Philippe Martinez : “Le gouvernement met les salariés face à des choix cornéliens”

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SOURCE : Ouest France

Le secrétaire général de la CGT, deuxième organisation syndicale après la CFDT demande au gouvernement de renoncer aux réformes des retraites et de l’assurance chômage. Il dénonce l’insuffisance de moyens de protection pour les salariés.

Alors que le gouvernement vient d’annoncer les modalités générales d’un déconfinementprogressif, le pays s’apprête à fêter un 1er mai confiné, sans manifestations ni meetings. Dans ce contexte de pandémie et de crise économique, Philippe Martinez, secrétaire général de la Confédération générale du travail (CGT) réclame des moyens pour protéger les salariés du Covid-19. Et face à la crise économique qui s’annonce, il demande au gouvernement de renoncer aux réformes des retraites et de l’assurance chômage. Entretien.

C’est un 1er mai confiné pour les organisations syndicales. Que vous évoque cette situation ?

C’est un 1er mai tout à fait exceptionnel qui a cette année une dimension internationaliste. Ce n’était pas le cas ces dernières années. J’ai par exemple une interview en direct avec le Japon. Cette crise fait émerger une vraie conscience mondiale sur l’importance du jour d’après et rappelle l’urgence des questions sociales, économiques et environnementales. L’heure n’est pas au repli sur soi. Les débats ne se limitent pas à la France.

Le gouvernement veut restreindre la reconnaissance de maladie professionnelle du covid-19 au seul personnel soignant. Vous êtes d’accord ?

Cette reconnaissance de maladie professionnelle doit s’appliquer à tous ceux qui ont été au travail. Le personnel soignant est évidemment en première ligne mêmesi je n’aime pas parler de ligne de front. Il y a eu des décès parmi les salariés du commerce, les agents de sécurité. Et souvent, ils étaient moins protégés que d’autres. Il a fallu beaucoup insister, alerter pour qu’il y ait des précautions. Dans le cas d’Amazon, il y a eu des images et des photos de faites sur ce manque de protection. Tous ces salariés exposés au covid-19 doivent pouvoir bénéficier de cette reconnaissance de maladie professionnelle.

Est-ce qu’il faut un fonds dédié pour assurer cette prise en charge ?

Il y a un système qui existe dans notre pays pour la reconnaissance des accidents et des maladies professionnelles. C’est ce fonds qui doit être mobilisé. Si je reviens par ailleurs sur le cas d’Amazon, il a fallu aller en justice pour que le problème soit reconnu. Dans ce cas précis, la décision de justice doit faire foi pour la reconnaissance de maladie professionnelle.

Bruno Le Maire plaide pour une reprise du travail rapide. Vous le comprenez ?

Quand on défend les intérêts du monde du travail on est forcément sensible aux conséquences économiques de cette crise. Mais la priorité, c’est la santé. Il ne peut y avoir de reprise du travail le 11 mai si les salariés ne sont pas protégés. Or, il y a une pénurie de protection. Pendant cette période de confinement, en remettant au travail des personnes dont l’activité n’était pas essentielle, on a privé de protection ceux qui étaient au front pour reprendre un terme du Président de la République.

Vous le regrettez ?

Ces choix ont eu des conséquences pour la santé. Dans le cadre de cette reprise prévue le 11 mai, la priorité devrait aller à la protection. Ce n’est pas la CGT qui le dit mais les scientifiques. Et se protéger, c’est rester à la maison.

Le préavis de grève déposé dans la fonction publique en avril a parfois été perçu comme une provocation. Vous comprenez ?

Le préavis, c’est une alerte après des réunions avec les directions. Ce n’est pas la grève générale dans tout le pays. C’était pour protéger tous les salariés qui, dans les collectivités territoriales ne bénéficiaient pas de protection suffisante. Les salariés de la fonction publique, ce sont ceux qu’on applaudit à 20 h : ceux qui ramassent les poubelles, nettoient la voirie…. Mais il y a aussi eu des grèves dans les entreprises privées. Et ça, on en parle moins.

Vous pensez à quelles entreprises ?

Heureusement que les salariés ont fait grève à Amazon par exemple. Les ministres en ont fait moins l’écho. Dans l’Ouest, aux Chantiers de Saint-Nazaire, il y a eu des débrayages pour avoir des protections. Et ça n’a pas provoqué de tollé général. Je trouve que cette polémique sur ce préavis de grève dans la fonction publique est très malsaine.

Donc, pas de regrets ?

Non aucun regret.

Qu’est-ce que vous attendez du gouvernement ?

On parle beaucoup du déconfinement. On salue tous ceux qui ont été rebaptisés les premiers de corvée. Maintenant, il faut des mesures concrètes et ne pas attendre le mois de septembre ou le mois d’octobre pour par exemple augmenter les salaires. Les hôpitaux vous le savez ont été mobilisés pendant des mois. Est-ce qu’une prime de 1500 euros ça suffit face aux fermetures de lits ou d’hôpitaux ? Nous demandons aussi, non pas la suspension, mais l’arrêt définitif des réformes de l’assurance chômage et des retraites.

La reprise de l’école sur la base du volontariat, c’est un bon choix ?

C’est tout de même un choix cornélien. Qu’est ce qui va passer quand un employeur va dire à un salarié qu’il doit reprendre le boulot puisque ses enfants peuvent aller à l’école.

Cette prime de 1500 euros pour le personnel soignant vous convient ?

Ces 1500 euros vont mettre du beurre dans les épinards. Mais c’est à long terme qu’il faut reconnaître le personnel soignant. Les hôpitaux sont en flux tendu toute l’année Il faut une augmentation du point d’indice pour ceux qui sont dans la fonction publique. Et au-delà, une augmentation du Smic. Je comprends la colère des salariés du commerce qui ne vont pas tous toucher cette prime.

Le jour d’après que vous appelez de vos vœux est porteur de quel message ?

Il faut remettre à l’endroit un certain nombre de sujets. Prenez les États-Unis, jusqu’à présent ce pays était considéré comme un modèle. Souvenez-vous de ce qu’on disait sur le modèle social français et ses privilégiés. C’est quand même pas mal d’aller à l’hôpital avec une carte vitale plutôt qu’avec une carte bleue. Avec 25 associations et ONG dont Greenpeace, la CGT travaille à des propositions concrètes pour ce jour d’après, notamment dans le domaine environnemental.

Bruno Le Maire veut protéger les entreprises stratégiques. Vous partagez sa préoccupation ?

Il faut avoir une réflexion plus globale. Il y a urgence à relancer l’industrie dans ce pays. Depuis dix ans, nous nous battons pour recréer une filière industrielle d’imagerie médicale en France. C’était pas complètement idiot.

De la même façon, en Normandie, l’usine de La Chapelle-Darblay menacée de fermeturerecycle du vieux papier, le sujet est dans l’actualité avec les enjeux environnementaux. Et puis, on ne peut plus avoir un monde où la seule valeur d’ajustement c’est le travail. Le fameux coût du travail !

Renault peut se plaindre de la chute du nombre de voitures vendues mais il ne fabrique que 25 % de sa production en France. Il faut un contrôle des investissements étrangers avec des règles identiques pour tous.

 


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