La question Macron plus centrale que jamais

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SOURCE : Arguments pour la lutte sociale

Données générales de la situation française.

Le mouvement social en France s’est, de lui-même, dirigé massivement, à deux reprises, et malgré la volonté des directions politiques et syndicales qui en sont historiquement issues de ne surtout pas s’orienter en ce sens, versl’affrontement central et général avec le pouvoir exécutif de la V° République, cherchant les voies et les moyens de le renverser, ce qui ouvrirait une situation révolutionnaire mettant à l’ordre du jour une vraie démocratie : le 17 novembre 2018 (Gilets Jaunes) et le 5 décembre 2019(grève générale en défense du droit à la retraite).

Tout le monde ou presque fait comme si, depuis l’entrée dans la pandémie avec ses phases de confinement, et de risque montant sans confinement comme à présent, ceci n’était plus d’actualité, malgré le fait des manifestations massives de la jeunesse contre les violences policières début juin, et malgré la montée de la colère contre les plans « sociaux » de licenciements qui se multiplient. Dans les deux cas, le respect et l’arrêt des violences envers les jeunes et les migrants ou supposés tels, et l’arrêt des licenciements, c’est bien la question du pouvoir, de Macron, qui est pourtant posée.

En lieu et place du combat pour, à nouveau, centraliser et généraliser, cibler et unir, concentrer et étendre, par la lutte tous ensemble contre le pouvoir exécutif du capital, nous avons la participation des directions syndicales nationales, avec assiduité, au « dialogue social » assorti de quelques journées d’action, et nous avons l’entrée très, très en avance, des appareils politiques de gauche au sens large, dans la préparation des présidentielles de 2022.

Le couple dialogue social/journées d’action et la « préparation des présidentielles » forment une sorte d’écran dont la vraie fonction, quelle que soit la bonne volonté militante parfois à les mettre en œuvre, est de faire obstacle à l’irruption du troisième acte qui se cherche, après le 17 novembre 2018 et le 5 décembre 2019, de poussée sociale d’ensemble pour en découdre et imposer la vraie démocratie. Il s’agit au fond de reporter ce troisième acte jusqu’à la présidentielle, dans fort longtemps en vérité, afin qu’il n’ait jamais lieu, comme si la présidentielle pouvait le remplacer, alors que celle-ci, présentée comme le seul cadre « légal » et légitime pour tenter de virer Macron, est celui qui s’y prête le moins.

Et cela non pas à cause du suffrage universel, mais parce que l’élection présidentielle en est une parodie, destinée à sacrer le président-Bonaparte de la V° République. Une vraie démocratie consiste dans des élections libres à tous les niveaux, d’élus mandatés, responsables et révocables, et non dans des présidentielles comme clef de voûte de tout un système autoritaire, ayant pour rôle de le reproduire tous les 7 ans et aujourd’hui tous les 5 ans. Chacun sait que la configuration politique des présidentielles en France ne dépend pas de la volonté populaire et des luttes sociales, mais des appareils en place, anciens ou nouveaux. Et que celle-ci conduit par elle-même à la reconduction, avec une abstention massive signifiant le discrédit de ce système, de Macron ou à l’élection de Mme Le Pen.

Ajoutons que la candidature miracle, unitaire et découlant d’un bon programme préalablement discuté et adopté, censée, par exemple pour nos camarades de la GDS (Gauche Démocratique et Sociale), surmonter le danger, ne peut pas émerger, justement, de la « préparation des présidentielles » mise en avant dès maintenant. Elle pourra peut-être, et seulement ainsi, être imposée le moment venu comme résultant de l’affrontement social. Autrement dit, on ne prépare pas les présidentielles en préparant les présidentielles, mais en œuvrant pour l’unité dans l’affrontement social ici et maintenant.

Toutes choses égales par ailleurs, on pourrait croire que l’acheminement vers les présidentielles est en marche, sauf explosion spontanée toujours possible, mais dont la gestation est rendue plus difficile par le poids de l’impasse des deux tentatives précédentes et par les conditions sanitaires et policières liées à la pandémie. Ce serait sans doute là une erreur. D’une part, la matière inflammable est là. D’autre part, le sommet du pouvoir fait ce qu’il faut pour s’enferrer lui-même et susciter sans le vouloir le mouvement d’en bas, tôt ou tard.

Parcourons les aspects de sa politique qu’il met lui-même le plus en avant.

Gabegie sanitaire et crise de l’État.

Nous avons, au premier plan, la gabegie sanitaire. L’épidémie galope. Très clairement, Macron voudrait nous faire subir ce que Boris Johnson n’a pas réussi à faire subir aux peuples britanniques : une « immunité de groupe » c’est-à-dire une contamination massive meurtrière pour les plus fragiles en raison de l’âge ou des situations sociales. Le risque, analysé par l’OMS, d’un virus envers lequel il n‘y a toujours ni médicament ni vaccin et qui estsusceptible de muter de manière imprévue, même si sa léthalité globale est faible, et dont les voies de contagion furent celles-là même de la circulation des capitaux, avait légitimé les confinements. Maintenant, Macron se rapproche sans le dire de Johnson au début, de Trump, de Bolsonaro : il ne veut pas infliger l’épreuve d’un nouveau confinement au capitalisme français, il choisit donc le risque et la mortalité pour la population, tout en préconisant des mesures-écrans « coup de poing » au niveau local, sous l’égide des préfets.

Alors que les hôpitaux sont précipités lentement mais inexorablement vers une nouvelle et gravissime saturation, les injonctions contradictoires et les annonces successives et culpabilisantes du gouvernement tentent de rejeter ses terribles responsabilités sur la population elle-même. Les entreprises, le métro et, pour cause de garderie, les écoles, doivent fonctionner à plein régime quand bien même les manifestations et la fréquentation des bars et restaurants, voire des espaces verts, sont interdites juste à côté. La crise qui est survenue dans ce cadre entre l’exécutif et la nouvelle municipalité élue à Marseille ne doit pas être jugée seulement à l’aune des palinodies de la classe politique voire d’un certain corps médical local : elle est symptomatique de ce qui se prépare dans tout le pays. La prochaine manche, la troisième après celles de fin 2018 et de fin 2019, qui se cherche et dont on ne peut par avance faire la description, intégrera cette dimension : les gens savent, car ils l’apprennent à leur dépens, que leur sécurité sanitaire passe par l’affrontement avec ceux qui prétendent nous faire la morale et nous contraindre tout en nous mettant en danger.

Macron contre les « séparatismes » …

Ce vendredi 2 octobre, Macron a présenté ses « mesures contre le séparatisme ». Car il y aurait des zones irrédentistes, séparatistes, sur le territoire métropolitain ! Ainsi sont désignées les « banlieues ». Ce gouvernement n’a ni la capacité ni la volonté de combattre cette forme de réaction sur toute la ligne, voire de fascisme, qu’est l’intégrisme islamiste, prétexte à la présence armée de la France en Afrique sahélienne et à son agitation fébrile en Méditerranée orientale, tout aussi dangereuse que celle d’Erdogan qui lui sert de prétexte – de plus en plus d’ailleurs amalgamé à l’ « islamisme ». Macron a eu l’outrecuidance de prétendre que les mesures qu’il a annoncées concernant l’école – essentiellement l’interdiction de l’instruction sans scolarisation sauf motifs de santé, et alors que les dispositions légales et réglementaires existantes permettent déjà, si l’administration s’en sert, d’empêcher les enrégimentements sectaires d’enfants, islamistes, ou autres -, sont sans équivalent depuis … Jules Ferry !

Ces coups de clairon sont en contradiction totale avec la vie réelle des gens sur le terrain. Dans le 93, le vrai « séparatisme » est celui de la Vème République qui, systématiquement, a couvert les suppressions d’emplois, organisé la ghettoïsation, fermé et étouffé les services publics. Et le ministre Blanquer, émule de Trump via Macron, a communiqué, par un tweet nocturne le mardi 29 septembre, le calendrier de son « nouveau Bac » sans aucune « concertation ». Or, ce calendrier est tout simplement impossible : les épreuves se chevauchent et l’organisation matérielle, sauf à faire faire les épreuves jour et nuit pendant trois jours, est inenvisageable. C’est à de telles démonstrations d’incompétence pratique, technique, qu’en arrive l’État capitaliste avarié de la Vème République, au diapason du monde des Trump, des Modi et des Bolsonaro.

Deux signes lourds.

Ils créent les conditions du mouvement démocratique d’ensemble pour les chasser, malgré tous les efforts des directions politiques et syndicales « préparant les présidentielles » et participant au « dialogue social ». Deux faits récents, deux signes lourds, soulignent la réalité politique de la situation de Macron and co.

Macron a jugé malin de nommer un « magistrat flamboyant », un « ténor du barreau » au ministère de la Justice lors de la formation du gouvernement Castex, M. Dupond-Moretti. Or, celui-ci est manifestement en train de se griller et de griller son gouvernement. Un Cicéron ? Que nenni : un Benalla !

Et ce n’est pas là une question de « tempérament ». En diligentant une enquête contre le Parquet National Financier, parce que celui-ci avait enquêté contre l’ancien président, et proche de Macron, Sarkozy, Dupond-Moretti se livre, sans doute avec l’aval de Macron, à un petit coup d’État contre un secteur de l’appareil d’État. Quoi que l’on pense de l’institution judiciaire, c’est sa mise au pas totale, en mode grand-guignolesque, qui se profile ainsi. Mais du coup, le pouvoir exécutif est rejeté par ces grands crocodiles de l’appareil d’État que sont les magistrats, et tant le Syndicat de la Magistrature, réputé à « gauche », que l’Union Syndicale des Magistrats, réputé à « droite », affirment ne pas considérer leur ministre comme un interlocuteur acceptable (on aimerait parfois voir des fédérations de fonctionnaires, confédérées ou FSU, traiter ainsi leurs propres ministres ! ).

Autre fait : le rapport d’Amnesty International sur la France de Macron, accablant. La France de Macron, c’est la violence policière, c’est l’illégalité, c’est l’impunité, ce sont les coups, ce sont les enquêtes bâclées dès qu’elles peuvent éclabousser les allées du pouvoir, ce sont tous les traits réunis de la Vème République – la répression du temps de la guerre d’Algérie sous De Gaulle, la frénésie anti-jeune et anti-manifestants sous Pompidou, les affaires financières et conflits d’intérêts sous Giscard, les combinaziones et le réseau des vieux amis sous Mitterrand, la lourdeur assortie à l’affairisme sous Chirac, la vulgarité bang-bang et les potes Berlusconi et Khadafi sousSarkozy, le ton papelard couvrant la dérive vers l’état d’exception sousHollande, la mafia françafricaine sous tous, Macron, c’est tout cela cumulé, avec le côté erratique et ignoble d’un Trump assorti à la prétention outrecuidante d’un faux premier de la classe posant en penseur.

Macron, c’est la somme, la synthèse, le pandémonium, d’une Vème République qu’il voulait relancer, et qu’il n’a fait que récapituler dans toutes ses tares.

C’est la source de l’instabilité, le foyer de l’insécurité, le danger public, le risque sanitaire, la gabegie financière, la destruction de la fonction publique, de la sécurité sociale, du code du travail.

Tout cela, c’est Macron.

Le cri de guerre populaire n’est donc pas éteint : portons-le dans toutes les luttes sans attendre 2022 ! DEHORS MACRON !


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