Pandémie Covid-19 : où en sommes-nous en France ? (au 21 septembre)

AVANT-PROPOS : les articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » ne représentent pas les positions de notre tendance, mais sont publiés à titre d’information ou pour nourrir les débats d’actualités.

SOURCE : Les crises

La situation de l’épidémie empire encore.

Nous avons donc encore travaillé pour vous proposer de nouveaux graphiques pour mieux comprendre la situation – n’hésitez pas à nous faire part de vos réactions en commentaires.

Comme ce billet est devenu très long, nous avons décidé de le scinder, et de vous proposer :

 

  • ce point Covid hebdomadaire, centré principalement sur la France (avec une brève vision non développée de la situation mondiale) ;
  • et une fois par mois, il sera complété de l’analyse détaillée en Europe et dans le monde.

Enfin, nous rappelons qu’un bon moyen de nous soutenir simplement consiste à nous suivre sur Facebook et Twitter (ici et ) – merci d’avance !

N.B. : comme on m’a posé la question, je rappelle que ma formation est actuaire-statisticien spécialisé en mortalité : j’ai donc l’habitude de faire ce genre d’analyses.

I. Incidence en France

1-1 La situation au niveau national

Voici l’évolution du nombre de nouveaux cas dépistés en France depuis début mai (on ne parle ici que des nouveaux cas détectés par PCR, donc des personnes avec le virus actif dans leur gorge, cela ne compte évidemment pas les tests sanguins d’immunité) :


N.B. nous ne traçons pas les données avant le 11 mai, car cela serait trompeur : à l’époque on ne testait que les cas graves, le total en avril est donc très sous-estimé, d’au moins 10 fois.

Si on regarde la croissance moyenne du nombre de cas hebdomadaires, on a ceci :

On observe donc un ralentissement après une croissance très soutenue, qui est passée de +30 % à + 60 % et est maintenant à + 8%.

On note bien ce net ralentissement sur ce graphique représentant la croissance du nombre de cas :

Lecture : quand la courbe bleue est sur fond rouge, l’épidémie est en croissance ; quand elle est sur fond vert, elle est en décroissance. Quand la courbe monte, l’épidémie accélère, quand elle descend, elle décélère. Le nombre de cas a été maximal début avril et minimal mi-juin.

Notez tout d’abord l’efficacité de l’obligation du port du masque dans les lieux clos recevant du public – il est dommage de ne pas avoir fait ceci plus tôt…

Beaucoup de commentateurs se sont réjouis du ralentissement de la croissance des nouveaux cas positifs, mais je reste pour ma part dubitatif.

En effet, il est vrai qu’on teste plus qu’avant, mais c’est en réalité simplement parce que l’épidémie progresse, comme on le voit ici :

La semaine dernière :

  • plus de 1 000 000 personnes ont été testées, soit 1,6 % de la population française ;
  • 5,4 % des tests se sont révélés positifs (contre 5,2 et 4,4 % les deux semaines précédentes) ;
  • 65 % des personnes testées étaient asymptomatiques (ou pré-symptomatiques) ;
  • 58 % des cas positifs étaient symptomatiques, contre 53 % la semaine précédente.

Le taux de tests positifs a donc plus que doublé en un mois. Si le nombre de tests (et donc les cas positifs) augmentait uniquement parce que le dépistage était plus efficace, ce taux devrait baisser, puisqu’on commence par traiter les cas symptomatiques, puis leurs proches, puis leurs contacts, etc.

On constate finalement que :

  • la proportion de tests positifs augmente sans cesse depuis deux mois ;
  • et que la proportion de cas positifs symptomatiques augmente sans cesse depuis deux mois.

On observe également que la croissance du nombre de tests réalisés chute depuis trois semaines, et qu’elle est désormais nulle :

Il semble désormais clair que cette politique de tests tous azimuts sature nos capacités de détection, de pistage et/ou de testage, en raison de la croissance de l’épidémie.

Rappelons que nous testons plus de 1,5 % de la population chaque semaine, et que la Sécurité sociale a identifié près de 168 000 personnes ayant été en contact avec les 56 000 personnes détectées positives la semaine passée : nous pourrons probablement difficilement faire beaucoup mieux dans les semaines à venir :

Identification des personnes-contacts par la Sécurité sociale

De plus, rien dans les statistiques de SOS Médecins ne montre un ralentissement de l’épidémie, bien au contraire :

Pour trancher entre ces deux possibilités, il faudrait avoir une idée du ratio « nombre de tests positifs / nombre de personnes réellement infectées », mais comme le second terme est impossible à déterminer actuellement, il va falloir observer dans les semaines à venir le devenir du nombre d’hospitalisations.

Nous sommes donc à un niveau moyen de 10 000 nouveaux cas par jour, qui devient préoccupant pour la suite de l’épidémie.

Toutefois, il faut bien garder que nous sommes à un niveau très inférieur aux maxima de mars/avril (5 000 à 8 000 cas graves par jour).

Il y a même des bonnes nouvelles malgré ce contexte inquiétant…

P.S. Un point sur les tests PCR. Ils sont globalement fiables, il n’y pas de gros problèmes de « faux positifs ».

Comme une PCR peut en générer quand on cherche un seul bout de virus, les biologistes recherchent généralement plusieurs bouts du virus.

Si vous en doutez, comparez les évolutions des tests positifs et des hospitalisations plus loin…

Leurs principaux problèmes sont :

  • qu’il y a une quantité non négligeable de faux négatifs (mauvais moment de prélèvement, mauvaise manipulation lors de la récupération de l’échantillon),
  • que le processus est trop long, donc une part importante de testés positifs ne sont plus contagieux au moment du résultat.

Comme on le voit, le gouvernement français a (encore) échoué à maîtriser l’épidémie avec sa stratégie de tests à tout va.

1-2 L’épidémie « réelle »

Comme on l’a dit, il ne faut pas commettre l’erreur de représenter ainsi le nombre de cas (testés positifs) depuis février :

Comme on ne testait que les cas très graves au printemps, cela signifie qu’il y avait beaucoup plus de cas réels, non détectés.

Nous vous proposons donc une estimation de l’épidémie RÉELLE, en nous basant principalement sur les travaux de l’Institut Pasteur, afin d’obtenir le nombre de nouvelles contaminations chaque jour :

Comme on le voit, les cas testés positifs (le petit trait en vert) sont presque invisibles, tant l’activité de test était marginale.

La veille du confinement, on devait approcher les 250 000 contaminations par jour ; nous sommes probablement autour de 40 000 à 50 000 actuellement, soit 6 fois moins.

Le taux de croissance hebdomadaire des nouvelles contaminations début mars était d’environ + 300 % par semaine (un quadruplement), nous sommes donc probablement à environ + 50 %, soit 6 fois moins.

Pourquoi ? Non pas parce que le virus aurait changé, c’est une fausse information, c’est le même (voir ici ou ). En revanche, par rapport à début mars :

  • nous avons généralisé le port du masque ;
  • nous appliquons bien plus les gestes barrières (distanciation, lavages de mains…) ;
  • les « gros regroupements » sont interdits ;
  • les « moyens regroupements » sont moins bondés ;
  • les seniors font très attention ;
  • les personnes à risque de forme grave sont protégées par la loi ;
  • beaucoup de salariés sont en télétravail ;
  • les transports en commun sont moins bondés ;
  • un protocole sanitaire prudent est utilisé dans les écoles ;
  • etc.

Alors on constate que, d’une part, ce virus est très virulent, car il se répand quand même, mais, d’autre part, il est très gêné et il le fait 5 fois moins vite.

1-2 Incidence départementale

Indiquons également que beaucoup de cas sont dans des foyers d’infection (clusters) encore sous contrôle (source : Santé Publique France., comme les autres informations sur les tests) :

Les foyers actuels sont principalement situés dans des entreprises, des hôpitaux et le milieu familial élargi.

Voici le niveau départemental actuel de risque :

46 départements sont à risque élevé (contre 23 et 15 les deux semaines passées) et 46 à risque modéré (contre 37 et 35).

Pour situer le problème, la situation il y a à peine 5 semaines était de 3 départements à risque élevé et 21 à risque modéré :

Voici l’évolution en graphique pour les départements les plus touchés :

Le département des Bouches-du-Rhône est donc le plus touché de la métropole, à cause de la situation à Marseille.

Voici le détail pour l’Île-de-France :

Il est difficile d’interpréter ces chutes :

1/ vraies chutes dues à la fin de l’été ?

2/ ou fausse chute due à la saturation des capacités de tests ?

Et voici où l’épidémie progresse dans le pays :

Enfin, point très important, voici le taux de positivité selon l’âge des contaminés :

On constate que les 10-39 ans sont particulièrement touchés, mais que la positivité est en croissance sur toutes les classes d’âge sauf les 0-20 ans.

Voici l’évolution pour celles les plus à risques :

L’augmentation chez les 50-69 ans est très inquiétante pour la suite.

Voici ce que cela donne en nombre :

En plus de cette représentation classique, nous vous proposons le même graphique, mais présenté ainsi, afin de bien voir l’évolution pour les plus de 60 ans, population à risque :

Et ici, voici un zoom sur les 50-70 ans et les plus de 70 ans :

On voit bien que l’épidémie frappe surtout les moins de 40 ans pour le moment, d’où le fait qu’il y ait peu de cas très graves.

II. Hospitalisations en France

La tendance sur les hospitalisations continue sa hausse – nous sommes à plus de 3 000 hospitalisations par semaine (soit quand même 150 000 par an à ce rythme) ; elles ont doublé en un peu plus d’un mois :

Il en est de même pour les réanimations :

Cela donne ceci sur le nombre total de personnes hospitalisées :

Et voici pour celles en réanimation :

La situation est donc moins satisfaisante au niveau des cas graves, et hélas, elle est en train de s’inverser, comme on pouvait s’y attendre avec la reprise de l’épidémie.

Il faut donc poursuivre les gestes barrières et le port de masques pour éviter une reprise des hospitalisations et des cas graves.

III. Décès en France

Voici enfin la situation au niveau des décès en France :

La remontée est très lente, ce qui est une bonne nouvelle. Mais rien ne dit qu’elle durera encore longtemps.

Si nous rapprochons le nombre de décès de notre estimation des cas réels, on voit bien qu’il y a un décalage d’un mois entre les pics, et qu’il y avait très peu de décès début mars quand l’épidémie avait le niveau actuel :

Cependant, nous ne devrions pas revivre le même drame qu’au printemps, puisque nous agissons différemment.

Et comme nous agissons différemment, la situation est meilleure pour cette raison, et non pas pour des raisons « externes » voire « magiques »…

IV. Conclusion pour la France

En résumé : il n’y a pas raison de paniquer, mais, la situation devenant inquiétante, il nous faut simplement continuer d’être prudent

Face à une épidémie en croissance exponentielle, il fallait agir vite au moment où elle débute. Aujourd’hui, c’est probablement trop tard. Notre gouvernement a encore échoué, et il va nous falloir faire avec.

Nous sommes actuellement dans l’incertitude :

  • l’épidémie se développe-t-elle à cause « d’imprudents », et donc va-t-elle finir par cesser de croître assez rapidement ?
  • ou l’épidémie se développe-t-elle à cause d’une distanciation sociale insuffisante, et va-t-elle poursuivre sa croissance ?

Nous le saurons assez rapidement.

Car hélas Macron fait désormais le choix du laissez-faire, en laissant tout passer à la trappe : personnes vulnérables, protection des enseignants, interdiction du télétravail dans beaucoup d’entreprises, etc.

Mais rien n’est inéluctable, tout dépend de la mobilisation de la population.

Dans tous les cas, il faut donc prendre des mesures fortes pour la cantonner à un niveau le plus bas possible – bien porter un masque dans les lieux fermés (obligation aussi mise en place chez plusieurs de nos voisins – et en Asie depuis le début) apparaît ainsi comme une mesure très utile. Et les malades ne doivent pas avoir honte, et se faire dépister.

Il faut donc poursuivre les gestes barrières et le port de masques pour éviter une reprise des hospitalisations et des cas graves.

Mais n’oublions pas que des bonnes surprises sont aussi possibles, alors gardons le moral – il est assez probable que nous surmontions cette vague sans reconfinement général 🙂

Conseil important :

Si vous êtes une personne vulnérable (plus de 65 ans, ou plus jeune mais avec des comorbidités, telles que cancer, obésité, diabète etc.) non atteinte par la Covid, préférez le port du masque FFP2 / KN95 qui protègent le porteur (plutôt que les masques chirurgicaux bleus qui servent à empêcher les porteurs du virus de contaminer les autres; les masques en tissu ont une efficacité variable et discutée).

En effet, si vous croisez des personnes dans des lieux clos mal ventilé (lieux qui favorisent l’aérosolisation), vous serez bien mieux protégés avec ces masques. On peut en trouver dans certaines pharmacies (insistez…) ou sur Internet ; prenez toujours des certifiés CE.

V. Survol de la situation dans le reste du Monde

Voici brièvement la situation chez nos voisins européens :

L’épidémie semble donc maîtrisée chez nos grands voisins ; seule la France et surtout l’Espagne connaissent une reprise forte, et qui semble probablement due à l’effet vacances...

Notons cependant que l’épidémie reste totalement maîtrisée en Allemagne et en Italie.

Voici d’ailleurs une carte plus précise de la situation en Europe. :

La semaine passée :

Et cette semaine :

Pratiquement aucune région n’est épargnée par la Covid, mais on voit que l’épidémie dévore l’Espagne et la moitié Sud de la France.

Voici enfin la situation dans les pays actuellement les plus touchés dans le monde :

La situation en Inde, aux États-Unis et au Brésil reste dramatique – à noter une tendance désormais plus favorable pour les deux derniers pays.

Voici pour les décès :

On voit que le nombre de décès atteint des niveaux dramatiques et stagnants dans les pays les plus touchés, avec 1 000 morts par jour. États-Unis et Brésil ont désormais dépassé le même taux de décès par habitant que la France, alors que l’épidémie est très loin d’être terminée chez eux.

Voici pour terminer la carte mondiale de l’épidémie – qui frappe actuellement durement l’Amérique :


Merci d’avoir lu cet article jusqu’au bout ! Nous espérons qu’il vous a intéressé.

Olivier Berruyer

P.S. Vous pouvez nous suivre sur Facebook et Twitter (ici et ) – merci d’avance pour votre soutien !


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