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SOURCE : Révolution permanente
En cette fin de mois d’août, l’Université d’été du NPA s’est déroulée dans un contexte sanitaire et politique particulier, sur fond de menace de scission de l’organisation. Une question qui a traversé l’ensemble des débats, sur lesquels nous revenons dans ce premier article de bilan.
La 12ème université d’été du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), qui a eu lieu du 23 au 26 août à Port-Leucate, s’est déroulée dans un contexte particulier. Sanitaire bien sûr, avec l’épidémie de Covid19 qui a restreint le nombre de participants à l’événement aux alentours des 450 participants, contre plus de 800 pour les éditions précédentes. Politique aussi, avec un contexte social explosif qui se prépare à la rentrée sur fond de crise sanitaire et économique avec des attaques patronales déjà en cours contre les acquis et droits des travailleurs, qui se concrétisent par des suppressions d’emplois en masse, voire des baisse de salaire drastiques.
Dans ce cadre, la crise du NPA, qui dure depuis de longues années, arrive à un tournant. Lors du Conseil Politique National (CPN), l’instance de direction du parti, de juillet dernier, les camarades de « la plus grosse minorité » du NPA, regroupés dans la plate-forme U (pfU) du dernier congrès de 2018 qui avait obtenu 48,5% des votes, ont posé sur la table la question d’une scission de l’organisation. C’est sur la base de ces discussions au CPN que Sylvia Zappi, journaliste au Monde, avait publié un article le 27 juillet dernier, auquel nous avons publiquement répondu sur Révolution Permanente.
Naturellement, la question d’une potentielle scission du NPA a traversé les débats de l’Université d’été, tout autant dans les discussions spécifiques sur la question que dans l’ensemble des ateliers. Nous revenons dans cet article sur les grandes lignes de ce débat, en vue du prochain congrès du NPA.
La perspective d’une scission pour l’instant majoritairement rejetée à la base de l’organisation : une bonne nouvelle
Le paradoxe évident de la situation réside dans le fait que, dans une période de retour de la lutte des classes, à l’international comme en France (Loi travail de 2016, bataille du rail de 2018, Gilets jaunes en 2018/2019 et bataille des retraites en 2019/2020), l’une des principales organisations d’extrême gauche soit au bord de la scission. Cet état de fait témoigne de l’échec cuisant du projet fondateur du NPA et de la politique dite des « partis larges », c’est à dire de la construction d’organisations sans délimitation stratégique claire entre réforme et révolution, ce qui s’exprime par exemple dans le nom du parti, défini par « l’anticapitalisme » plus que par une stratégie révolutionnaire claire et un projet politique en positif. L’émergence du Front de Gauche, occupant de fait le même espace politique à la gauche d’un Parti Socialiste en crise, puis la scission du NPA en 2012, ont depuis plongé l’organisation dans une forme de crise permanente, non résolue par le refus de poser un bilan clair et une refondation révolutionnaire du projet initial du NPA.
En ce sens, le retour d’épisodes forts de lutte des classes depuis 2016 et l’incapacité du NPA à y intervenir de manière efficace et audacieuse, a creusé la crise de l’organisation. Pourtant, les camarades de la direction de la pfU inversent les causes de la crise de l’organisation (selon eux, la pérennisation des tendances, courants et fractions) avec ses conséquences (toujours selon eux, l’incapacité du NPA à élaborer une orientation et une stratégie commune). C’est précisément le refus de la part de la principale minorité de chercher à clarifier un certain nombre de délimitations stratégiques et de tirer un bilan profond de la politique de construction des partis larges sans délimitations stratégiques, défendue par les camarades qui ont été à l’origine de la fondation du NPA en France, mais aussi à l’international, qui explique la crise du NPA. Cette politique de chercher à construire des « partis larges » a donné lieu à des expériences telle que Podemos, impulsé et construit par les militants d’Anticapitalistas dans l’Etat espagnol. Aujourd’hui, Podemos co-dirige le gouvernement de l’état impérialiste espagnol avec le PSOE, responsable des politiques néolibérales et des attaques contre les travailleurs et les classes populaires. Les camarades d’Anticapitalistas, qui ont quitté Podemos depuis, n’ont pour autant pas tiré un bilan profond de leur politique et sont prêts à recommencer si la situation s’y prête. Ce refus de tirer les bilans de leur propre politique les amène aujourd’hui à construire des organisations qui n’ont pas la capacité de se doter des moyens pour intervenir dans les principaux phénomènes de la lutte des classes
Encore pire, la politique des principaux animateurs de la plateforme U de consommer l’implosion de l’organisation aurait pour conséquence l’approfondissement de la crise avec, entre autres, l’exclusion d’une série de nouveaux camarades, qui ont pris part aux principaux phénomènes de la lutte des classes ces derniers mois, que cela soit à la RATP, à la SNCF, dans la pétrochimie, à La Poste ou bien encore dans la jeunesse. Pareillement, des figures émergentes et respectés dans le mouvement ouvrier, comme Gaël Quirante, postier dans le 92, ou Anasse Kazib, cheminot à Paris Nord seraient, de par leur appartenance à des tendances minoritaires du NPA, également exclues du parti.
Fort heureusement, le déroulé même de l’Université d’été laisse penser que la majorité des militants du NPA, toutes tendances et sensibilités confondues, ne sont pas favorables au projet de scission et sont en demande de réels débats et discussions sur le bilan du parti et notamment pour penser la suite. Les ateliers et débats relatifs aux questions de parti, ou étant directement lié à celle du congrès, ont de loin été les plus fréquentés par les participants à l’Université d’été. La réunion des tendances minoritaires Démocratie Révolutionnaire (DR), Anticapitalisme et Révolution (A&R) et Révolution Permanente, au titre explicite Pourquoi et comment éviter l’implosion du NPA, a elle aussi connu un réel succès, avec plus de 200 participants au plus fort, soit la moitié des participants de l’Université d’été, et ce malgré un horaire tardif. La volonté d’ouvrir un débat politique, à partir du bilan réel du NPA depuis sa fondation et dans la dernière période de lutte des classes, a été clairement exprimée par de nombreuses interventions dans la réunion.
Pour les militants et militantes de Révolution Permanente cette réunion est un premier pas mais qui doit se poursuivre dans le sens d’approfondir les discussions et les débats stratégiques et programmatiques au sein du parti et en vue du prochain congrès, au-delà même des différentes tendances et avec l’ensemble de militants qui souhaitent avancer en ce sens, pour tenter de trouver une issue à la crise du parti, sur la base d’une refondation stratégique, qui pose les bases pour la construction d’un grand parti révolutionnaire en France.
Une scission mais pas de projet politique alternatif : Le paradoxe de la position de la direction de la pfU
Un autre bilan à tirer de l’Université d’été constitue un véritable paradoxe. En effet, si la direction de la pfU a insisté sur la nécessité d’une scission présentée, par moments, comme inéluctable, ces mêmes camarades ne proposent aucun projet politique alternatif au NPA tel qu’il est aujourd’hui.
Le premier problème, c’est que les positions exprimés par les différentes sensibilités dans la direction de la pfU sur la question du projet post-éventuelle scission ne sont pas homogènes. Certains expriment la volonté d’un retour au projet initial de parti large du NPA, en dépit de son échec constaté non seulement en France, mais partout ou cette politique a été proposée. A l’inverse, une autre sensibilité de la pfU propose de faire du NPA un parti « plus militant », tout en refusant de tirer le bilan de l’échec du projet initial jusqu’au bout. Enfin, un troisième secteur pointe l’échec du projet initial, sans toutefois proposer une quelconque alternative ou projet en positif pour la suite. Leur point commun n’est peut être que le refus de regarder en face l’échec qu’est aujourd’hui l’expérience de la construction de « partis larges », en France comme à l’international, pour en tirer les conclusions nécessaires ce qui, en dernière instance, veut dire qu’ils maintiennent cette politique comme un projet valable si un phénomène de type « Podemos » voyait le jour en France.
Dans le contexte social, politique et économique actuel, où nous allons vers de nouveaux épisodes de lutte des classes, en France comme à l’international, cette position consistant à pousser à la scission tout en ne proposant aucune alternative politique pour faire face à la situation est à la fois irresponsable, aventurière et dangereuse. Irresponsable car se concentrant sur les enjeux « internes » au NPA, sclérosant et fermant les débats au moment même où une nouvelle génération ouvrière et jeune, qui ont été au cœur de mouvements importants de ces derniers mois et de ces dernières années, ont fait le choix conscient de militer au sein d’un parti anticapitaliste et révolutionnaire. Dangereuse car, à l’heure où le spectre de la Révolution a refait surface avec les Gilets jaunes, où le rôle des travailleurs essentiels pour faire tourner le monde a été dévoilé aux yeux de tous et toutes, la proposition de la direction de la pfU n’aurait comme conséquence directe que de renforcer, car « la politique a horreur du vide », des projets qui prônent le changement par les institutions comme c’est le cas de La France Insoumise, à la fois en vue des élections présidentielles de 2022, mais également comme seule proposition à gauche dans l’échiquier politique
Comme l’a expliqué Daniela Cobet, militante du NPA-Révolution Permanente dans le même débat Stratégie et parti, être révolutionnaire à l’heure des crises du capitalisme, « la discussion qui se pose, c’est de savoir comment on se prépare pour des Révolutions possibles même dans des pays comme la France et que ce n’est pas quelque chose qui peut arriver dans 10 ou 20 ans, mais que cela peut arriver relativement vite » et qu’à ce titre, l’outil que représente le NPA est à « préserver, surtout si on n’a pas un autre outil qui soit davantage efficace ». Un sentiment partagé y compris chez les militants de la pfU qui sont, pour beaucoup, contraires à l’idée d’une scission de l’organisation, comme cela est déjà en train de s’exprimer dans les réunions de comité dans différentes villes en cette rentrée.
Les introductions du débat Stratégie et parti, être révolutionnaire à l’heure des crises du capitalisme
Ouvrir le débat sur le bilan du NPA et sur la stratégie pour aborder une situation qui s’annonce convulsive
Si une scission du NPA serait un pas en arrière pour les militants qui se revendiquent révolutionnaires, il est clair que la situation actuelle du NPA n’est pas, en soi, satisfaisante. L’absence de stratégie commune a amené à l’émergence de « plusieurs projets de parti et stratégies » co-existantes à l’intérieur de l’organisation, qui se sont cristallisés tout autant dans des « sensibilités » comme dans des courants, tendances et fractions. La campagne de Philippe Poutou aux présidentielles de 2017 a démontré la capacité de ces mêmes tendances et courants du parti qu’aujourd’hui on pointe comme les responsables de la crise du NPA à mener de front une orientation pour défendre la nécessité pour le NPA d’être présent dans la scène politique nationale pour défendre nos idées anticapitalistes et révolutionnaires.
Contrairement au récit que cherche à installer la PfU aujourd’hui, la réussite de cette campagne n’aurait pas été possible sans l’engagement et l’activité militante de tous ces courants et fractions minoritaires du parti.
A ce titre, la réunion Pourquoi et comment éviter l’implosion du NPA déjà cité a eu l’énorme mérite de poser frontalement le problème de fond tout en ouvrant la discussion sur quelques pistes de résolution qui restent, bien évidemment, à discuter et creuser. Entre les différentes tendances et courants de la gauche du parti, il existe des appréciations et des divergences concernant les objectifs que l’on se fixe pour la prochaine période. En ce sens, le succès de cette réunion à l’Université d’été et l’intérêt qu’elle a suscité chez un certain nombre de camarades, nous donne une responsabilité en vue des débats du prochain congrès et de la suite.
Contrairement à une politique attentiste, voire qui chercherait à donner « des gages » de bonne volonté et de loyauté face aux menaces de scission, et comme nous l’avons défendu aux côtés des camarades d’A&R et de DR lors du débat Pourquoi et comment éviter l’implosion du NPA, il s’agit de saisir l’opportunité donnée par ce congrès qui arrive pour avancer sur les clarifications programmatiques et stratégiques nécessaires, vitales, pour l’avenir de l’organisation, et pour un dépassement du projet initial du NPA dans un sens clairement révolutionnaire qui cherche à fusionner avec les meilleurs éléments de l’avant-garde ouvrière et de la jeunesse de ces dernières années.
Sortir de la crise par le haut : Pour la construction d’un grand parti révolutionnaire !
Il est évident, et la 12ème Université d’été en a été le révélateur, que le NPA se trouve aujourd’hui à un moment charnière de son existence. Longtemps éclipsé, le débat sur le bilan de l’organisation depuis sa création et lors de la séquence de lutte des classes ouverte depuis 2016 doit être posé à l’intérieur du parti, à la fois pour éviter l’implosion du NPA mais surtout pour ouvrir la voie au dépassement de ses limites actuelles. Comme l’a indiqué notre camarade Anasse Kazib, militant du NPA-Révolution Permanente lors du meeting d’ouverture de l’Université d’été, « notre véritable problème, c’est la question du programme et de la stratégie. Quand on regarde ne serait-ce que sur les quatre dernières années, ce n’est pas de lutte dont on a manqué. On a vu que l’ensemble des secteurs de la classe ouvrière se sont mobilisés entre 2016 et 2020 […] On a eu, en 2018/2019, ce mouvement des Gilets jaunes qui nous a tous marqués, qui nous a tous frappés. Et en 2019/2020, on a eu le secteur de la fonction publique et des transports qui était présent. On peut même prendre jusqu’à la fin du confinement, ou les quartiers populaires et les plus précaires d’entre nous, les travailleurs sans-papiers ». Et ce d’autant plus que, comme l’indique Anasse, « il va y avoir une attaque centrale et en règle contre l’ensemble des masses laborieuses. Ce qui se joue, c’est la survie ».
Intervention d’Anasse Kazib, militant du NPA-Révolution Permanente, lors du meeting d’ouverture de l’Université d’été
C’est précisément pourquoi, loin de tout intérêt purement « interne », la question d’un débat ouvert, démocratique, profond est nécessaire pour sortir le NPA de sa crise, loin de toute tendance à vouloir maintenir une forme de statu quo ou pire, dissoudre l’organisation « dans le néant », sans un projet offensif et ambitieux à proposer aux franges du mouvement ouvrier et de la jeunesse qui se radicalisent et qui ont fait l’expérience de la lutte des classes ces dernières années. La situation convulsive actuelle, ces dernières années comme dans les temps à venir, nous offre au contraire une formidable opportunité de confronter nos divergences politiques et stratégiques au « feu de la lutte des classes », en intégrant du « sang neuf » dans le débat avec l’apport d’actrices et d’acteurs majeurs des derniers conflits sociaux.
Comme l’a affirmé Anasse dans son intervention, « on considère qu’il est nécessaire de se doter d’un outil capable de proposer ce programme, cette stratégie à l’ensemble des secteurs en lutte. Pour nous, il n’y a nul autre outil nécessaire qu’un parti révolutionnaire, capable d’unifier l’ensemble des tendances révolutionnaires, mais également l’ensemble des camarades avec lesquels on a pu militer dans les dernières séquences. Que cela soit parmi les Gilets jaunes, dans la jeunesse et j’espère que, peut être, Almamy Kanouté, Youcef Brakni, Assa Traoré seront des militants révolutionnaires qui pousseront à nos côtés dans un grand parti révolutionnaire pour mener à bien ce projet de transformation sociale ». C’est en ce sens que nous, militants du NPA-Révolution Permanente entendons aborder les débats du congrès à venir.