liste de réserve sanitaire se fait sur la base du volontariat et en France, plus de 2.000 personnels soignants ont répondus en à peine une heure à la dernière alerte de réserve sanitaire.

Les mesures de distanciation sociale et le confinement vous semblent-ils respectés à la Réunion ?

Je ne suis sorti de chez moi que pour aller travailler ou faire mes courses. Les rues vides me font dire que le confinement est plutôt bien respecté. Je pense que les Réunionnais ont bien compris le sérieux de la situation. Après, il reste toujours ces images des gens au marché… Mais globalement, on peut dire que les règles des autorités sanitaires et du gouvernement semblent respectés.


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