À Caen, une coopérative cultive l’autogestion

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SOURCE : Reporterre

La Coop 5 pour 100 est une société coopérative d’intérêt collectif qui s’est fixé pour mission de proposer une alternative au modèle économique actuel. Elle compte pour cela sur sa ressourcerie, son épicerie, sa cantine et ses ateliers.

L’histoire de Coop 5 pour 100 commence en avril 2015. À l’origine de ce projet collectif — qui compte une ressourcerie, une épicerie, une cantine et des ateliers —, cinq personnes, qui ont décidé de monter une structure différente, fondée sur un modèle économique plus équitable. « On ne se retrouvait pas dans la dichotomie salarié-patron, consommateur-producteur », raconte Lætitia. La Coop appuie sa démarche sur cinq piliers : la durabilité, la solidarité, la démocratie, l’éthique et l’ancrage territorial.

Aujourd’hui, la société coopérative d’intérêt collectif (Scic) basée à Caen (Calvados) comprend environ 400 membres, dont 11 salariés. La part sociale est de 10 €. « On ne rémunère pas le capital, précise Lætitia. Donc, quand on se retire, on repart avec ses 10 €. » Chaque membre s’engage à donner deux heures de son temps à la coopérative par mois. L’achat d’une part est obligatoire pour tout bénévole souhaitant s’engager à la Coop. Le profil des membres est très varié : « On a des personnes exclues du travail : chômeurs, migrants, handicapés, mais aussi des retraités, des étudiants ou encore des actifs. »

« Tous les coopérateurs, qu’ils soient salariés ou usagers sont copropriétaires et coresponsables de cette entreprise au même niveau ! »

Les principes majeurs sont l’horizontalité et la transparence. Lors des prises de décision, « une personne équivaut à une voix, peu importe son statut », explique Lætitia. Pour gérer les activités de la Coop au quotidien, il existe des groupes de travail thématiques (le groupe alimentation, ressourcerie, sensibilisation, etc.), qui se rencontrent régulièrement, selon les besoins et l’actualité de la coopérative. Un conseil coopératif se tient tous les deux mois, pour traiter du budget, des embauches, ou encore des partenariats à signer. Les différentes réunions sont ouvertes à tous les membres de la coopérative qui souhaitent y assister. Beaucoup d’informations sur la Scic sont disponibles sur son site internet, afin de garantir un maximum de transparence.

Le fonctionnement de la Coop n’a pas été une évidence pour tou·tes dès le départ. « Le frein le plus dur, c’est qu’en France, on n’a pas une grande culture de l’autogestion,déplore Lætitia. Tous les coopérateurs, qu’ils soient salariés ou usagers sont copropriétaires et coresponsables de cette entreprise au même niveau ! Certains ne sont pas habitués à cette absence de hiérarchie dans la responsabilité et la prise de décision. » Cependant, d’après la salariée, chacun·e commence à trouver sa place à la Coop : « Il faut se faire confiance ! »

La Coop s’est installée dans un grand entrepôt, qui accueille ses différents pôles. Au centre du bâtiment, la ressourcerie, qui vise à redonner une seconde vie à des objets défectueux, ou dont les propriétaires n’ont plus l’utilité. Il faut d’abord collecter les objets : les personnes les apportent à la Coop ou bien dans des points de dépôts. « 65 tonnes ont été collectées entre mai et novembre 2019 », affirme Lætitia, salariée et cofondatrice de la Coop. Puis, ils sont triés, afin de vérifier qu’ils sont fonctionnels et répondent aux normes de sécurité, ensuite réparés le cas échéant, et nettoyés. Enfin, ils sont revendus à bas prix en magasin, ou donnés à des associations. La Coop mène des actions de sensibilisation à la réduction des déchets et au réemploi tout au long de l’année.

L’épicerie de la Coop 5 pour 100 valorise le zéro déchet, l’agriculture biologique et les circuits courts.

À droite de la ressourcerie se trouve l’épicerie. Elle a pour objectif de valoriser le zéro déchet, l’agriculture biologique et les circuits courts. Les prix des produits sont fixés par les producteurs, et la Coop rajoute une marge. « On a trois marges différentes, détaille Lætitia, une de 15 %, pour les produits de base et les achats directs aux producteurs locaux, une de 20 % pour les autres produits, puis une de 28 % pour ceux qui viennent de plateformes de vente et hors-région. »

« Nous espérons atteindre l’équilibre à terme en augmentant notre chiffre d’affaires grâce aux ventes et aux prestations »

Accolée à l’épicerie, la cantine permet de favoriser la consommation locale. Les aliments utilisés proviennent autant que possible de l’épicerie de la Coop. Le prix du menu est fixe (12 € entrée/plat/dessert), et permet de couvrir le coût des produits ainsi que les frais de fonctionnement de la cuisine. Enfin, les ateliers, situés dans la partie gauche du bâtiment, ont pour vocation d’apprendre à chacun·e à réparer soi-même ses objets. Il est possible d’y travailler le bois, le métal, l’électronique ou encore de faire de la couture.

Le chemin jusqu’aux locaux actuels n’a pas été évident. La Coop 5 pour 100 s’est d’abord installée dans des bâtiments appartenant à la ville de Caen en mai 2016. Elle opérait alors sous forme associative. Elle y a lancé un groupement d’achat et son projet de ressourcerie en phase test. Cependant, le lieu ne répondant pas aux normes d’accueil du grand public, l’association a dû monter un projet de financement pour effectuer les travaux nécessaires. Mais en mai 2017, la municipalité a refusé de signer un bail de long terme, qui aurait permis à la Coop de bénéficier d’emprunts. « C’était beaucoup de travail, pour finalement se faire lâcher par la ville », regrette la salariée.

En septembre 2017, la Coop, devenue Scic, a trouvé les locaux rue de Trouville, à 20 minutes en vélo du centre-ville, et a décroché un bail de onze ans. De gros travaux de rénovation et d’aménagement ont été effectués avant l’ouverture officielle, en mai 2019. La Scic a contracté trois emprunts séparés auprès du Crédit coopératif, de la Nouvelle Économie fraternelle et de Normandie active pour les travaux, pour un total de 240.000 €. Normandie Active fait office de garant bancaire. La Coop 5 pour 100 bénéficie également du soutien de Legallais, une entreprise caennaise de quincaillerie réputée dans le milieu de l’économie sociale et solidaire, et de subventions de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) et de la région Normandie. Pour l’instant, la Coop est déficitaire. « Nous espérons atteindre l’équilibre à terme en augmentant notre chiffre d’affaires grâce aux ventes et aux prestations, indique Lætitia. Pour cela, nous comptons sur une montée en puissance de la coop : beaucoup d’habitants ne nous connaissent pas encore et nous avons des perspectives de développement auprès des pouvoirs publics. » Et de conclure avec optimisme : « On a toujours réussi à se débrouiller jusqu’ici ! »


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