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SOURCE : Libération
Le rapport de Jacques Toubon met en cause les agissements de policiers du XIIe arrondissement parisien, et pose le problèm
Une «discrimination systémique». Dans une décision datée du 12 mai et révélée par Mediapart, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, qualifie de «discriminatoires» les pratiques, répétées sur plusieurs années, du commissariat du XIIe arrondissement de Paris à l’encontre d’un groupe de jeunes habitants noirs et arabes ou perçus comme tels. Ces observations interviennent dans le cadre d’une procédure civile lancée contre l’Etat en juillet 2019 par 18 mineurs à l’époque des faits. Ils dénoncent depuis 2015 des contrôles au faciès, des insultes et des violences répétées de la part des policiers. Dans cette affaire, trois agents avaient été condamnés au pénal en avril 2018, en première instance, à cinq mois d’emprisonnement avec sursis et des amendes. Sur ce volet pénal, un appel a été interjeté par les policiers.
Pour former son avis sur ces faits, le Défenseur des droits a eu accès aux différentes pièces de la procédure pénale. Dans sa décision, l’autorité administrative indépendante relève notamment que les pratiques en cause étaient le fruit d’ordres hiérarchiques : «Les pratiques dites de “contrôle évictions” demandées par la hiérarchie concernaient toujours les mêmes jeunes gens, lesquels étaient par ailleurs qualifiés dans les registres de main courante d’”indésirables”, terme particulièrement stigmatisant.» Une succession de contrôles d’identité́, de palpations, de conduites au commissariat qui «se sont produits en dehors du cadre légal et se sont accompagnées d’entorses fréquentes à la procédure qui visaient particulièrement les plaignants, tous des jeunes gens […] d’origine maghrébine et africaine», estime le Défenseurs des droits.
«Biais cognitifs ancrés»
L’autorité administrative indépendante s’appuie alors sur les sciences sociales et la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation pour retenir la notion de «discrimination systémique» : «Les discriminations liées à l’origine à l’encontre de groupes de personnes s’inscrivent dans un ensemble de représentations et de préjugés qui traversent la société. Profondément ancrés dans nos structures sociales et mentales, ces biais cognitifs renvoient l’individu à une identité́ sociale dévalorisée, qui semble justifier les pratiques inégalitaires dont il fait l’objet.»
Dans sa décision, Jacques Toubon conclut que «c’est ainsi la somme des pratiques constatées, la répétition des violations de procédures envers le groupe de jeunes gens du quartier d’origine maghrébine et africaine qui va conduire à la reconnaissance de la discrimination sous ses multiples formes qu’il s’agisse de discriminations directe, indirecte ou de harcèlement, créant un cadre où se déploie la discrimination systémique : l’effet cumulatif de ces comportements crée un climat d’exclusion et de discrimination.»
La révélation de cette récente décision intervient au moment où les pratiques discriminatoires des forces de l’ordre et les violences policières sont brûlantes dans le débat public aux Etats-Unis à la suite de la mort de Georges Floyd, le 25 mai, lors de son interpellation. Mais aussi en France. Un rassemblement est notamment organisé ce mardi en fin de journée devant le tribunal de grande de Paris par les proches d’Adama Traoré, mort en juillet 2016 lors de son arrestation par la gendarmerie.
«Déni»
Pour Slim Ben Achour, l’avocat des 18 plaignants, la décision du Défenseur des droits est «historique». Il estime que la position de l’autorité administrative indépendante et les faits en cause «dépassent la problématique individuelle des personnes contrôlées, violentées, dans le XIIe arrondissement» : «C’est un problème dont la République n’arrive pas à saisir. Cela fait écho à ce qui se passe aux Etats-Unis, où les gens n’ont aucun mal à dire que la mort de George Floyd n‘est pas juste un fait isolé mais s’inscrit dans une histoire, des relations sociales et qu’il faut absolument changer les choses.»
Dans une récente interview à Libération, le secrétaire d’Etat auprès du ministère de l’Intérieur, Laurent Nuñez, balayait les critiques de pratiques discriminatoires en jugeant que dans les quartiers populaires, «les gens ne se sentent pas stigmatisés par la police» et qu’il n’existe pas de «racisme diffus». «Les propos de Laurent Nuñez sont l’expression même du déni et de la négation du droit des personnes, de leur opinion, leur expression et leurs conditions de vie. Les discriminations raciales dans les pratiques policières sont de plus en plus documentées, la France s’est même engagée devant les Nations unies à y mettre un terme», réagissait alors Slim Ben Achour.
Dans un message envoyé ce mardi à ses agents face à la montée de la polémique sur les pratiques policières en France, le préfet de police de Paris, Didier Lallement, tenait le même discours que le ministère : «Il n’y a pas de race dans la police, pas plus que de racisés ou d’oppresseurs racistes.» Avant d’interdire, quelques heures plus tard, le rassemblement prévu devant le palais de justice mardi soir.
e en des termes allant à rebours du discours gouvernemental.