EELV/La France Insoumise : au-delà des résultats électoraux, quel poids militant ?

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SOURCE : France inter

Galvanisé par la vague verte aux municipales, Europe Écologie-Les Verts semble conquérir un nouveau public. Du côté de LFI, les cadres vantent les sept millions d’électeurs qui ont voté “Insoumis” à la présidentielle de 2017. Mais derrière ces succès, leur base militante est-elle suffisante pour s’imposer davantage ?

La base militante de EELV est-elle suffisante pour s'imposer davantage ?

Coup d’envoi, ce jeudi 20 août, des universités d’été d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) et de La France Insoumise (LFI). Le parti écologiste est réuni à Pantin, pour trois jours ; près de Valence, dans la Drôme, pour les Insoumis.

D’un côté, EELV, galvanisé par la vague verte aux élections municipales, dit vouloir fixer sa feuille de route pour les prochaines échéances électorales – sénatoriales, régionales et présidentielles – en se rassemblant avec cinq autres partis, sans pour autant fermer la porte aux Insoumis. Le mouvement de Jean-Luc Mélenchon fait cavalier seul pour son université, mais envoie deux de ses députées faire une apparition chez les Verts. Après des municipales en demi-teinte, le mouvement assure fréquemment avoir 7 millions d’électeurs derrière lui, en se basant sur son score à la présidentielle de 2017.

Pour autant, malgré ces indicateurs électoraux, les bases militantes d’EELV et de LFI apparaissent comme étant beaucoup moins solides.

Des partis aux bases militantes très fluctuantes

Le parti écologiste se targue d’avoir doublé en deux ans son nombre de militants : 10.180, contre 4.000 en 2018. Un chiffre qui laisse Rémi Lefebvre, politologue à l’Institut politique de Lille, très perplexe : “10.000 adhérents, c’est ridicule ! Cela fait environ 100 militants par département.”

Un chiffre qui a d’autant moins de poids que les adhérents du parti vert sont généralement peu impliqués : l’adhésion se fait en payant un euro sur le site internet du parti, en renseignant simplement son adresse mail. En échange : pas d’action particulière, pas de réunion imposée, ni de tractage obligatoire au moment des élections. C’est donc plutôt une idée de “mini-fédération, de grande famille écolo” qui ressort du parti, estime Erwan Lecœur, sociologue et chercheur au laboratoire PACTE de Grenoble.

À EELV, les adhérents ne sont pas formés au militantisme : il y a beaucoup de débats, portés par des gens individualistes, très diplômés mais qui n’ont pas de discipline de parti”, poursuit le chercheur. “Pour eux, le parti n’est qu’un instrument : on le quitte, on le rejoint, on en repart. Il y a des divisions pendant les primaires, des reculades, des départs… Du coup, cela fait que le parti est un outil faiblard pour les élections, car il alterne des coups de speed et des coups de blues.

Au contraire, La France Insoumise est un mouvement “avec des militants chevronnés, très bien formés avec notamment la lecture d’ouvrages politiques. C’est un esprit très trotskiste, très avant-gardiste“, souligne Erwan Lecœur. Mais bien que le mouvement des Insoumis revendique 500.000 adhérents environ, l’adhésion est également peu contraignante : un simple clic sur internet, sans débourser un centime, permet d’être compté comme adhérent. Comme chez EELV, l’engagement d’un militant peut donc être très limité, voire inexistant.

LFI “mouvement taillé pour la présidentielle”, EELV un parti fort au niveau local

Les cadres du mouvement LFI reconnaissent d’ailleurs que seul un petit noyau de militants est mobilisé de façon constante. Mais ils soulignent qu’il y a sept millions d’électeurs derrière le parti, soit le nombre de votes au premier tour de la présidentielle de 2017. Pas entièrement faux, mais “LFI n’est pas propriétaire de ces sept millions de voix !”, selon le politologue. “Ce sont souvent des gens de la gauche traditionnelle qui ont voté pour Jean-Luc Mélenchon en 2017 ou qui ont voté utile.”

Même si ces sept millions de voix ne sont pas acquises au parti, LFI peut en tout cas disposer d’un vivier de sympathisants qui peut se remobiliser fortement avant les grands rendez-vous : “C’est notamment le cas pour la présidentielle : c’est un moment vu comme très palpitant par les militants”, souligne le politologue Rémi Lefebvre. “Mais entre deux élections, les adhérents ne se mobilisent plus et attendent le prochain rendez-vous électoral.

Car le parti réunit “des Insoumis, donc par définition des gens révoltés, en colère. Ils se mobilisent quand il y a un enjeu, pour faire gagner la classe ouvrière qu’ils défendent : LFI est véritablement taillé pour la présidentielle“, complète Erwan Lecœur. Le chercheur grenoblois estime qu’à l’inverse, EELV est plus fort au niveau local – en témoigne le très bon score aux régionales de 2010 (12,5 % des voix au niveau national) et la vague verte aux dernières municipales. “EELV n’a pas vraiment d’ambition présidentielle : il y assure sa présence mais ne pense pas remporter l’élection.”

Sa force en revanche : son cheval de bataille, l’écologie “qui a vraiment le vent en poupe. La crise climatique qui prend de l’ampleur, les différents ministres de l’Écologie qui se succèdent sans vraiment agir l’ont montré, entre autres“, conclut Erwan Lecœur.

L’incarnation du mouvement en question

L’écologie donne donc un nouvel élan au parti mené par Julien Bayou… alors que chez LFI, les idées de Jean-Luc Mélenchon sont en perte de vitesse, dépassées par l’urgence climatique. C’est donc autour de la figure du député que “l’engouement” pour LFI se maintient, mais jusqu’à quand ? “Si dans les prochains mois, Clémentine Autain ou François Ruffin disent à Jean-Luc Mélenchon qu’il vaut mieux qu’il ne se présente pas en 2022, LFI va perdre la moitié de ses adhérents“, prédit Erwan Lecœur.

LFI, trop incarnée par Jean-Luc Mélenchon, devrait peut-être envisager de dépersonnifier le mouvement ? EELV au contraire manque de patron : plusieurs personnalités politiques peuvent parler “écologie” – Nicolas Hulot, Yannick Jadot, Julien Bayou, Delphine Batho… –  sans vraiment prendre le gouvernail. En effet, chez EELV, “le programme est hégémonique : les idées passent avant le personnage”, détaille Rémi Lefebvre. “Ils se basent sur l’opinion publique et non l’incarnation ; cela va leur poser un vrai problème pour les présidentielles. Pendant la Ve République, aucun président n’a été élu sans parti derrière lui. Emmanuel Macron avait des centaines de milliers de militants derrière lui, qui ont fait campagne pour lui“, ajoute le politologue.

Élargir la base de militants n’est pas une nécessité, il faudrait en fait que les adhérents se professionnalisent. En apprenant à faire campagne sur le long terme, à tracter… “Il faudrait qu’ils deviennent des foudres de guerre”, résume Erwan Lecœur. “Il faut qu’ils s’imposent comme des animateurs du peuple écologique : on estime que 35 % des Français sont sympathisants de la défense de l’environnement… mais ils ne votent pas forcément Vert.”

Erwan Lecœur souligne l’arrivée d’une nouvelle force chez EELV : “Une nouvelle génération formée dans les mouvements de lutte pour le climat. Ces jeunes militants maîtrisent les codes, savent faire une campagne et pourront permettre d’avoir de plus grandes ambitions électorales.” Si ces nouveaux militants parvenaient à fédérer les électeurs, “EELV pourrait faire un score de 10 voire 15 % à la présidentielle : ce serait historique“, conclut le chercheur.


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