Clap de fin pour le franc CFA, qui devrait désormais s’appeler l'”Eco”. La France a entériné officiellement la disparition de cette devise – héritage colonial -, mais sans renoncer pour autant à son engagement financier en Afrique à un moment où le continent est frappé par la crise du coronavirus. “Le rôle de la France évolue pour devenir celui d’un strict garant financier de la zone”, a expliqué le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. “Les engagements sont tenus et nous sommes au rendez-vous”, a-t-il affirmé lors d’une audition mercredi après-midi devant la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale.

“Cette fin symbolique devait s’inscrire dans un renouvellement de la relation entre la France et l’Afrique et écrire une nouvelle page de notre histoire”, a affirmé la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye, après l’approbation par le Conseil des ministres d’un projet de loi qui donne le feu vert à la transformation du franc CFA. “Il s’agit de la mise en oeuvre concrète de l’accord du 21 décembre dernier”, annoncé par le président ivoirien Alassane Ouattara, en présence de son homologue français Emmanuel Macron, qui a lancé cette réforme du franc CFA, a expliqué à l’AFP une source française. Le projet de loi apporte ainsi la ratification en droit français de la transformation de cette monnaie, souvent dénoncée par ses opposants comme “colonialiste” et dont le président français a reconnu qu’elle était “perçue comme l’un des vestiges de la Françafrique”.

Concrètement, les huit pays d’Afrique de l’Ouest devront désormais décider si cette nouvelle monnaie s’appelle Eco comme prévu initialement. Grâce à cet accord, la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) ne devra plus déposer la moitié de ses réserves de change auprès du Trésor français, obligation qui était perçue comme une dépendance humiliante vis-à-vis de la France par les détracteurs du franc CFA.

Autre différence importante : Paris se retire des instances de gouvernance dans lesquelles elle était présente. Jusqu’à présent, le ministre des Finances et le gouverneur de la Banque de France participaient aux deux réunions annuelles, dont l’une se déroulait à Paris. En revanche, la France continuera de jouer son rôle de garant pour cette monnaie qui maintiendra également une parité fixe avec l’euro (1 euro = 655,96 francs CFA). Ce point est appelé à évoluer lorsque la monnaie commune ouest-africaine verra le jour.

Ce changement se produit à un moment où la France plaide à l’échelon international pour un soutien aux pays africains, qui subissent de plein fouet la crise économique provoquée par le coronavirus. En plus de la chute des prix du pétrole et de ceux des matières, l’Afrique est aussi confrontée à la défiance des investisseurs qui se replient sur des marchés plus sûrs. “L’Afrique reste l’une de nos préoccupations constantes”, a affirmé mardi le ministre des Finances Bruno le Maire lors d’une audition à l’Assemblée nationale, précisant qu’il prévoyait de soutenir les pays du continent “à travers le Fonds monétaire international”.

Depuis le début de la crise, Paris a également été très actif au sein du G20 et a notamment obtenu il y a un mois un moratoire sur le paiement du service de la dette cette année pour les 77 pays les plus pauvres. Le Mali a été le premier pays africain à bénéficier mardi de cette mesure auprès des créanciers du Club de Paris. D’autres devraient suivre comme l’Éthiopie, la République démocratique du Congo, le Congo-Brazzaville, le Cameroun et la Mauritanie.

Concernant le nouvel Eco, il reste à savoir si cette monnaie s’étendra par la suite à l’ensemble des quinze pays membres de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédeao). Avant l’annonce de la fin du franc CFA, ces Etats s’étaient mis d’accord pour lancer une monnaie commune cette année qui se serait appelée également Eco.

La réforme du franc CFA a été négociée tout au long au second semestre 2019 entre la France et les huit pays de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA): Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo. Mais le franc CFA ne disparaît pas complètement : les six pays d’Afrique centrale (Cameroun, la Centrafrique, le Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale et le Tchad), qui forment une zone monétaire distincte, continueront à l’utiliser.