«Les annonces de 70% de traffic à la RATP pour lundi semblent irréalistes»

AVANT-PROPOS : les articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » ne représentent pas les positions de notre tendance, mais sont publiés à titre d’information ou pour nourrir les débats d’actualités.

SOURCE : NPA

François-Xavier, conducteur de métro, répond à nos questions sur le “déconfinement” à la RATP.

Comment se passe la reprise à la RATP ?

On souhaite que ça ne soit pas fort, pour notre part, parce qu’assurer la santé des personnels qui y travaillent et des personnes que l’on va transporter paraît difficile. On travaille depuis le début du confinement, sans discontinuité : les conducteurs et conductrices des bus, métros, tramways et Rer sont sur le terrain, tout comme les les agentEs qui font la vente des titres de transport, de même qu’au métro. Toute une partie des personnels de maintenance est présente mais avec un effectif totalement réduit. Mis à part deux ou trois stations fermées par ligne de métro, tout était assuré jusque maintenant mais avec une amplitude de travail qui a explosé pour le personnel commercial.
Il y aussi de mauvaises conditions de transport, pour celles et ceux qui n’ont pas de véhicule, qui n’ont pas du tout été prisEs en charge par les entreprises : grosso modo, c’est aux salariéEs de se débrouiller alors qu’on aurait pu faire la même chose que pour les soignants et les soignantes : mettre en place des bus affrétés spécifiquement.
Donc si on prévoit 70 % du trafic aux environs du 11 mai, ça implique 60 % du personnel présent. À ce jour on en est en-deçà dans tous les secteurs d’activité, quelquefois une vingtaine de personnes sur certaines lignes de métro à pouvoir conduire.
Qu’en est-il au niveau hygiène et sécurité ?
En termes de protection, il a fallu batailler pendant le confinement pour pouvoir obtenir tout ce qui était masques, gants, gel hydroalcoolique. Il a fallu passer par des droits de retrait de plusieurs salariéEs – une cinquantaine tous secteurs d’activité – pour faire bouger un peu les choses. C’est comme ça que ça s’est mis en place : contrairement à ce que dit la RATP, ce n’est pas elle qui a décidé de le faire, c’est bien les luttes des salariéEs qui ont rendu cela possible. Il y a quand même eu quatre décès à la RATP, des milliers de personnes contaminées  par le virus, et ça va continuer. Les masques chirurgicaux, on estime que ce n’est pas suffisant.
Du côté de la sous-traitance, quelle est la situation ?
Pour les prestataires de services, ce n’est pas encore ça : par exemple les salariéEs du nettoyage ont des masques chirurgicaux, mais à raison de deux par semaine de travail alors que, dans le nettoyage, c’est six jours de boulot et un jour de repos.
On est bien loin des obligations de l’employeur. C’est qu’il fallait faire fonctionner et nettoyer le métro et les stations à moindre coût ! On a saisi la direction de la société, l’inspection du travail. Il y a des choses qui sont en train de se mettre en place mais ça arrive tardivement, malheureusement, parce que les salariéEs ont été un peu isoléEs.
On n’a pas vraiment de vision sur le nombre d’entreprises qui interviennent sur les sites de la RATP, il y en a quand même un paquet : le gardiennage, le nettoyage, l’accueil etc.
Quand on ne protège pas celles et ceux qui sont en première ligne pour lutter contre la propagation du virus, on expose touTEs les autres, aussi bien les personnels que les usagerEs.
On a vu des images de trains bondés, est-ce que tu confirmes ce genre de situation ?
C’est effectivement le cas sur certaines lignes de bus et de métro. Au début du confinement, il n’y avait pas autant de monde sur ces lignes, donc il y a bien des employeurs qui ont forcé leurs employéEs à venir travailler. Ce qui fait qu’on se retrouve dans une situation où on ne peut pas assurer des conditions de transport et de sécurité satisfaisantes : ce n’est pas possible quand il y a autant de monde d’un coup et qu’on n’a pas les moyens humains et techniques nécessaires.
Sur un plan personnel, et concernant les militantEs et les libertés publiques, il n’y a pas de déconfinement. Comment vois-tu les choses, et notamment d’un point de vue syndical ?
On a un vrai souci avec cette expression de déconfinement parce qu’on voit bien qu’aujourd’hui c’est uniquement l’aspect économique qui est abordé. On déconfine le travail pour permettre de reprendre l’activité économique du pays. Or, pour pouvoir transporter les usagerEs en toute sécurité, il faudrait beaucoup plus de personnels, il faudrait ne pas ramener tout le monde au travail, il faudrait ne déplacer que les personnels essentiels à la vie de la société.
La liberté syndicale n’est pas évidente dans cette situation, parce qu’on n’a pas les moyens de faire le boulot et puis, quand on intervient, il y a pas mal de réticences.
Il y plusieurs dossiers qui sont en cours sur la discrimination syndicale, ou simplement l’expression des salariéEs, qui ne peuvent pas dire ce qu’ils/elles pensent. Il y a des choses sur lesquelles il va falloir taper plus fort : la situation de « l’avant » n’est pas juste du tout. Les conditions de travail dans lesquelles nous avons pu évoluer ces dernières années sont inacceptables. On a supprimé des milliers d’emplois. On a détruit progressivement les services publics. On a délocalisé des entreprises et aujourd’hui on voit bien que ce sont ces fameuses personnes – que l’on pointait du doigt en disant qu’elles étaient privilégiées – qui font tourner l’économie et la vie de la société.
C’est là-dessus qu’il va falloir travailler. Notre déconfinement, c’est celui-là : déconstruire tout ce que le capitalisme a fait et a détruit sur son passage afin d’améliorer nos conditions de travail, nos conditions de vie, nos libertés. Construire de nouveaux services publics, améliorer ceux qui sont existants, en construire de nouveaux, aller chercher
de nouveaux droits, réduire le temps de travail.
Aujourd’hui plein de travailleur/euses se demandent pourquoi il faudrait retourner travailler autant qu’avant après avoir vécu quand même une certaine liberté, un certain équilibre dans la vie aussi bien familiale qu’amicale. Même intellectuellement, on retrouve un peu de liberté pour pouvoir s’instruire, avoir plus de temps pour la culture, participer à la vie associative etc. Tout ça va manquer cruellement. À Solidaires RATP, on dit qu’il faut diminuer le temps de travail, partager ce travail-là avec l’ensemble des salariéEs qui en ont cruellement besoin pour lutter contre le chômage.
La privatisation des bus est toujours en cours et c’est une de nos inquiétudes. On a eu besoin de nous mais on continue à malmener le service public de transports.
Que dirais-tu aux collègues qui ont été isoléEs pendant plusieurs semaines et qui reviennent au boulot ?
Les annonces de 70% du trafic côté RATP et dans les autres entreprises dans les transports, cela nous paraît totalement irréaliste tellement on n’est sûr de rien, et vu le manque de protection face au virus. Il va y avoir des expressions de droit de retrait un peu partout.
Ce que pensent les salariéEs, c’est qu’on ne doit pas reprendre le boulot, qu’il faut revenir une fois que tout sera réglé et que la sécurité des gens que l’on transporte sera réellement assurée et garantie.
Propos recueillis par Antoine Larrache

Articles similaires

Commencez à saisir votre recherche ci-dessus et pressez Entrée pour rechercher. ESC pour annuler.

Retour en haut