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SOURCE : François Coq
Macron s’est exprimé une fois encore, une fois de plus, une fois de trop. Macron s’est exprimé pour ne rien dire. Sinon pour essayer une fois encore de faire la morale aux Françaises et aux Français et raffermir par des mots que chacun sait pour lui vides de sens un pouvoir dont il sent qu’il lui échappe. La « grande peur » de Macron n’est pas sanitaire, elle est politique.
La mise en scène est sordide. Macron, devant l’hôpital militaire de Mulhouse et une arrière-scène où l’on se représente les dépouilles qui gisent et partout autour les soignants qui sans relâche fourmillent. Privilégiant une fois encore la communication à l’action, Macron avait un message à double sens à faire passer : il est le chef de guerre, et la guerre nécessite l’unité nationale. Mais parce que la première assertion est fausse et qu’il s’apparente bien plus à un déserteur ou un traître, la seconde est dénuée de sens. Le discours en devenait dès lors grotesque et honteux.
Macron a bien commencé par saluer ces médecins et hospitaliers qui, au prix de leur vie, ont œuvré jusqu’au bout pour sauver ceux qui les entouraient. Mais l’épitaphe a sciemment fait l’impasse sur les conditions matérielles indignes de ces soignants et des autres qui ont été livrés sans défense à la propagation de la maladie. Il veut aujourd’hui les « récompenser » ? Que n’a-t-il pas pris soin de l’hôpital plus tôt : il était « en première ligne » aux côtés de ses prédécesseurs pour initier le saccage. Et ceux qui l’accompagnent organisaient le tir d’artillerie : Jérôme Salomon était conseiller à la sécurité sanitaire au cabinet Touraine, celle qui a bazardé les stocks de masques. Olivier Véran, « premier des macronistes », a voté comme député tous les taux d’augmentation de l’ONDAM (objectif national des dépenses d’assurance-maladie) inférieurs à 2% et mis l’hôpital à la diète. Les mêmes prétendent endosser le masque de Zorro ? Sans honte ?
Mais dans la construction de son discours, ce propos présidentiel liminaire empreint d’une empathie toute artificielle n’avait qu’un but : mettre sur orbite l’agression assénée par Macron aux Françaises et aux Français. Comme à chaque fois que son pouvoir a vacillé depuis le début de son quinquennat, et c’est arrivé plus souvent qu’à son tour dans sa gestion est calamiteuse, Macron a eu recours à la mise en accusation du peuple, gangréné par « la division » et « la haine », et enjoint à se ranger sans coup férir derrière « l’unité nationale ». Le caractère politicien de la manipulation était révulsant.
Et Macron d’égrainer ensuite, dans son langage tout militariste, celles et ceux qui forment ces «première, deuxième et troisième ligne ». Le propos ne passe pas. Celles et ceux qui hier encore étaient dans sa bouche « ceux qui ne sont rien » ont vite compris que l’artifice était purement communicationnel. Car chassez le naturel, il revient au galop : voyez Sibeth Ndiaye, la porte-parole du gouvernement, qui le jour même voulait envoyer dans les rizières « les profs qui ne travaillent pas ». La caste a sa propre représentation de la société, profondément enracinée, dans laquelle l’utilité sociale n’est rien. La plèbe est par eux méprisée et tout au plus mérite-t-elle d’être exploitée : c’est l’objet des ordonnances Philippe qui portent jusqu’au 31 décembre2020 le caractère dérogatoire des mesures d’exploitations des salariés comme l’augmentation de la durée hebdomadaire légale du travail, ou des mesures qui abaissent leurs droits comme ceux au repos et à la récupération. Le discours de Macron est un contrepoint à ses actes.
La colère dans le pays est immense. Elle ne disparaîtra pas avec la sortie de confinement. Macron l’a bien compris et il a terminé son discours en jouant son va-tout : le recours à l’armée. C’est ainsi qu’il faut entendre l’éloge final aux militaires. Macron est nu face au peuple. Chacun sait désormais que lui et les siens sont responsables en amont, pour avoir saccagé l’hôpital public, pour avoir réduit les lits, pour avoir détruit les stocks de masques, pour avoir externalisé la fabrique de tests. Chacun se rend compte désormais que Macron et les siens ont agi avec retard, enferrés dans leurs calculs politiciens et électoralistes. Chacun se rend compte que Macron et les siens sont des médiocres, incapables de passer des commandes de masque, gel ou tests en temps et en heure là où tous les autres pays ou même des entreprises arrivent à se doter. Alors Macron, reconverti en chef de guerre de pacotille, espère pouvoir compter sur l’armée pour confisquer un pouvoir que le peuple viendra demain lui contester. Macron pousse l’indignité à, derrière le mot « unité », laisser planer l’épée de Damoclès de la guerre civile.
Mais un tel discours martial n’impressionne plus personne. Seule la honte rejaillit sur celui qui l’a prononcé. A l’inverse, la force et la conviction populaire grandissent. Alors, quand malgré Macron le peuple aura réglé la question sanitaire et pris soin autant qu’il le peut des siens, il sera cette fois assurément encore là pour lui régler aussi politiquement son compte.
François Cocq