Et si la solution passait par la construction d’îlots de socialisme ?

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SOURCE : Blog de Nicolas Maury

Et si on décidait de mettre les moyens pour sauver le Parti Communiste Français et pour enfin trouver une route révolutionnaire qui détruise le système capitaliste et ses aliénations ?

Et si l’on commençait à engager la bataille pour construire des îlots de socialisme, comme base opérationnelle du PCF et comme modèle de société ?

Quelques pistes à partir d’exemples concrets.

Et si la solution passait par la construction d’îlots de socialisme ?
Les élections municipales et “l’affaire de Vitry-sur-Seine” démontrent que le Parti Communiste Français continue son érosion et son effondrement structurel.

Le PCF continue de reculer dans ses “bastions” et dans les grandes villes, pire il s’efface dans des alliances électorales derrières des formations sociales-démocrates et écologistes compatibles avec le néolibéralisme. Au final il est probable que le PCF remporte plus d’élu.e.s municipaux, mais en gérant moins de communes. Une victoire à la Pyrrhus d’un inquiétant processus de PRGisation.

Ce que j’appelle “l’affaire de Vitry-sur-Seine” (je ne reviendrai pas sur les événements) doit aussi nous inquiéter, notamment sur place prise par les élu.e.s dans le PCF et leur superpuissance dans l’organisation. Ces derniers sont statutairement placés au dessus du Parti et certain se comportent comme des notables plus qu’en militant.e.s communistes. “L’affaire de Vitry-sur-Seine” met en lumière un problème réel : c’est l’abandon de la souveraineté des communistes et de leurs structures organisationnelles au profit de l’élection comme fin en soi.

Ce modèle politique, hérité des années 80-90 et institutionnalisé avec la mutation de Robert Hue, est en fin de vie du fait de trois facteurs :

1- L’abstention politique. Une grande partie du prolétariat (travailleurs-travailleuses, et une partie des couches populaires) et du lumpenprolétariat (couches populaires) ne se déplace plus pour voter.

2- L’absence d’organisation politique crédible pour tenir ce mode d’action. Les sections sont à bout de souffle (et mourantes dans de trop nombreux endroits), les cadres vieillissants, le Conseil national inactif, non représentatif du prolétariat et hors sol dans ses travaux.

3- La recherche d’une auto-organisation du prolétariat hors des partis politiques (gilets jaunes, collectif justice et vérité pour Adama …). Les mots d’ordre de “l’unité”, de “l’union de la gauche et des écologistes” ne parlent pas aux prolétaires et aux lumpenprolétaires, mais uniquement à une catégorie plus aisée (les petits bourgeois des villes), plus conscientisée (les militant.e.s).

Cette situation démontre que toutes les stratégies du PCF sont vouées à l’échec et qu’il faut réformer en profondeur nos campagnes, nos actions, nos stratégies et nos tactiques.

Et si la solution passait par la construction d’îlots de socialisme ?
Construire une société nouvelle par un socialisme réel, scientifique et non utopique

L’étude des Partis communistes et ouvriers dans le monde est loin d’être inintéressant, ou folklorique. Il y a de nombreuses leçons à tirer et de nombreux exemples à souligner. Et pour avancer dans l’argumentation, il faut cerner quelques cas non issues des pays socialistes.

Le modèle socialiste au Kerala est intéressant (les nationalistes dirigent l’Inde). Mais comme le CPI(M) est un parti marxiste-léniniste, de masse, de classe et en gestion dans cette région d’Inde, il sera difficile de trouver des exemples utiles pour la France. Par contre son action résolue au sein du gouvernement du Left Democratic Front peut nous éclairer dans une phase ultérieure.

1- Quel but est recherché ? 

Organiser des îlots de société socialiste dans le territoire, afin d’encrer la fin du mythe du capitalisme comme fin de l’histoire et pour acter l’impérieuse nécessité d’une révolution, notamment dans la situation d’urgence sociale, sanitaire et écologique.

Centrons nous sur quelques exemples (car il y en a d’autres, comme Médecine du peuple avec le PTB) que je trouve essentiels pour organiser, dans la France capitaliste néolibérale, des îlots de socialisme, ce que j’appellerai du socialisme réel, où du socialisme au réel.

Le “Sovkhoze Lénine” et le “Kolkhoze Zarya” en Russie représentent le modèle agricole et d’organisation rural moderne. Cette modernité s’incarne par une production dont le but est hautement politique : nourrir, partager et redistribuer. Il s’oppose au modèle néolibéral, capitaliste et productiviste existant.

Un kolkhoze c’est quoi ? Une grande exploitation agricole tournée vers la satisfaction des besoins réels et locaux en fruits, légumes, viandes … Qui met en commun sa force de travail, ses outils de production, ses bénéfices pour les redistribuer au profit des populations locales à travers le développement de programmes sociaux, éducatifs, culturels, sportifs … Un kolkhoze ne laisse personne au bord de la route et comme l’explique Fatih Mehmet Maçoglu (maire communiste turc), le “socialisme c’est préserver le vivant”.

Une exploitation agricole capitaliste c’est quoi ? Une grande exploitation, travaillée par des ouvrières-ouvrières agricoles sous payés, des fermiers et des métayers, dont le but est de produire des profits. Ce modèle est celui de l’agriculture française, malgré quelques variantes existantes et la survivance d’une petite agriculture paysanne.

2- Le socialisme réel

Avec le développement de coopératives collectives de type Kolkhoze, le monde rural pourrait connaitre un renouveau avec des productions socialisées tournées vers la satisfaction des besoins et non vers la spéculation sur le marché agroalimentaire. Cela permettrait de fixer sur place des populations dont le niveau de vie serait plus que largement renforcé et dont l’avenir ne se résumerait pas à l’exode rural vers les grandes métropoles et/ou le suicide. La gestion de ces kolkhozes serait aussi différentes, fini les actionnaires, les distributeurs, les agents et le marché de Chicago, place à la démocratie réelle des producteurs et productrices. Ce système socialiste ne pourrait se faire sans la participation de toutes et tous dans l’organisation de la production.

L’enjeu politique est donc de développer des modèles de production socialisé, démocratique et collectif, de créer autour de ces derniers, non pas une exploitation agricole “classique” ou “paysanne”, mais bien une société socialiste réelle. Pour connecter ces îlots de socialisme, afin de rester dans une démarche scientifique et matérialiste, il convient de créer des systèmes de distributions collectivisés, indépendants des banques et de l’industrie agro-alimentaire.

C’est l’exemple d’Ovacik Dogal qu’il faut alors retenir, cette épicerie communiste qui distribue la production socialisée dans la région de Dersim par son maire, Fatih Mehmet Maçoglu (TKP). A côté de cela, le développement d’une économie socialisée, répondant à des buts politiques définis et clairement affichés peuvent apporter une réponse à l’objectif rechercher : la révolution et la destruction du capitalisme.

Ces îlots de socialisme doivent être la fenêtre de notre modèle de société. Je ne parle pas de “communisme déjà là” puisqu’il ne s’agit pas de sociétés communistes en tant que telles, mais bien des sociétés de transition du capitalisme au communisme.

Un autre point reste à étudier, c’est comment établir un modèle semblable dans les entreprises et dans l’industrie. Mais il faut un début à tout et l’adage “la campagne doit encercler les villes” est à mon sens un premier pas.

Et si la solution passait par la construction d’îlots de socialisme ?
Mais cela reste utopique sans un Parti communiste d’avant-garde tourné vers l’objectif de la révolution socialiste

Même si des îlots socialistes existent dans certains pays, où venaient à exister, ce serait une belle utopie sans l’existence d’un Parti communiste d’avant-garde dont le rôle politique est de faire la révolution. Cela nécessite donc une profonde remise en question du PCF et un profond travail de reconstruction.

Soyons clair, le Parti Communiste Français tel qu’il existe aujourd’hui n’a aucun avenir, il n’est ni un parti d’avant-garde, ni un parti de masse. Pour survivre il doit profondément revoir son organisation et ses buts politiques. Que faire ?

1- Dans le temps courts, il doit acter une séries de mesures d’urgences

Des mesures que je détaille dans cet article : Mettre le paquet sur le sauvetage des sections; Mettre le paquet sur la formation, la politique de cadre et leurs déploiements vers les lieux identifiés comme stratégiques; Réorienter le travail du Conseil national vers les questions essentielles; Acter la candidature d’un.e communiste pour 2022, sur la base d’un programme politique marxiste-léniniste.

De ces mesures nous pourrons ainsi identifier les objectifs de déploiement, les militant.e.s à promouvoir et former et le degré de pénétration de nos idées dans le prolétariat (conscience de classe).

2- Devenir un parti d’avant-garde avec une base militante révolutionnaire formée et conscientisée 

Si aujourd’hui le PCF n’est ni un parti d’avant-garde, ni un parti de masse cela s’explique par des choix politiques et une attrition très forte de ses membres. Il est devenu un parti “classique” du système et un parti de notable, de retraités, de cadres de la fonction publique territoriale. Il ne représente plus le prolétariat et n’arrive pas à se faire entendre par ce dernier tellement les mots d’ordres mis en avant sont coupés des attentes réelles des gens.

Il faut donc faire le choix du parti d’avant-garde qui agit avec une base militante conscientisée et formée aux pratiques révolutionnaires. Cela signifie de mettre un terme au modèle actuel, hors sol et électoraliste qui caractérise le PCF.

Les directions doivent être dirigées par d’authentiques militant.e.s révolutionnaires, issues du prolétariat, discipliné.e.s dans le cadre du centralisme démocratique. Il ne s’agit ni d’une retraite politique, ni d’une planque, ni d’un strapontin pour une carrière politique, ni d’une reconnaissance pour bons et loyaux services, mais d’un engagement pour un idéal et le parti qui le porte.

Le Parti communiste doit suivre une ligne de masse, c’est à dire une méthode visant à dépasser la contradiction entre l’autonomie idéologique du parti et la nécessité d’un lien étroit avec les masses, ce qui permet de lutter contre l’aventurisme et le suivisme. Ainsi pour citer Mao Zedong, il faut “partir des masses pour retourner aux masses”.

La formation des militant.e.s doit devenir impérative et être obligatoire. Des écoles spécifiques doivent être reconstruite.

Le Parti communiste doit retourner au marxisme-léninisme. Seule organisation et ligne idéologique qui permette de répondre aux objectifs du socialisme.

3- Déployer sur le terrain de nouvelles structures d’organisation

L’objectif politique est défini et le Parti communiste doit se mettre au travail. Vu la situation actuelle, les structures du parti son obsolètes et dépassées. Il faut donc revoir le fonctionnement interne autour d’une organisation de type “centralisme démocratique” et de mandats impératifs.

Le Conseil National doit centrer son action autour de :

– La formation des militant.e.s communistes autour des objectifs définis et dans le but de créer des îlots de socialisme pour déployer notre société dans ces lieux.

– L’action résolue vers les organisations de masses encore existantes comme la CGT et le Secours populaire. Nos idées doivent pénétrer les masses via des militant.e.s formé.e.s et actifs dans ces structures. il ne s’agit pas de faire de l’entrisme à la gauchiste, mais bien de faire converger les formations du prolétariat vers les mots d’ordre du Parti communiste et de les faire participer à la construction d’une société nouvelle.

– Déployer des suivis déterminés, qui ne se content pas à suivre une Assemblée générale ou un congrès local, mais qui co-animent des actions locales et/ou aident à la construction de nouvelles structures là où est identifié un potentiel.

– Travailler à développer un programme politique portant sur des revendications immédiates et des revendications révolutionnaires (socialisme). A côté de ça des commissions doivent travailler à produire des réflexions de hautes portées pour répondre à ce double enjeu.

– Le Conseil national déploie tous les outils nécessaire pour diffuser ses idées, via des médias classiques (télévision, presse …) et modernes (internet …). Il doit se doter d’outils cohérents et pertinents. Ses portes paroles doivent être identifiés.

– De ce Conseil national doit découler un Bureau Politique disponible à 100% et encore plus motivé dans l’atteinte des objectifs politiques.

Un nouveau maillage territorial pour répondre à l’objectif de révolution

Abandonner les Comités régionaux (qui dans les faits n’existent pas), les fédérations départementales et les sections pour une structure privilégiant l’implantation locales et la souplesse : Les cellules et les rayons.

Les vieilles structures du PCF sont obsolètes et clairement plus en capacité d’irriguer tout le territoire. Il faut acter dans la situation actuelle que les communistes ne seront plus présent dans tous les endroits et que nous devons prioriser des implantations locales qui correspondent à des lieux : Les cellules redeviennent l’outil évident de ce retour des communistes dans les quartiers et entreprises.

La cellule redevient le lieu de souveraineté des communistes, la base de l’organisation – et de la collecte de la cotisation – et le premier maillon du pouvoir politique que nous voulons organiser dans les îlots de socialisme. A chaque îlot sa cellule, à chaque quartier identifié sa cellule, à chaque entreprise sa cellule.

Le rayon remplace la section, la fédération et le Comité régional. Il devient l’outil évident de la coordination des cellules dans un territoire et peut occuper un espace très différent en fonction des enjeux locaux. Il peut y avoir des rayons couvrant des villes, des cantons, des départements. Il est en lien avec le Conseil National, il coordonne le travail des communistes dans les cellules et met en place les campagnes décidées et s’assure que les objectifs soient atteints.

Le rayon est lieu de mutualisation, de soutien aux organisations de base, le lieu de décentralisation de la formation des communistes.

Le permanentât ne doit plus être la norme, les dirigeant.e.s politiques doivent rester dans les masses et dans la société. De plus la direction d’une structure n’est pas compatible avec un mandat d’élu. L’élu.e est un.e porte-parole, un.e agitateur-agitatrice, le dirigeant dédie son action à la seule organisation du Parti et au travail de diffusion des idées dans les masses.

Il faudra aussi poser la question de l’organisation de jeunesse et du recrutement des jeunes. Aujourd’hui ni le MJCF, ni l’UEC ne sont en capacité d’agir en ce sens. Il faut donc raser ces deux structures pour reconstruire une branche spécifique du Parti communiste, organisée à partir des lieux d’études, de vie, de travail de la jeunesse. La structure en cercles (entreprises, lycées …) /secteurs (pour les universités) est pertinent. Objectif : recruter les futurs cadres de l’organisation communiste et les former dans des organisations dédiées à leurs vies. Je mets cependant une alerte sur l’université, vu la porosité du gauchisme postmoderne dans ces endroits, le recrutement doit se faire avec prudence.

4- La question des élections

L’élection n’est pas un fin en soi, ne pas participer aux processus électoraux bourgeois serait aussi stupide. La question de la participation aux élections a été depuis longtemps tranché.

Ce qui doit changer dans notre rapport aux élections est essentiel :

– Constituer des listes et des candidatures de type “bloc ouvrier et paysan”. Mettre un terme aux listes de dilution du PCF dernière des programmes de moindre mal, ou à minima et promouvoir les alliances avec des formations qui partagent des ambitions politiques propices à la révolution, à l’organisation du prolétariat.

– Promouvoir des candidatures issues du monde du travail et des lieux de vie du prolétariat, tournées vers l’objectif politique de la révolution. Très souvent on privilégie les enjeux locaux au détriment d’enjeux nationaux, cette situation ne soit plus être la norme. Les enjeux locaux doivent servir d’accroche aux campagnes nationales et permettre la diffusion de nos idées dans le prolétariat.

– Positionner des militant.e.s communistes et non des professionnels de la gestion. Notre crédibilité passe par notre capacité à promouvoir des militant.e.s issues du monde réel, du monde de l’exploitation et qui portent une vision et un programme politique clair. il n’y a pas de place pour les aventurier.e.s et les opportunistes. Les notables élus ne représentent plus l’avenir du Parti communiste.

– Nous devons utiliser les mandats acquis comme tribunes d’agitation et de propagande. Nous devons cesser de participer à des exécutifs avec des formations politiques qui se satisfont de l’ordre existant. Même si des élu.e.s peuvent apporter beaucoup pour les gens, au final le Parti n’en profite pas.

– Dans les institutions nous devons porter les revendications des organisations de masse et défendre les acquis de la classe ouvrière.

– Là où nous sommes en gestion, le Parti communiste, via ses militant.e.s élu.e.s, doit agir pour que tous les moyens soient déployés pour construire des îlots de socialisme (à définir en fonction des réalités du territoire et des objectifs définis) et engager le dépérissement du modèle étatique bourgeois au profit d’institutions socialistes hautement démocratiques. Naturellement à ce stade, il existera deux organisations : celle de la bourgeoisie le temps de l’élection et le temps du budget et celui du socialisme pour la construction et l’action. Avec la montée en puissance du Parti dans d’autres collectivités et territoires, cette situation duale cessera d’exister au profit du seul modèle socialiste.

Voilà quelques pistes qui me permettent d’envisager que la solution pourrait passer par la construction d’îlots de socialisme.


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