Covid-19 en Inde : une catastrophe annoncée

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SOURCE : NPA

Dans tous les pays, la crise sanitaire du coronavirus met en lumière les inégalités sociales existantes et les exacerbe. En Inde, c’est un drame sanitaire et un drame humain qui se joue à grande échelle.

Avec 1,3 milliard d’habitants, six fois plus étendu et vingt fois plus peuplé que la France, ce pays, très inégalitaire, consacre moins de 1,2 % de son PIB aux dépenses de santé et 90 % des emplois relèvent du secteur informel, sans aucune protection sociale. Plus de la moitié de la population y vit avec 1,35 dollar par jour.

Le confinement, un piège laissant sans ressources

Le nombre de personnes qui dépendent d’un revenu au jour le jour est énorme, aussi le confinement total de trois semaines de l’ensemble du pays déclaré par Modi, premier ministre indien, le 25 mars est un drame humain parce que du jour au lendemain des centaines de milliers de travailleurs pauvres se sont trouvés sans revenus et sans aucun moyen de subsistance.

Malgré le confinement imposé et l’interdiction de se déplacer, des travailleurs migrants se sont rués vers les gares de bus pour tenter de rejoindre leurs villages dans d’autres États et faute de transports, sont partis à pied, pour rejoindre leur famille, augmentant le risque de propagation du virus à l’ensemble du pays et dans des zones rurales où les accès aux soins sont les moins développés. A Dehli, des hommes, qui travaillent d’ordinaire dans le bâtiment, chargés de l’entretien des rues, conducteurs de rickshaw (tricycle utilisé pour le transport de personnes ou de marchandises), des femmes, des enfants sont partis à pied sur les voies rapides désertes de la capitale pour rejoindre l’Uttar Pradesh. Les ouvriers journaliers de Delhi seraient estimés à au moins 1,5 million. Au dernier recensement de 2011, les migrants d’autres états représentaient 6,3 millions de personnes qui correspondent à 40 % de la population de la ville de Dehli. Le 24 mars, le ministre en chef de Dehli, nouvellement élu, a annoncé le versement ponctuel d’une indemnité de subsistance à hauteur de 5000 roupies [60 euros] pour ceux qui sont inscrits sur les listes du Comité d’action sociale des ouvriers du bâtiment de la ville, soit 300 000 membres.

Les forces de l’ordre appliquent les consignes de chasser les habitants de la rue, très brutalement et les contrevenants reçoivent des coups de lathis, cette longue matraque en bois de la répression indienne. Certains ont même été humiliés et forcés de marcher à quatre pattes pour ne pas avoir respecté le confinement.

Qu’est-ce que cela veut dire être confiné quand votre maison a pour toit le ciel, que votre refuge est sous les piliers d’une autoroute, que vous n’avez pas accès à l’eau, que vos toilettes sont les rails de la voie de chemin de fer ? Les habitants qui sont restés dans leurs bidonvilles viennent grossir les points de distribution que le gouvernement a fini par organiser en catastrophe : bonbonnes de gaz, nourriture… Le plan d’urgence, opérationnel pour trois mois, vise à garantir l’approvisionnement en nourriture des 800 millions de personnes les plus démunies, dans les villes, mais également dans les campagnes. Chacune d’entre elles va avoir droit, à compter du 1er avril, à « 5 kg de riz ou de blé et à 1 kg de lentilles de leur choix par mois », les aliments de base en Inde. Les sommes promises semblent trop “modestes” : 6 euros par mois aux femmes seules, 24 euros aux agriculteurs…

Le système de santé indien peut-il faire à une éventuelle explosion de cas de coronavirus ?

Le premier cas de Covid-19 est apparu en Inde le 30 janvier dernier, dans l’État du Kerala, suite à des retours de Chine, puis de pays infectés. L’interdiction d’entrer sur le territoire indien a d’abord concerné les Chinois puis étendue à tous les Européens. Des cas sans relation directe avec des voyageurs sont apparus. Le 10 mars, des cas étaient recensés dans onze États.

De nombreux États ont adopté le confinement et parfois imposé un couvre-feu. Ensuite, le gouvernement fédéral a suspendu les transports publics, fermé les bureaux, les lieux de culte et limité au strict nécessaire les déplacements, pour finalement imposer un confinement total.

En Inde, L’accès aux soins est cher, pas seulement pour les pauvres mais aussi pour la classe moyenne qui ne possède pas d’assurance. Selon la Banque mondiale, il y a 0,7 lit d’hôpital pour 1 000 habitants, soit six fois moins qu’en Chine, sans parler du nombre de lits d’isolement et l’on recenserait 70 000 lits équipés en matériel respiratoire pour une population d’1,3 milliard1. Le nombre de kits de dépistage en Inde est limité, le nombre de masques également. Quelques hôpitaux privés ont mis en place des unités Covid-19. Les services publics de santé sont fréquemment dans un état précaire. Il y a eu un faible taux de dépistage, faute de kits de dépistage. En Inde aussi, le constructeur automobile Mahindra & Mahindra est sollicité pour construire des respirateurs, il est même accusé de copie illégale au nom de l’urgence nationale. Les contraintes matérielles sont d’autant plus immenses, liées au gigantisme et aux inégalités.

Modi cherche à contrôler l’information sur l’épidémie de Covid-19

Mardi 31 mars, à la demande du gouvernement central, la Cour suprême a exigé des journalistes, qu’ils se réfèrent exclusivement à la version officielle de la situation : Plus de reportages, plus d’informations liées au Covid-19. La raison serait d’« éviter la diffusion d’inexactitudes » susceptibles de provoquer « une panique à grande échelle ». Alors que les rumeurs et les superstitions, la haine dirigée contre une partie de la population, peuvent provenir du gouvernement lui-même ou de ses soutiens.

La vérité est qu’il ne veut aucune critique de sa gestion de crise, notamment la situation d’urgence alimentaire et sanitaire pour les migrants internes à l’Inde. Le 13 mars, le gouvernement annonce qu’il n’y a pas d’urgence sanitaire. Le 19 mars, il annonce un confinement pour un jour, le dimanche 22 mars. Puis le 24 mars, il annonce un confinement total pendant 3 semaines, sans dire comment avoir accès aux denrées alimentaires et aux médicaments durant cette période. Et ensuite, comment les travailleurs sans revenus pouvaient avoir accès à un besoin essentiel : se nourrir, sans organiser les chaînes d’approvisionnement des services essentiels.

Les 13-15 mars, un rassemblement religieux musulman de 4 000 personnes venues de toute l’Inde a contribué à la diffusion du virus. Les 17 et 18 mars, 40 000 pèlerins hindous ont fréquenté un temple dans le Sud de l’Inde. Mais les nationalistes ont délibérément utilisé le premier de ces deux rassemblements pour diffuser leur poison nationaliste et discriminatoire envers les musulmans, en les accusant d’avoir contribué à répandre le virus, alors que le gouvernement n’avait pas interdit tout rassemblement considérant toujours qu’il n’y avait pas d’urgence sanitaire, pour finalement se contredire le lendemain. Un magazine en ligne, The Wire, avait dénoncé un rassemblement pendant le confinement avec la présence du ministre en chef de l’Uttar Pradesh, un yogi hindou extrémiste, proche de M. Modi. Son rédacteur en chef fait l’objet d’une enquête par la police. Ce dimanche, à la demande de Modi, pour unir la « nation », les Indiens devront éteindre l’électricité pendant 10 minutes et allumer les bougies, les portables. Cela ne les protégera pas de la catastrophe qui s’abat.


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