AVANT-PROPOS : les articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » ne représentent pas les positions de notre tendance, mais sont publiés à titre d’information ou pour nourrir les débats d’actualités.
SOURCE : Prolétariat universel
Le communisme n’est ni ‘fédéraliste’, ni ‘centraliste’, et il est pourtant les deux à la fois
La traduction pour la première fois en Français d’un texte probablement écrit par Paul Mattick, en 1938, à la même époque que Bilan et qui répond à la question “centralisme ou fédéralisme”. Merci tout plein à Jonathan pour la rapidité et la qualité de sa traduction.
Les crises capitalistes proviennent de la contradiction entre les forces sociales et les relations de production, un conflit où l’emploi du capital devient de plus en plus difficile et qui doit mener à l’effondrement du capitalisme. Le Marxisme rejette toutes les théories économiques pseudo-socialistes qui consistent uniquement de nouveaux systèmes de distribution tout en gardant le système de production capitaliste. La production de valeur doit être abolie avant qu’il ne puisse y avoir les premières aspects d’une société communiste. Sous le communisme, le travail n’a ni ‘valeur’, ni ‘prix’. L’abolition de l’échange de la valeur est l’abolition du salariat, car le salariat n’est que l’échange entre acheteurs et vendeurs de la force de travail. Si cette relation existe – et le fait que les acheteurs de la force de travail soient des entrepreneurs individuels ou l’Etat n’importe pas – on a, par cette seule circonstance, production de valeur et de plus-value qui provient de l’exploitation des ouvriers. Et une production capitaliste ne permet qu’une distribution capitaliste. ‘La façon dont les forces productives sont échangées’ nous dit Marx dans La critique du programme de Gotha (page 32) est décisive quant à la façon de l’échange des produits’. Dans le communisme, la production n’est plus un procès d’expansion du capital, mais seulement un procès de travail dans laquelle la société retire de la nature les biens de consommation dont elle a besoin. Le seul critère économique est le temps de travail utilisé pour la production des biens utiles. Et donc, du point de vue du Marxisme, les expériences russes dans le domaine de ‘l’économie planifiée’, ne doivent pas être jugées comme socialistes. La façon de faire russe suit les lois de l’accumulation primitive, sur la base de la production de plus-value. La relation vis-à-vis du salaire est identique à celle sous la production capitaliste, ce qui a donné les moyens d’existence d’une bureaucratie grandissante qui s’accorde des privilèges de plus en plus importants, qui, en dehors des éléments du capitalisme privé qui existent encore, doit être considérée comme une nouvelle classe qui s’approprie le sur-travail et la plus-value.
Le cœur de la théorie bolchevique de la socialisation peut être ainsi esquissé :
Avec le soulèvement révolutionnaire, c’est à dire l’expropriation du capital, le contrôle des moyens de production et donc le contrôle de la production, de la distribution des produits passe entre les mains de l’appareil d’état. Ce dernier organise ensuite les différentes branches de la production en accord avec un plan et les met, en tant que monopole d’état, au service de la société. A l’aide de statistiques, l’autorité centrale calcule l’étendue et le type de la production, ainsi que la répartition des produits aux producteurs.
En effet, les moyens de production sont bien passés des mains des entrepreneurs privés à celle de l’Etat ; du point de vue des producteurs, par contre, rien n’a changé. Les producteurs ne contrôlent pas plus les produits de leur travail que sous le Capitalisme, car il leur manque toujours le contrôle sur les moyens de production. Comme avant, leur seul moyen de subsistance réside dans la vente de leur force de travail. La seule différence est qu’ils n’ont plus affaire au capitaliste individuel, mais au capitaliste total, l’Etat, en tant qu’acheteur de la force de travail.
En effet, les moyens de production sont bien passés des mains des entrepreneurs privés à celle de l’Etat ; du point de vue des producteurs, par contre, rien n’a changé. Les producteurs ne contrôlent pas plus les produits de leur travail que sous le Capitalisme, car il leur manque toujours le contrôle sur les moyens de production. Comme avant, leur seul moyen de subsistance réside dans la vente de leur force de travail. La seule différence est qu’ils n’ont plus affaire au capitaliste individuel, mais au capitaliste total, l’Etat, en tant qu’acheteur de la force de travail.
Les problèmes décisifs d’une économie communiste ne se présentent qu’une fois que le marché, le salariat, l’argent, etc., ont été complètement abolis. L’existence même de la relation du salaire signifie que les moyens de production ne sont pas contrôlés par les producteurs, mais affrontent les producteurs en tant que capital, et cette circonstance force encore plus à ce que le processus de reproduction prenne la forme de l’accumulation du capital. Ce dernier procès est en même temps, l’accumulation de la misère, et par cela même les ouvriers russes s’appauvrissent au même taux que le capital s’accumule. La productivité des ouvriers russes augmente plus rapidement que leurs salaires ; ils reçoivent une part qui est relativement de plus en plus petite du produit social qui augmente. Pour Marx, cette paupérisation relative de la population ouvrière au cours de l’accumulation est seulement une phase de la paupérisation absolue.
II
L’économie capitaliste a perfectionné la calculabilité développée par l’industrie. En particulier pendant les deux dernières décennies où les méthodes de calculabilité afin de déterminer les coûts ont atteint un niveau de précision élevé. Bien que les méthodes de comptabilité capitalistes sont liées à l’argent en tant que dénominateur commun, la nécessité de la comptabilité subsiste toujours malgré la disparition de l’argent et du marché dans la société communiste. Une mesure générale, une unité de compte est indispensable au règlement social de production et de distribution. Pour Marx et Engels, la base et l’unité de calcul de l’économie communiste était le temps de travail socialement nécessaire contenu dans les produits.
Le temps de travail en tant qu’unité de compte jouera un double rôle dans l’économie communiste « Sa répartition en accord avec un plan social défini maintient la proportion adéquate entre les différents travaux à faire, et les divers désirs de la communauté. D’autre part, il sert aussi de mesure de la portion de travail commun qui a été effectué par l’individu ainsi que de sa part du produit total destiné pour la consommation individuelle. Les relations sociales des producteurs individuels, en ce qui concerne leur travail ainsi que de ses fruits, sont dans ce cas parfaitement simples et intelligibles, et cela vis-à-vis de non seulement la production mais aussi la distribution ». (Capital, Édition Kerr Volume 1, p 90-91)
Le communisme n’est ni ‘fédéraliste’, ni ‘centraliste’, et est pourtant les deux à la fois.
C’est un mécanisme productif qui assure les opérations indépendantes des unités et permet la planification sociale de la production de manière simultanée. Dans toutes les formes de société, le procès de production doit être aussi un procès de reproduction. Sous le capitalisme, la reproduction est régulée par le mécanisme du marché, alors que sous le communisme c’est un procès planifié déterminé consciemment par les producteurs eux-mêmes. Si le temps de travail est la mesure de la production communiste, il est aussi la mesure de la reproduction étendue.
L’heure de travail social moyenne en tant qu’unité de calcul de la société communiste est capable d’inclure toutes les catégories de la production et de la distribution. Chaque entreprise déterminera le nombre d’heures de travail qu’elle consomme pour qu’elles soient remplacées par la même quantité. La méthode du temps de travail est incontestablement adaptée pour calculer le coût total d’une entreprise, d’une branche de la production industrielle et aussi du produit individuel ou du produit partiel. Même ces entreprises qui ne donnent fruit à aucun produit sont très capables de déterminer la quantité de temps de travail qu’elles consomment sous la forme de produits.
L’heure de travail social moyenne en tant qu’unité de calcul de la société communiste est capable d’inclure toutes les catégories de la production et de la distribution. Chaque entreprise déterminera le nombre d’heures de travail qu’elle consomme pour qu’elles soient remplacées par la même quantité. La méthode du temps de travail est incontestablement adaptée pour calculer le coût total d’une entreprise, d’une branche de la production industrielle et aussi du produit individuel ou du produit partiel. Même ces entreprises qui ne donnent fruit à aucun produit sont très capables de déterminer la quantité de temps de travail qu’elles consomment sous la forme de produits.
La formule de production d’une entreprise ainsi que celle de la société entière, peut être énoncée très simplement : moyens de production plus travail crée le produit. Si quelqu’un fait la différence entre deux types de moyens de production : fixes et circulants, on peut supposer la formule de production suivante pour une usine de chaussures :
Machines, etc. : 10 000 heures de travail
Matières premières,etc. : 70 000 heures de travail
Forces de travail : 70 000 heures de travail
Si l’on suppose encore que cette usine produit 50 000 paires de chaussures alors 150 000 heures de travail ont été dépensées pour leur production, ou bien trois heures de travail pour chaque paire. Cette formule est en même temps la formule de la reproduction simple. On sait combien d’heures de travail ont été consommées pour la production de 50 000 paires de chaussures. Le même nombre d’heures de travail doit lui être rendu en conséquence. Et ce qui est vrai pour une seule entreprise est vrai pour l’ensemble de la société, qui n’est bien sur que la somme de toutes les entreprises. Le produit social total est le produit des outils de production, des matières premières, et la force de travail de toutes les entreprises. En supposant que la somme totale de tous les moyens de production fixes est de 100 millions d’heures de travail, que celle des matières premières correspondantes est de 600 millions, et que le temps de travail consommé est égal à 600 millions, on obtient un produit total de 1 300 millions d’heures de travail. Sous les conditions de la reproduction simple, 600 millions d’heures peuvent être attribuées aux consommateurs sous la forme de biens de consommation.
Comme sous le capitalisme l’accumulation du capital est largement laissée aux capitalistes individuels, la reproduction de la force de travail est aussi laissée aux individus déterminés par leur classe. Les ouvriers produisent constamment, avec des exceptions négligeables, que de nouveaux ouvriers. La classe moyenne occupe, encore et encore, les professions supérieures. Sous le communisme, par contre, la reproduction de la force de travail et celle de l’appareil matériel de production sont toutes les deux des fonctions sociales. La position de classe de l’individu n’est plus déterminante, mais la ‘reproduction’ des fonctions de travail est consciemment régulée par la société. Et, en tant que corollaire, la nature antagoniste de la distribution est écartée, elle est étrangère à une société communiste.
L’application de l’heure de travail social moyen en tant qu’unité de calcul présuppose l’existence d’organisations de Conseils ouvriers. Chaque entreprise se présente comme unité indépendante et est connectée en même temps avec toutes les autres entreprises. Suite à la division du travail, chaque entreprise a un produit fini distinct. Avec l’aide de la formule susnommée, chaque entreprise peut calculer le temps de travail contenu dans ses produits finis. Le produit fini d’une entreprise, en tant qu’il n’est pas destiné à la consommation individuelle, va à une autre entreprise sous la forme de moyens de production ou de matières premières, et celle-ci calcule son produit fini en heures de travail à son tour. C’est la même chose pour tous les lieux de production, sans se soucier de l’étendue ou des genres de leurs produits.
Une fois que les entreprises individuelles ont déterminé le temps de travail moyen contenu dans leurs produits, il reste encore à déterminer la moyenne sociale. Toutes les entreprises qui fabriquent le même produit devront comparer leurs statistiques de production. Des entreprises individuelles d’une industrie dans un même territoire doit être obtenu la moyenne totale de toutes les moyennes des usines individuelles pour ces entreprises. Si 100 usines de chaussures, par exemple, arrivent à une moyenne de 3 heures et 100 autres arrivent à une moyenne de 2 heures, alors la moyenne générale d’une paire de chaussure est de 2 heures et demi. Les différentes moyennes sont le résultat des productivités différentes des usines individuelles. Bien qu’il s’agisse d’une condition héritée du capitalisme, et que les différences dans le domaine de la productivité disparaîtront progressivement, le déficit d’une entreprise doit être compensé par le surplus d’une autre pendant ce temps. Pour la société par contre, il n’existe que la productivité sociale moyenne. La détermination du temps de travail social moyen exige la cartellisation des entreprises. La contradiction entre la moyenne de l’usine et le temps de travail social moyen s’achève dans le cartel de production.
Le temps de travail social moyen diminue avec le développement de la productivité du travail. Si le produit ainsi ‘déprécié’ est destiné pour la consommation individuelle, il entre dans la consommation avec cette moyenne réduite. Si il s’agit d’un produit fini utilisé par d’autres entreprises comme moyen de production, alors la consommation des moyens de production et des matières premières de ces entreprises chute, les ‘coûts’ de production chutent et ainsi le temps de travail moyen pour ces produits est réduit. Compenser les variations de cette façon est un simple problème technique qui ne présente pas de problèmes particuliers.
Si l’heure de travail sert en tant que mesure de la production, elle doit aussi s’appliquer à la distribution. Marx exprime cette unité très clairement dans sa Critique (p 29) : « Ce que le producteur a donné à la société est sa quantité individuelle de travail. Par exemple, la journée de travail social consiste en la somme des heures de travail des individus. Le temps de travail individuel du producteur individuel est cette partie de la journée de travail social à laquelle il a contribué, la sienne dès lors. Il reçoit de la société un bon (argent en temps de travail) attestant qu’il a contribué à la société telle ou telle quantité de travail (après les déductions de son travail pour le fonds commun) et retire grâce à ce bon autant de moyens de consommation que coûte la valeur de travail. Il reçoit la même quantité de travail sous une forme, qu’il a donné à la société sous une autre ». Les ouvriers ne peuvent pas, par contre, recevoir le produit total de leur travail. Le temps de travail n’est pas la mesure directe pour la part du produit social destiné à la consommation individuelle. Marx continue d’expliquer dans sa Critique (p. 27) « Les produits coopératifs du travail sont le produit coopératif total. Mais doivent en être déduits ; d’abord, le remboursement pour le remplacement des moyens de production utilisés ; deuxièmement, une portion supplémentaire pour l’extension de la production ; et troisièmement, un fonds destiné à ceux qui ne peuvent pas travailler ».
Paul Mattick à Chicago, 34 ans (1938) |
Les institutions qui ne produisent pas de biens tangibles (établissements culturels et sociaux) mais qui participent à la consommation sociale peuvent être comptées comme entreprises. Leurs services se répandent dans la société sans délai ; la production et la distribution ici ne font qu’une. On appellera ces institutions ‘entreprises publiques’ à titre d’exemple. Tout ce que les entreprises publiques consomment doit être retiré des stocks des entreprises productives. Il est nécessaire de connaître la consommation totale de ces entreprises publiques . Avec le développement du communisme, ce genre d’entreprise s’étend de plus en plus, moyens de consommation, logements, transports publics, etc. Plus la société se dirige dans cette direction et plus d’entreprises seront transformées en entreprises publiques et moins le travail individuel sera la mesure de la consommation individuelle. Cette tendance sert à illustrer le développement général de la société communiste. Du produit social une part doit être employée à de nouvelles extensions de l’appareil productif. Si cette reproduction étendue doit être une action consciente, il est nécessaire de connaître le temps de travail social à la reproduction simple. La formule de la reproduction simple est : outils de production plus matières premières plus force de travail. Si l’appareil matériel de production doit être agrandi de dix pour-cents, une masse de produits de cette quantité doivent être retirés de la consommation individuelle. De retour à notre formule pour la société toute entière : 100 millions d’outils de production plus 600 millions de matières premières plus 600 millions d’heures de travail signifie que 700 millions d’heures de travail doivent être reproduites. Il reste 600 millions d’heures de travail. Les entreprises publiques prennent de ces 600 millions leurs moyens de production et leurs matières premières. Dix pour-cents sont retirés pour l’extension de la production, le reste peut être équitablement réparti entre les ouvriers qui ont participé à la production et au sein des entreprises publiques. Si l’on imagine que 50 millions d’heures de travail sont nécessaires pour les entreprises publiques et 70 millions pour l’extension on doit déduire du fonds de la consommation totale 120 millions d’heures de travail. Il reste 480 millions d’heures de travail pour financer la consommation individuelle.
La distribution, comme la production elle même, est une question sociale. Les ‘dépenses’ de la distribution sont inclues dans le budget général des entreprises publiques. Le rassemblement des consommateurs au sein d’associations avec un lien direct aux organismes de production permet la mobilité totale vers la satisfaction des besoins et des changements qu’elle implique. Dans les relations entre entreprises individuelles, le temps de travail ‘argent’ est superflu. Lorsque une entreprise livre ses produits finis, elle a lié des outils de production, des matières premières et de la force de travail, des heures de travail à la grande chaîne des travaux sociaux partiels. Ceux-ci doivent être rendus aux différentes entreprises sous la formes de produits finis différents. L’argent-travail est seulement valide pour la consommation individuelle. Alors que plus en plus d’entreprises sont intégrées en tant qu’entreprises publiques, la distribution sous la forme de l’argent-travail devient de moins en moins importante et se dirige vers sa propre abolition. Régler le facteur de la consommation individuelle est la tâche de la comptabilité sociale. Cette comptabilité est une comptabilité simple et rien d’autre. Elle est la partie centrale du processus économique, mais ne détient aucun pouvoir sur les producteurs et les entreprises individuelles. La comptabilité sociale n’est elle même qu’une entreprise. Ses fonctions sont : l’enregistrement des flux des produits, la régulation du fonds à la consommation, la dépense du temps de travail ‘argent’, le contrôle sur la production et la distribution. Le contrôle du procès de travail est purement technique, et est géré par chaque entreprise individuelle. Le contrôle détenu par la comptabilité sociale ne s’étend qu’à la comptabilité de tous les reçus et toutes les livraisons des entreprises individuelles et à surveiller leur productivité.
Les différentes entreprises industrielles livrent leurs budgets de production à l’entreprise qui s’occupe de la comptabilité sociale. L’inventaire social est établi à partir de ces budgets. Les produits sous une forme vont vers une entreprise, de nouveaux sous une nouvelles formes sont fabriqués par elle. Pour énoncer ce procès clairement : chaque transfert de bien est enregistré dans la comptabilité sociale générale par une validation, pour que le débit et le crédit de n’importe quelle entreprise puisse être vu à n’importe quel moment. Tout ce qu’une entreprise consomme sous forme d’outils de production, de matières premières ou ‘d’argent-travail’ apparaît du côté débit de l’entreprise ; ce qu’elle a procuré à la société sous forme de produits apparaît sous la forme de crédit. Ces deux catégories doivent se compenser en permanence, et révéler ainsi si et à quel point la production s’écoule sans heurts. Les pénuries et les excès de la part des entreprises deviennent visibles et peuvent être corrigés. Le procès reproductif devient le régulateur du procès de production.