À Bure, une “semaine antinucléaire” festive et militante revigore les luttes

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SOURCE : Reporterre

Armes nucléaires, Cigéo, mines d’uranium ou questions de genre… Depuis le 5 octobre, à Bure dans le sud de la Meuse, une centaine de militants réfléchissent, partagent leurs luttes et font la fête à l’occasion d’une « semaine antinucléaire ».

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  • Bure (Meuse), reportage

Le temps est lourd, ce lundi 5 octobre, dans le sud meusien. La tempête Alex, qui a ravagé le sud de la France, lance ses dernières salves de pluie et de vent glacés. Dans les rues désertes du village de Bure, seules quelques voix rompent le silence. « C’est là ? — Oui, regarde, y’a une banderole ! » Ces personnes, venues de l’autre bout de la France, se trouvent devant la Maison de résistance, un hangar acheté par des associations antinucléaires — la commune est le lieu central du projet Cigéod’enfouissement, à 500 mètres sous terre, des déchets radioactifs de l’industrie nucléaire. [1] Le bâtiment, transformé en lieu de rencontres, accueille du 5 au 11 octobre la « semaine antinucléaire », sous-titrée « pratiques et histoires des luttes antinucléaires ». Très vite, les visiteurs rejoignent le seuil et s’engouffrent dans le bâtiment.

À l’intérieur, changement d’ambiance : une atmosphère festive emplit la Maison, portée par un enfant tout juste en âge de courir. Une centaine de personnes se bousculent autour de lui, faisant place ou barrage en fonction de sa direction, le tout au rythme de quelques airs de guitare. « La fourmilière se réveille ! » dit une personne dans la foule. Ici, beaucoup se connaissent. « On se suit dans nos luttes respectives », explique Geneviève, venue de Notre-Dame-des-Landes pour l’occasion. « Tout ce monde… c’est un véritable bonheur, et quel accueil ! » lance-t-elle, sourire jusqu’aux oreilles. Sous les guirlandes lumineuses, certains distribuent du thé pendant que d’autres préparent les ateliers qui se tiendront toute la semaine.

La Maison de résistance, octobre 2020.

« On est ici pour se faire du bien »

« Cet évènement est l’occasion de se retrouver, avec les autres, mais aussi avec soi-même, pour faire une pause dans notre lutte » explique Charlotte [2], une militante. « On est aussi ici pour se faire du bien », complète-elle. L’ambiance est certes conviviale, mais le moteur des discussions, lui, est des plus sérieux : comment se portent les luttes antinucléaires, ici et ailleurs ?

Dans un coin du hangar, un premier rendez-vous met les nouveaux arrivants au parfum. « À Bure, les gendarmes font fréquemment des contrôles d’identités. S’ils présentent une réquisition qui leur en donne le droit, ils peuvent également fouiller votre sac ou votre véhicule », explique Mathieu [3], un militant habitué de la lutte contre le projet Cigéo. Les indications sont données dans un silence de cathédrale. « La meilleure stratégie à adopter si vous êtes contrôlé est d’en dire le moins possible. Moins on en dit, mieux on se porte. » Passé ce rappel, les conférences et ateliers débutent [4].

Un dessin réalisé dans la Maison de résistance — par sécurité, les photos étaient interdites.

Abolition des armes nucléaires, travaux de Cigéo, lutte contre les mines d’uranium… Une quinzaine de sujets sont au programme de la semaine. Pour les présenter, des militants ont convergé de la France entière et des pays limitrophes. « Beaucoup de gens ici ne sont pas de la région », explique Charlotte, elle-même originaire de l’Isère. Bertrand [5] habite en Loire-Atlantique, où il suit attentivement la lutte du Carnet. Fin août, une zad y a été créée pour lutter contre le projet du Grand port maritime Nantes-Saint-Nazaire d’artificialisation de 110 hectares de zone naturelle pour y développer des activités industrielles. « On vient découvrir comment les gens agissent ailleurs, souligne-t-il, voir ce qui a fonctionné pour essayer de reproduire des schémas de lutte qui ont fait leurs preuves ».

Beaucoup de militants ont en tête la récente victoire à Gorleben, en Allemagne, où un site de stockage de déchets radioactifs devait être construit« Il faut quand même préciser que le projet n’est pas annulé, mais que le site de Gorleben n’est plus retenu pour sa réalisation », précise un militant à l’assemblée. Le projet Cigéo est également au cœur des discussions. Une trentaine de personnes ont participé à une promenade explicative sous la pluie, suivies de loin par une camionnette de gendarmes. D’actualité, la déclaration d’utilité publique nourrit les discussions des militantes et militants : à terme, si l’État reconnaît l’utilité publique de Cigéo, l’Andra pourra procéder à des expropriations et accroître son emprise foncière, qui est déjà très grande. « Le Covid a un peu mis tout le monde à plat, on n’a pas encore vraiment eu le temps de se pencher sur ce qu’implique cette nouvelle », explique un militant. « Le moteur de nos actions, c’est davantage l’envie des gens que l’actualité », complète Charlotte.

Sexisme, racisme, combat antinucléaire… « Aucune lutte ne passe avant l’autre »

L’engagement antinucléaire n’est pas séparée des autres mobilisations. « On se rend compte que les luttes convergent en de nombreux points, explique Charlotte. Par exemple, avec le collectif des Bombes atomiques, on fait le lien entre le féminisme et la lutte antinucléaire. »

Rassemblement antinucléaire et féministe, en non-mixité, en septembre 2019, à Montiers-sur-Saulx (Meuse).

En effet, lors de son intervention, le collectif l’a exprimé très clairement : « Aucune lutte ne passe avant l’autre. » Car le défi pour le milieu militant aujourd’hui est de ne pas répéter les erreurs de la société : « On ne veut pas reproduire dans nos luttes les schémas de dominations que sont le sexisme, le racisme ou le validisme, et les laisser au second plan », expliquent les femmes du collectif. « L’État sacrifie des territoires et des peuples, ne faisons pas la même erreur en excluant de la lutte des personnes. »Des paroles applaudies par le public, venu en nombre. La lutte contre toutes les formes de discrimination est également un mot d’ordre de l’évènement, qui prévoit par exemple plusieurs ateliers autour des questions de genre. « On ne lutte pas par sacrifice, par désespoir ou par colère : on lutte pour vivre en cohérence avec nos pensées », conclut Charlotte.


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