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SOURCE : A l'encontre
Editorial de Esquerda Online
Le gouvernement a confirmé mercredi (puis le jeudi 2 avril) la mesure provisoire (MP 936) qui autorise les réductions de salaires et d’heures de travail pendant la crise économique. Les réductions peuvent être effectuées dans n’importe quel pourcentage, jusqu’à 100%, avec une durée maximale de 90 jours.
Les travailleurs/travailleuses concernés auront droit à une indemnisation publique pouvant aller jusqu’à 100% de ce à quoi ils auraient droit en cas de licenciement. En outre, le gouvernement a permis la suspension des contrats de travail pour une période allant jusqu’à deux mois. Dans ce cas, les travailleurs recevraient la valeur de l’assurance chômage pendant cette période.
Jair Bolsonaro et Paulo Guedes
On estime que 24,5 millions de travailleurs/travailleuses avec une carte de travail signée (qui donne accès aux droits de chômage et de prévoyance sociale) seront touchés par la MP 936. Prise au nom de la protection de l’emploi, cette mesure privilégie les profits des grandes entreprises et non de la classe ouvrière. La réduction réelle des salaires, en plus de sacrifier les moyens de subsistance de millions de familles, aggravera les effets de la crise, car la baisse des revenus des travailleurs entraînera une diminution de la consommation, aggravant ainsi la récession économique.
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Le gouvernement affirme que la MP 926 préservera les emplois. C’est un mensonge, car les patrons ne sont pas empêchés de procéder à des licenciements massifs. S’ils ont de la «bonne volonté», ils peuvent adhérer volontairement au programme gouvernemental qui leur est destiné. Mais si ce n’est pas à leur avantage, ils peuvent simplement jeter des centaines de milliers de parents à la rue. C’est déjà le cas: plus de 600’000 travailleurs et travailleuses ont été licenciés dans des bars et des restaurants au cours des deux dernières semaines. Le propriétaire de Madero [réseau des restaurants de hamburgers], Júnior Durski, un fan bien connu de Bolsonaro, a lui seul déjà licencié 600 employés [et a déclaré que le Brésil «pouvait se payer» 5000 à 7000 morts].
La mesure correcte et nécessaire serait l’interdiction de tout licenciement avec maintien intégral du salaire. Les petites et les micro-entreprises en difficulté financière pourraient être sauvées par l’Etat afin de garantir le paiement des salaires de leurs employé·e·s. Les grandes entreprises devraient être contraintes par la loi à réduire à zéro leurs profits pendant la crise afin de maintenir tous les emplois et les salaires.
A leur tour, les grandes entreprises stratégiques et celles menacées de faillite devraient être contrôlées par l’Etat à ce moment critique, afin de les mettre au service des besoins sociaux urgents, tels que la production de respirateurs/ventilateurs, d’équipements de protection, le transport de marchandises nécessaires et de nourriture, etc.
Jair Bolsonaro et Paulo Guedes (ministre de l’Economie) veulent aider les grands capitalistes en plaçant sur les épaules des travailleurs le principal poids de cette crise. Les salaires peuvent être réduits, mais les profits exorbitants des banquiers ne peuvent être imposés. Les familles peuvent vivre avec beaucoup moins, mais les grandes fortunes restent intactes.
Pour sauver les profits des milliardaires, ils sacrifient ceux qui garantissent la production et la reproduction de la vie. En ce moment de crise aiguë, nous voyons clairement qui fait tout. Sans le ramassage des ordures et les nettoyeurs, les déchets et la saleté s’accumuleraient. Sans les nettoyeuses, les aides-soignantes, les infirmières et les médecins, les hôpitaux ne fonctionneraient pas. Sans les travailleurs d’usine, les équipements et les biens de base ne seraient pas produits. Sans les petits agriculteurs et les chauffeurs de camion, la nourriture ne serait pas récoltée ni transportée. La classe ouvrière produit tout, mais dans le capitalisme, elle est la première à être pénalisée.
L’injustice sociale est cruelle. Même l’aide aux travailleurs informels et précaires (qui s’étale de 600 à 1200 reais, soit 110 à 220 CHF par mois), approuvée au Congrès, n’a pas encore été versée par le gouvernement Bolsonaro. Il semble tout faire pour retarder au maximum l’arrivée de l’aide d’urgence pour les plus démunis.
Ainsi, Bolsonaro crée le terrain pour le chaos social. En plus de ne pas lutter contre la propagation du virus, le président ne semble pas non plus se soucier de fournir une aide économique aux travailleurs, en particulier les plus pauvres. Pour ne pas mourir du virus ou de la faim, il faudra affronter et mettre à bas ce gouvernement criminel.
Il existe une alternative
Des organisations liées aux mouvements sociaux de travailleurs ont lancé mardi (31 mars 2020) un programme d’urgence pour faire face à la pandémie de Coronavirus et à la crise économique.
A mesure que le virus progresse, s’accroît l’inquiétude de millions de travailleurs/travailleuses pour leur survie
Face à cette situation, le seul secteur qui peut présenter un programme cohérent qui met la vie en premier lieu est la classe ouvrière et les opprimé·e·s eux-mêmes et leurs organisations.
Le programme de mesures signées par le Front populaire du Brésil et le Front populaire du peuple, en plus des centrales syndicales, des mouvements sociaux, populaires et étudiants, des partis politiques de gauche, d’organisations religieuses et des entités de la société civile, propose des mesures telles: que l’isolement social horizontal (quarantaine), avec suspension de toutes les activités non essentielles; la promotion et le renforcement de la santé publique, avec expansion des investissements et contrôle de l’Etat sur l’ensemble du système de santé [en grande partie privé].
En outre, la plate-forme demande des garanties pour les travailleuses et travailleurs, telles que la stabilité de l’emploi et des revenus pour les travailleurs formels et un revenu de base d’urgence pour les travailleurs informels; des mesures de protection sociale, telles que la réduction à zéro de la file d’attente pour l’obtention de la Bolsa Familia, l’exemption du paiement des tarifs de l’électricité, de l’eau et du gaz, et la garantie de l’accès aux produits d’hygiène pour les familles les plus pauvres à la périphérie des villes; le droit à l’alimentation pour tous, depuis la production et la distribution de nourriture provenant de l’agriculture familiale, et la distribution de paniers de nourriture.
Le programme défend également le droit à un logement décent, basé sur un plan spécial pour servir les populations les plus fragiles; la réorientation de l’économie et l’allocation des ressources publiques, l’abrogation de l’amendement constitutionnel 95 qui limite les dépenses sociales, le renforcement du rôle des banques publiques dans la mise à disposition de crédits sans intérêt, le contrôle des prix des produits de première nécessité et la suspension du paiement des dettes des États et des municipalités envers l’Union fédérale, les banques publiques et les organisations internationales et l’autorisation de nouveaux prêts pour les investissements publics d’urgence.
En plus des points mentionnés ci-dessus, le programme demande la suspension de tous les votes au Congrès qui retirent les droits de la classe laborieuse, ainsi que l’abrogation du MP 905, qui crée le contrat dit «vert et jaune» [qui dispense l’employeur d’assurer les droits à la prévoyance sociale pour les salarié·e·s de 18 à 29 ans pour leur premier emploi] et le retrait des Propositions d’amendements constitutionnels pris d’urgence par le gouvernement avant la pandémie et qui limitent la capacité d’action du secteur public.
Une étape importante dans la construction d’une unité de classe à la base
L’initiative du Front populaire sans peur (Frente Povo Sem Medo) et du Brésil populaire (Frente Brasil Popular) signifie une étape importante dans la tâche indispensable de la construction du Front unique des travailleurs pour lutter pour les droits et pour la vie. Il s’agit de l’articulation la plus large entre les organisations de la classe ouvrière construite à ce jour.
Ce Front doit devenir un véritable organe de «commandement» pour l’action de la classe ouvrière, afin de lutter pour la mise en œuvre de mesures d’urgence et, en même temps, afin de construire un véritable réseau de solidarité pour aider à répondre aux besoins les plus urgents des pauvres, en collectant et en distribuant des ressources financières, de la nourriture, des produits d’hygiène, des médicaments, etc.
Il est nécessaire de valoriser et d’établir des liens avec d’autres actions de la classe ouvrière, qui s’est auto-organisée en l’absence de mesures gouvernementales. Dans les périphéries et les favelas brésiliennes, dont certaines sont plus peuplées que des municipalités entières, les habitant·e·s et les organisations communautaires sont en première ligne pour adopter des mesures visant à contenir la contagion du virus et à garantir les conditions de survie de leurs habitants. Les syndicats de tout le pays, en plus de se battre pour garantir, dans leurs propres catégories, le droit à la quarantaine ou à des conditions de travail sûres en temps de pandémie, offrent des ressources et des installations pour aider à traiter les patients.
Mais ce Front ne pourra pas s’arrêter lorsque nous aurons réussi à vaincre le coronavirus. Si notre tâche immédiate est de veiller à ce que des mesures soient mises en place pour protéger notre classe en temps de pandémie, nous devrons mener d’autres grandes batailles afin de défendre notre classe. La crise économique sera une justification pour les gouvernements et les hommes d’affaires de frapper durement la classe laborieuse. Dès lors, nous devrons descendre dans la rue avec toutes nos forces pour les vaincre. Le Front unique qui se constitue maintenant doit se donner ce rôle stratégique. (Article publié ce jeudi 2 avril 2020 sur le site d’Esquerda online, courant du PSOL; traduction de la rédaction A l’Encontre)