AVANT-PROPOS : les articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » ne représentent pas les positions de notre tendance, mais sont publiés à titre d’information ou pour nourrir les débats d’actualités.
SOURCE : Tendance marxiste internationale
Tout au long du mois d’août, l’augmentation du nombre de cas de Covid-19 a dominé l’actualité médiatique. Dans la population, les mesures prises par le gouvernement et les mairies sont diversement appréciées. Une certaine défiance est nourrie par les discours et les consignes contradictoires des politiciens et des scientifiques.
Parfois, la mesure sanitaire contredit le discours scientifique. Par exemple, beaucoup de spécialistes nous disent que le port du masque dans les rues, en toutes circonstances, ne sert pas à grand-chose. Pourtant, il devient obligatoire dans un nombre croissant de grandes villes. Nous ignorons si c’est efficace. Mais les journalistes et politiciens ont beau jeu de fustiger – comme « irresponsables » et « égoïstes » – ceux qui ne respectent pas strictement la consigne. Ce sont souvent les mêmes journalistes et politiciens qui, en février et mars derniers, minimisaient l’intérêt du masque en général. Lorsque le pays en manquait, le masque ne servait à rien, officiellement ; à présent, il couvre non seulement nos visages, mais aussi l’incurie du gouvernement en matière de tests et de dépistage.
La gauche et le mouvement ouvrier ne doivent pas accepter que cette crise sanitaire soit une nouvelle occasion de stigmatiser les jeunes et les pauvres, alors que les véritables responsables de cette crise sont au gouvernement et dans la classe dirigeante. Ce sont eux qui, pendant des décennies, ont ruiné l’hôpital public. Ce sont les mêmes qui, au plus fort de l’épidémie, ont envoyé travailler des millions de salariés sans aucune protection. On ne peut pas, on ne doit pas leur faire confiance. Leur priorité absolue, ce n’est pas la santé publique ; c’est la course aux profits. Dans les entreprises, les salariés et leurs organisations syndicales ne doivent pas abandonner au patron l’organisation du protocole sanitaire. Ils doivent en prendre le contrôle, fixer eux-mêmes les conditions de travail, les effectifs et les amplitudes horaires. Cela vaut aussi, bien sûr, pour la Fonction publique.
Le « plan de relance » du CAC 40
Une autre manœuvre politique – plus classique – bat son plein, sur le thème de la sécurité. Sur fond de croissance rapide de la misère et du chômage, le gouvernement n’a ni les moyens, ni l’intention de réduire le nombre d’agressions physiques, dans le pays. Mais peu lui importe, car il ne cherche pas à régler un problème ; il cherche uniquement à faire diversion, à détourner notre attention du tsunami économique et social qui a commencé son œuvre destructrice.
A l’heure où nous bouclons ce journal, le détail du « plan de relance » de 100 milliards d’euros n’est pas encore connu. Mais ce qu’on en sait déjà permet d’imaginer le reste : il s’agira essentiellement d’un gigantesque transfert d’argent public dans les caisses du patronat, sous la forme d’une forte baisse de la fiscalité des grandes entreprises, d’une part, et d’autre part de subventions directes aux mêmes grandes entreprises (les plus petites n’auront que des miettes).
Pour comprendre la logique du « plan de relance » concocté par Macron, il suffit de lire l’interview accordée au Figaro, le 26 août, par le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux. Comme cette organisation patronale dicte ses volontés au gouvernement, on peut s’y fier. Que nous dit le patron des patrons ? Que la baisse massive de la fiscalité des entreprises, telle qu’elle se profile dans le plan de relance, est « un premier pas significatif ». Mais « il faudra aller plus loinpour continuer de réduire l’écart avec l’Allemagne et améliorer la compétitivité de notre industrie. »Donc, aux dizaines de milliards d’euros devront succéder d’autres dizaines de milliards d’euros. Au journaliste du Figaro qui lui demande s’il faut aussi « des mesures pour relancer la consommation », le multi-millionnaire répond par la négative. Il se plaint de la prétendue « sur-épargne » des citoyens ordinaires (celle des super-riches ne l’inquiète pas), rejette l’idée d’une baisse de la TVA (qui « pousserait à la consommation de biens importés » : Dieu nous en préserve !) et conclue, sans sourciller : « il n’y a pas eu de baisse de pouvoir d’achat en France depuis le début de l’année. » Circulez !
D’où viendront les dizaines de milliards d’euros de subventions et d’allègements fiscaux accordés à la classe dirigeante ? Du creusement de la dette publique. N’est-ce pas un problème ? De Bézieux répond : « La priorité, c’est la relance de l’économie par la baisse des impôts de production et un investissement massif dans les secteurs porteurs. Les efforts, nécessaires, de baisse de la dépense publique, viendront après ». En clair : aujourd’hui, on creuse la dette publique pour subventionner massivement les capitalistes ; demain, on réduira cette dette en coupant tout aussi massivement dans les budgets sociaux, les effectifs de la Fonction publique, le financement des services publics, etc. Tel est bien le programme du gouvernement.
Un système sous perfusion
Le « plan de relance » de 100 milliards d’euros représente une partie, seulement, de la quantité colossale d’argent qui a été ou qui sera versée dans les coffres des banques et des multinationales françaises. De manière générale, au niveau international, les Etats et les Banques centrales ont réagi à la récession en inondant les marchés de liquidités. C’est ce qui a permis aux bourses mondiales d’effacer leurs pertes du mois de mars. Comme le relève Alexandre Baradez, expert en spéculation boursière, « la réaction massive et rapide des grandes banques centrales et des gouvernements a largement participé à rétablir la confiance sur les marchés » [1]. Cela souligne le caractère parasitaire des marchés en question. Drogués aux liquidités « gratuites », ils sont déconnectés de l’économie réelle. Lorsque celle-ci se rappellera à leurs bons souvenirs, les bourses mondiales chuteront encore plus lourdement qu’en mars dernier.
Ainsi, le système capitaliste est sous perfusion permanente et massive d’argent public (ou de dette publique). Cela contredit les théories libérales selon lesquelles « l’Etat ne doit pas intervenir dans l’économie », théories qui ont justifié la privatisation des services publics pendant des décennies. Mais surtout, une question se pose : si le capitalisme ne peut pas survivre sans être lourdement perfusé par les finances de l’Etat, pourquoi ne pas débrancher le malade ? Pourquoi ne pas en finir avec le capitalisme lui-même – et placer l’ensemble des grands leviers de l’économie sous le contrôle de l’Etat, mais aussi l’Etat sous le contrôle des travailleurs ? Ceci nous éviterait de jeter des centaines de milliards d’euros dans le puits sans fond d’un système en faillite.
La gauche et le mouvement ouvrier doivent prendre acte de cette faillite. L’heure n’est plus à exiger davantage de « contrôle », par l’Etat, de l’usage des subventions qu’il accorde au grand patronat. Ce « contrôle » est une farce et le restera – du moins tant qu’il ne sera pas effectué par les travailleurs eux-mêmes. Et tant qu’à faire, ces derniers doivent prendre les rênes de la société. Il faut mettre à l’ordre du jour la rupture avec le système capitaliste, c’est-à-dire la réorganisation de l’économie sur des bases socialistes et démocratiques.
Mobilisation !
Cet objectif devrait être au cœur d’une grande mobilisation sociale contre le gouvernement Macron. Chaque semaine apporte son lot de plans sociaux, son cortège de nouveaux chômeurs, de souffrances et de vies brisées. Au rythme où vont les choses, on ne doit pas attendre le mois d’avril 2022 pour tenter d’en finir avec le gouvernement des riches.
La journée d’action du 17 septembre devrait être conçue comme une étape dans la préparation d’un vaste mouvement, dans la rue et par la grève, contre les plans sociaux et la politique du gouvernement. Un front politique et syndical doit se constituer – avec la CGT, Sud, la FI, le PCF, le NPA, etc. – pour préparer une vaste offensive de la jeunesse et du mouvement ouvrier, sur la base d’un programme radical. En l’absence d’une telle perspective, toutes les discussions, à gauche, sur les élections de 2022, seraient déconnectées de la situation objective et des préoccupations immédiates de notre classe.
[1] Cité dans Le Figaro du 20 août.