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SOURCE : France TV Info
L’Assemblée nationale a décidé d’étendre l’expérimentation des cours criminelles à 30 départements en raison du coronavirus. Pour Maître Éric Dupond-Moretti, “la justice dans ce pays est rendue au nom du peuple français et le peuple en est exclu”.
“On a utilisé le Covid-19 pour supprimer la cour d’assises. C’était dans certains esprits qui ne veulent pas du contradictoire que peut apporter le jury populaire”, dénonce sur franceinfo vendredi 15 mai, maître Éric Dupond-Moretti, après la décision de l’Assemblée nationale d’étendre l’expérimentation des cours criminelles (5 magistrats professionnels, sans jury populaire) à 30 départements en raison de l’épidémie de coronavirus. “L’intervention des citoyens, c’est une bouffée d’oxygène dans le corporatisme des juges”, soutient l’avocat pénaliste. “J’ai peur que ces habitudes soient pérennes, j’ai peur que les petits abandons entraînent des grands”, redoute Éric Dupond-Moretti.
franceinfo : Ne plus avoir de jury populaire qu’est-ce que ça change pour le justiciable ?
Éric Dupond-Moretti : C’est la mort de la cour d’assises. La justice dans ce pays est rendue au nom du peuple du français et le peuple en est exclu. Certains magistrats ont profité de l’épidémie du Covid-19 pour réaliser leurs vœux et supprimer la cour d’assises, pour en faire quelque chose de professionnel. Il faudrait être rassuré, mais je ne le suis pas du tout. Le barreau n’a pas été consulté, tout cela s’est fait à la hâte. C’est un projet de la chancellerie fait par et pour les magistrats. On ne veut plus du jury populaire dans ce pays.
Qu’est-ce que vous craignez ?
L’intervention des citoyens, c’est une bouffée d’oxygène dans le corporatisme des juges. C’est le peuple qui participe à la justice et qui la découvre. Il n’y a rien de plus démocratique que la cour d’Assises. Maintenant, exit le peuple ! Ça va se faire dans l’entre soi. C’est ce que voulaient certains magistrats, ils l’ont obtenu. On commence par 30 [départements] ensuite ce sera 31, 32, 35 et puis on ne fera pas marche arrière.
Ce n’est pas bénéfique que les tribunaux puissent ainsi se désengorger en passant par les cours criminelles ?
Ce n’est pas vrai ce qu’on est en train de raconter là. A partir du moment où on est déconfinés, les gens vont aller au restaurant, au café, aux théâtres, dans la rue, dans les squares et les citoyens ne pourraient pas se rendre au palais de justice pour juger. On a utilisé le Covid-19 pour supprimer la cour d’assises. C’était dans certains esprits qui ne veulent pas du contradictoire que peut apporter le jury populaire. Le jury populaire, c’est une magnifique juridiction. Je peux vous dire d’expérience, il y a 34 ans que je suis avocat, que les gens qui sont tirés au sort ont envie de bien faire les choses. Ils apportent du bon sens, leur expérience.
Que pensez-vous des audiences en visioconférence, parfois sans la présence du prévenu ?
Il y a tous les types de comportements. Il y a des magistrats courageux et indépendants qui ont résisté à ces sirènes. À Marseille, le tribunal correctionnel a condamné un homme à 3 ans d’emprisonnement sans qu’il soit présent en raison de l’épidémie de Covid-19, sans qu’il y ait une visioconférence et sans qu’il soit représenté par un avocat. C’est une monstruosité. Jamais en France on n’a pu prolonger une détention ou la prononcer sans qu’il n’y ait une présentation de l’intéressé devant ses juges. C’est la moindre des choses. L’entorse à cela que nous connaissons est historique, elle s’appelle, la loi des suspects de 1793. J’ai peur que ces habitudes soient pérennes, j’ai peur que les petits abandons entraînent des grands.