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SOURCE : France info
Selon les chercheurs, la levée du confinement devra se faire par étapes et ne devrait pas intervenir avant plusieurs semaines. Pour réussir l’après-confinement, il faudra être en mesure de tester massivement la population pour isoler les personnes porteuses du virus.
“Evaluer l’impact du confinement et identifier les stratégies optimales pour gérer la crise sanitaire [à la fin de celui-ci] relèvent d’une importance cruciale”, préviennent les chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Alors qu’Emmanuel Macron doit s’exprimer lundi 13 avril à 20 heures pour annoncer de nouvelles mesures dans la lutte contre l’épidémie de coronavirus, l’Inserm a réalisé une étude, mise en lignele 12 avril, sur l’impact du confinement en Ile-de-France et les conséquences des différents scénarios mettant fin aux restrictions.
Pour mettre fin au confinement sans dommage, il va falloir attendre, selon l’étude, le mois de mai, voire celui de juin. Ce travail “ne constitue pas une tentative de prédiction mais présente une évaluation des effets de différents scénarios, tenant compte du type de mesures plus ou moins contraignantes et du moment où elles seraient appliquées”, explique au Monde la chercheuse italienne Vittoria Colizza, qui a co-dirigé les recherches. Voici trois choses à retenir de cette étude.
L’immunité collective est loin d’être atteinte
Le retour à la normale pourrait prendre de nombreuses semaines. Pour éviter une deuxième vague lors de la fin du confinement, les chercheurs appellent les autorités à la prudence. “Alors que la France fait face à la première vague de la pandémie de Covid-19 en confinement, des formes intensives de distanciation sociale seront nécessaires dans les prochains mois en raison de la faible immunité de la population”, préviennent les chercheurs.
Selon l’étude, “la population infectée par le Covid-19, au 5 avril, devrait se situer entre 1% et 6%”. Le pourcentage est assez proche de l’estimation de l’Impérial College de Londres qui situe au 4 avril le taux de personnes contaminées entre 2,88% et 6,12%. Avec le confinement, le taux de reproduction de base de l’épidémie a chuté. Selon l’étude, il est passé de trois personnes contaminées par un seul porteur du virus à moins d’une personne (0,68).
C’est nécessaire pour désengorger les services hospitaliers, mais cela ne permet pas de se rapprocher de la fameuse immunité de groupe, quand une proportion suffisante (estimée à environ 60% de la population) d’individus se révèle immunisés, empêchant ainsi la circulation du virus. Par conséquent,“la fin du confinement sans stratégie de sortie conduirait à une deuxième vague submergeant largement le système de santé”, préviennent les chercheurs.
Des tests de dépistage seront nécessaires
Pour desserrer l’étau du confinement, les chercheurs estiment qu’il faut être en mesure d’identifier le plus vite possible, à l’aide de tests, les personnes contaminées afin de les isoler efficacement du reste de la population. “La recherche approfondie de cas et l’isolement permettraient de libérer partiellement la pression socio-économique causée par les mesures de confinement, tout en évitant de dépasser la capacité des services de santé”, estime l’étude de l’Inserm.
Plus le dépistage des personnes porteuses du virus et leur isolement seront efficaces, moins les mesures de distanciation sociale devront être contraignantes. “Un traçage des contacts rapide, efficace et à grande échelle est un composant essentielle permettant la libération partielle des contraintes de distanciation sociale dans les prochains mois”, ajoutent les chercheurs. Ils estiment que cela nécessite le recours à des technologies numériques, comme en Asie.
Ainsi, les mesures contraignantes actuelles pourraient être progressivement assouplies avec un retour au travail d’une partie de la population et un redémarrage des activités. Mais dans cette stratégie de sortie de confinement, les chercheurs estiment qu’il pourrait être nécessaire dans un premier temps de maintenir la fermeture des établissements scolaires et le confinement des personnes âgées.
Différents cocktails de mesures sont envisagés
Grâce à un modèle mathématique, les chercheurs ont évalué l’impact des mesures de déconfinement en fonction de différentes hypothèses sur l’efficacité de la recherche des cas et de l’isolation, mais aussi en associant d’autres mesures comme la fermeture des écoles, un niveau de 50% de télétravail, au moins la moitié des activités non essentielles restant à l’arrêt et le maintien des personnes âgées en isolement.
Ce cocktail de mesures pourrait réduire de plus de 80% le nombre de cas atteint lors du pic épidémique et feraient gagner entre un mois et demi et trois mois avant l’arrivée d’une seconde vague, comparé à l’absence de mesures. Mais dans toutes les hypothèses, les chercheurs préviennent que la capacité des hôpitaux en Ile-de-France devra être renforcée pour faire face à cette nouvelle vague.
En fonction des scénarios, certaines modélisations révèlent des oscillations en fonction des périodes. C’est-à-dire que le nombre de personnes en télétravail et le taux de fermeture des activités non essentielles varieraient selon le niveau de circulation du virus. L’étude précise que ni l’impact de l’utilisation des masques, ni le comportement saisonnier du virus n’a été pris en compte, en raison du manque de recul scientifique sur ces questions.
“Le confinement va durer longtemps car on ne peut pas vivre normalement avec cette épidémie. Le fait d’attendre encore pour le lever a l’avantage de garder un nombre de cas abaissé et allège la charge pour le système hospitalier”, confie Vittoria Colizza dans Le Monde. Le confinement offre surtout du temps pour organiser le dépistage et augmenter la capacité de tests, “mais une préparation logistique est indispensable en termes humains et organisationnels. Ce n’est pas qu’une question de quantité de tests”. La chercheuse évoque ainsi la nécessité de tester les protocoles de dépistage qui vont nécessairement accompagner la sortie progressive du confinement.