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SOURCE : Libération
Le confinement a très fortement ralenti le dépistage d’après le président de la Ligue nationale contre le cancer, laquelle a également vu les dons fortement chuter.
Sur le front du cancer, les deux mois de confinement n’ont pas été si catastrophiques, du moins pour les malades. Sauf en termes de prévention. «Là où il faut vite rattraper le retard, c’est sur le dépistage», note le professeur Axel Kahn qui préside, aujourd’hui, la Ligue nationale contre le cancer. Par une simple règle de trois, il note en effet que ce sont plus de 30 000 cancers qui n’ont pas été diagnostiqués pendant ces jours de repli où les personnes n’ont plus été consulter. «C’est un chiffre évidemment impressionnant, poursuit ce généticien, mais si les patients reprennent vite leur route vers les centres, cela se rattrapera. Deux mois de retard dans le diagnostic, ce n’est pas catastrophique pour la plupart des cancers. Mais il ne faut pas traîner. Notre inquiétude est là. Et il peut y avoir des embouteillages, des temps d’attente plus longs, c’est pour cela que notre conseil est de se rendre dans les centres de dépistage tout de suite.»
«Protéger les malades en traitement»
Pour le reste, le bilan est assez étonnant, parfois même déroutant aux yeux de la Ligue contre le cancer. Ainsi, pour les malades en cours de traitement, il y a eu peu de conséquences cliniques. On s’en souvient, le discours ambiant avait été très insistant sur le risque accru de développer des formes plus graves si les malades cancéreux étaient infectés par le Covid-19. «Cela ne s’est pas confirmé, note Axel Kahn. Globalement, nous n’avons pas eu l’impression que les malades sous chimio, qui plus est infectés, auraient eu des formes plus graves. Le facteur de risque dominant restant l’âge. Pour autant, poursuit-il, il s’agissait de protéger les malades en traitement.» Et selon lui, cela ne s’est pas trop mal passé. «Il y a eu une tendance à alléger les protocoles, à faire des chimios plutôt par voie orale que par transfusion. Il y a eu également des simplifications dans les séances de radiothérapie, et enfin on a repoussé fréquemment des interventions chirurgicales, quand cela était possible. Au final, cela ne s’est pas traduit par une perte de chance pour le patient», explique le président de la Ligue.
«Effondrement des dons»
Reste un air du temps lourd, avec un sentiment d’abandon pour les patients. «Ce fut peut-être le plus pénible. Beaucoup de malades ont eu le sentiment d’être abandonnés. Ils étaient seuls, ils n’arrivaient plus à contacter leur oncologue ou leur médecin. Beaucoup ont eu le sentiment de se retrouver encore plus isolés. On leur disait que l’opération était repoussée. Mais quand ? Ils n’avaient pas de réponses. C’est pour que cela que la Ligue a mis en place, dès le 9 mars, une cellule d’écoute.» Et Axel Kahn de lâcher : «J’avais le sentiment pour eux d’une triple peine : le cancer, se sentir fragile, et se sentir abandonné.»
Dernier point qui n’avait pas été du tout anticipé : la chute des dons. «C’est plus qu’une chute, c’est un effondrement, nous dit encore Axel Kahn. Ce sont plus d’une dizaine de millions d’euros que nous avons perdus. Des comités locaux vont avoir du mal à s’en remettre. Et comme beaucoup de ces comités donnent des aides directes aux malades, ces derniers risquent d’en souffrir encore plus.» Là aussi, d’éventuelles conséquences sociales sont à craindre.