AVANT-PROPOS : les articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » ne représentent pas les positions de notre tendance, mais sont publiés à titre d’information ou pour nourrir les débats d’actualités.
SOURCE : NPA
Le « vote de tous les Russes » pour la réforme constitutionnelle s’est terminé mercredi 1er juillet. Le scrutin, prévu en avril, avait été repoussé en raison du confinement. Sans attendre la fin de la pandémie, les Russes ont été déconfinés et priés de se rendre masqués et gantés aux urnes.
67,97 % des électeurEs inscrits se sont levés de leur canapé pour aller voter et entériner l’article 81 de la Constitution qui autorise Poutine à remettre son compteur à zéro et à se représenter aux élections présidentielles de 2024.
Poutine jusqu’en 2036 ?
Sans crier gare, Poutine avait pris l’initiative de ladite réforme le 15 janvier. Il présentait son projet de révision, au nom des « changements » réclamés selon lui par le peuple russe. Pour que ce dernier ne puisse prendre le temps de le contredire, la procédure était accélérée. Indépendamment de toute Assemblée constituante, le projet était adopté par la Douma en moins de deux mois. La Cour constitutionnelle ne mouftait pas et déclarait conforme le projet malgré les contradictions de fond flagrantes et les entorses à la forme. Sûr de lui et décidé à se faire acclamer, Poutine imposait son bouquet final : une votation populaire.
Les chiffres attendus par Poutine sont là : 77,92% de votes favorables, notamment grâce aux manœuvres et fraudes habituelles pour arracher des votes ou l’organisation de loteries faisant miroiter des smartphones. Aucune démagogie n’a été épargnée, les spots publicitaires à la TV ont marqué le confinement et les jeunes « bénévoles de la Constitution » sont les « héros principaux des changements ». Vladimir Poutine est en place depuis 2000 et s’y verrait bien jusqu’à 2036 dans le cadre d’un exécutif renforcé notamment par la réforme d’un Conseil d’État à la fonction exorbitante et aux compétences indéfinies ! Les opposantEs au régime et quelques spécialistes ont dénoncé un coup d’État.
La Constitution et la réalité
L’enjeu principal du scrutin était d’accorder une base constitutionnelle à la prolongation du règne de Poutine mais 50 amendements étaient à voter. Les amendements constitutionnalisant la « foi en Dieu » et le mariage hétérosexuel visaient à flatter les plus conservateurs, tandis qu’un volet prétendument social cherchait à appâter les classes populaires. Sur le papier, le projet prévoyait l’assurance d’un régime universel de retraite et l’établissement d’un salaire minimum sur la base d’un « minimum vital » sans pour autant revenir sur une récente réforme des retraites, qui avait donné lieu à une vaste campagne de protestation. Dans la réalité aggravée par la crise sanitaire, la récession est engagée. Le chômage bat son plein et les nombreux travailleurEs, exploités dans le cadre de l’économie informelle, n’ont d’ores et déjà rien à espérer des amorces sociales de la réforme constitutionnelle.
Légalement, la voie référendaire aurait exigé un vote amendement par amendement. Mais pas question que les électeurEs puissent s’exprimer en faveur des mesures sociales sans avaliser également le projet institutionnel permettant à Poutine de prolonger son mandat jusqu’en 2036. Foin donc du Référendum constitutionnel, et vive le « Vote de tous les Russes » ! La révision constitutionnelle est entérinée, difficile en revanche d’affirmer que Poutine et sa politique ont été plébiscités. La Constitution rapiécée sur mesure ne suffira pas à Poutine et son régime pour rester en place, si les classes populaires russes venaient à engager un bras de fer pour imposer un changement social et politique que beaucoup appellent de leurs vœux.