Des foyers de travailleurs migrants abandonnés à leur triste sort pendant le confinement

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SOURCE : Bastamag

Parqués dans des chambrettes insalubres et en sur-occupation, les résidents de plusieurs foyers de travailleurs migrants dénoncent l’indifférence des gestionnaires malgré l’épidémie.

Au foyer de travailleurs migrants Romain-Rolland de Saint-Denis, au moins une dizaine de résidents avaient été contaminés mi-avril. Cinq personnes âgées seraient mortes du Covid-19, selon un communiqué des résidents. Les autres doivent financer eux-mêmes leurs masques et le gel hydroalcoolique.

Pour la plupart construits entre les années 1950 et 1970 afin d’accueillir les travailleurs des anciennes colonies, les foyers de travailleurs migrants ont connu peu de rénovation depuis. Dans les foyers gérés par la société Adoma, ce sont à chaque fois plus de 300 résidents qui s’entassent dans des chambrettes de 7 à 9 m2, et qui doivent partager les cuisines et les sanitaires. Ceux-ci peuvent avoir été fermés pendant le confinement afin d’éviter une trop grande proximité en période de Covid-19.

Dans l’indifférence des gestionnaires, les résidents sont livrés à eux-mêmes. Un Collectif pour l’avenir des foyers, en collaboration avec les délégués et représentants des résidents, ne cesse de dénoncer les conditions de vie dégradantes. Pendant le confinement, le collectif a multiplié les lettres ouvertes et les communiqués pour alerter les gestionnaires et les pouvoirs publics sur les dangers de l’insalubrité, et d’une potentielle propagation du virus parmi les résidents. Après plus d’un mois, aucune réponse n’a été apportée. « À chaque fois qu’on a affaire à eux, c’est la même chose. Ils nous répètent que nous ne sommes pas crédibles, et rejettent sur nous les problèmes sanitaires et la dégradation des foyers, alors que nous n’avons aucun moyen pour les entretenir », témoigne Bahadémou Coulibaly, résident et délégué du foyer-tour Adoma Siqueiros à Saint-Denis.

« Depuis le début du confinement, aucun gestionnaire n’est venu nous voir »

Adoma gère 133 foyers de travailleurs migrants sur tout le territoire, et loge environ 88 000 personnes. Détenu par la Caisse des dépôts et de consignation (CDC) et par l’État, Adoma est l’un des principaux acteurs du secteur. La société assure, dans un communiqué du 5 avril où sont énumérées quelques mesures prises face à l’épidémie, effectuer « une visite régulière (….) par un responsable » de « l’ensemble des résidences, pensions de famille et foyers de travailleurs migrants » et travailler « en coordination étroite avec les Agences régionales de santé » [1]. Il semble, selon les témoignages de plusieurs résidents de foyers en Île-de-France que ce ne soit pas le cas, ou que ces visites ont été très tardives malgré l’urgence.

Au foyer Siqueiro, les résidents ont pu être testés grâce à la mobilisation de l’Agence régionale de la santé. Malgré ces mesures médicales, les contraintes s’accumulent. Dans ce foyer, 90 % des résidents ont perdu leur travail à cause du confinement, la plupart survivent grâce aux associations locales qui viennent distribuer des repas. « Depuis le début du confinement, aucun gestionnaire n’est venu nous voir. Des cuisines et des sanitaires ont été fermés sur plusieurs étages, et nous devons vivre avec les cafards et les punaises de lit », rapporte Bahadémou Coulibaly.

Au foyer La Noue à Montreuil, les résidents sont forcés de partager leurs conditions de vie délabrées avec des squatteurs, qui occupent illégalement les lieux. Depuis leur arrivée, Mamadou Doucoudré, résident et délégué du foyer, a alerté plusieurs fois Adoma en mars et en avril, sans effet. « Il y a des squatteurs sur plusieurs étages, et nous avons constaté plusieurs dégradations et incidents. Il y a eu trois débuts d’incendies au mois de mars, mais Adoma ne fait rien, et la police ne prend même plus la peine de venir », déplore-t-il.

« Les gestionnaires appliquent des politiques discriminatoires et paternalistes »

Même dans des foyers insalubres, même en période Covid-19, les résidents doivent s’acquitter de leur loyer sous peine d’expulsion. Pour une chambrette de moins de 10 m2, il faut compter 300 à 400 euros par mois. Une somme qui augmente chaque année. « C’est la deuxième année consécutive que les loyers augmentent, de cinq à six euros. Adoma nous fait payer la construction de résidences sociales que nous ne verrons sans doute jamais. Tout est une affaire de business pour eux », s’indigne Mamadou Doucoudré.

« Les gestionnaires sont méprisants vis à vis des travailleurs immigrés. Ils appliquent des politiques discriminatoires et paternalistes, et profitent du fait que les travailleurs migrants ne bénéficient pas des droits communs des locataires pour se déresponsabiliser totalement », critique Geneviève Petauton, animatrice du Collectif pour l’avenir des foyers (Copaf).

En France, il existe un peu plus de 300 foyers de travailleurs migrants gérés par différentes sociétés, telles que Coallia, Adef, et Hénéo. Sans l’intervention d’associations, par exemple pour la mise en place de consultations médicales – comme l’a fait Médecins sans frontières au foyer La Noue – la situation des résidents pourrait rapidement tourner à la catastrophe sanitaire en période de pandémie.

Solani Bourébi

 


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