Face au coronavirus, quel avenir pour la réforme des retraites ?

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SOURCE : France info

Officiellement, le texte est seulement suspendu à ce jour. Mais, dans une France confinée pour plusieurs semaines en pleine épidémie de Covid-19, certains estiment qu’il est d’ores et déjà enterré. 

Des personnes manifestent contre la réforme des retraites, le 6 février 2020 à Paris. 

Mais que va donc devenir le projet de réforme des retraites ? Il y a tout juste un mois, le gouvernement imaginait encore que son texte puisse être définitivement adopté avant l’été. Depuis, cet espoir semble avoir été balayé par l’épidémie de coronavirus. A ce jour, la réforme n’est pas enterrée. Elle est seulement “suspendue”, comme l’a répété Edouard Philippe, jeudi 2 avril, sur TF1.

Au service politique de France Télévisions, le rapporteur du projet de loi ne dit d’ailleurs pas autre chose. “La réforme est suspendue mais elle n’est pas remise en question, assure Guillaume Gouffier-Cha (LREM). Je ne vois pas pourquoi il faudrait repartir sur de nouvelles bases. Ce n’est pas un projet conjoncturel, c’est une vraie conviction qui fait partie du projet défendu lors de la campagne présidentielle.”

Il ne faudrait pas attendre un deuxième mandat pour faire cette réforme, car il y aura un problème d’équilibre financier et cela repoussera d’autant la mise en place du nouveau système. Si on ne le fait pas maintenant, on ne le fera jamais.

Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur du projet de loi à France Télévisions

Dans les couloirs du ministère de la Santé, tout le monde n’est pas aussi formel. “Beaucoup de personnes nous disent : ‘votre réforme est morte’. La vérité, c’est qu’on n’en sait fichtrement rien. Nous n’avons eu aucune consigne de Matignon, ni dans un sens, ni dans l’autre, raconte une source proche du dossier. La décision n’est pas prise, elle est suspendue.” Avant de glisser, comme un aveu : “Ce qui est certain, c’est que le dossier est devenu très clivant et une fois l’épidémie passée, on aura besoin d’unité et de consensus. Cela dépend de beaucoup de paramètres : le niveau des comptes publics, le calendrier parlementaire, l’état des forces politiques et sociales au sortir de cette crise. Seule certitude : on ne repartira pas sur un projet identique.”

Une réforme “suspendue”… pour l’instant

En attendant, au ministère de la Santé, Laurent Pietraszewski, chargé de ce dossier explosif, est à son bureau avec son directeur de cabinet et des secrétaires qui effectuent des roulements. Le reste du personnel est en télétravail. Certains travaux techniques se poursuivent malgré le confinement. Comme la mise en place d’une Caisse nationale des retraites, par exemple, en vue du passage au régime général. Laurent Pietraszewski travaille en parallèle sur une mission sur la santé au travail, en partenariat avec Muriel Pénicaud.

Mais globalement, tout est suspendu et personne n’a de visibilité sur l’avenir. Si une ministre préfère s’en tenir aux propos d’Edouard Philippe et considère que la réforme n’est que “suspendue”, un autre membre du gouvernement considère que “la réforme n’est pas enterrée. Mais ça nécessite de tout repenser.”

Même son de cloche du côté d’une source au ministère de la Santé. “Tant qu’on n’est pas sortis de l’épidémie, qu’on n’a pas une vision claire sur les finances, sur le calendrier du Parlement, impossible de faire des projections”, glisse-t-on.

La réforme avait été chiffrée mais si on dépense des milliards dans les prochains mois [pour faire face à l’épidémie de coronavirus], cela remet forcément en cause beaucoup de choses.

une source au sein du ministère de la Santé au service politique de France Télévisions

“Avant même l’arrivée du Covid-19, on se demandait si le président n’allait pas suspendre la réforme, ajoute un conseiller ministériel. Là, on voit mal comment relancer une réforme qui divise et qui hystérise. Une fois l’épidémie terminée, la priorité sera la relance économique du pays.”

Aura-t-on le temps et l’énergie pour se consacrer aussi à la réforme des retraites ? Je n’y crois pas. Pour l’instant, la réforme est suspendue et ensuite, le calendrier sera tellement chargé qu’on ne pourra pas la reprendre.

un conseiller ministériel au service politique de France Télévisions

Du côté de Matignon, on balaie ces états d’âme en renvoyant aux déclarations du Premier Ministre et du président de la République : “Il n’y a pas une seconde à perdre sur des questions de l’après-crise sanitaire.”

“Politiquement, ils savent que ce serait dangereux”

Les syndicats, qui se sont mobilisés pendant plusieurs semaines dans la rue pour dire non à cette réforme, semblent eux aussi perdus. “Ce n’est pas du tout un sujet pour le moment”, tranche Laurent Escure, le secrétaire général de l’Unsa. “Si la réforme était annulée, on le saurait, glisse-t-on dans les rangs de la CGT. On n’a aucune information qui aille en ce sens. »

Si la réforme était annulée, il y aurait une allocution solennelle où on l’apprendrait.

la CGT à France Télévisions

Même les syndicats patronaux, pourtant en faveur de la réforme, ne savent pas exactement si le texte verra le jour. Vu la crise en cours, “il y a déjà d’autres problèmes à régler, dont l’économie du pays”, murmure-t-on au Medef. François Asselin, le président de la CPME, estime carrément qu’il n’y a “aucune volonté du gouvernement de remettre le chantier en route”, “de rallumer la mèche”. Il croit comprendre pourquoi : “Politiquement, ils savent que ce serait dangereux de remettre la machine en route”.

 


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