Assassinat de S. Paty: Dénoncer la démagogie du pouvoir et le fanatisme d’extrême droite

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SOURCE : Démocratie révolutionnaire

L’ignoble assassinat par décapitation de Samuel Paty, un enseignant prof d’histoire-géographie au collège du Bois d’Aulne, à Conflans-Sainte-Honorine, dans les Yvelines, a bouleversé, stupéfié et suscité l’effroi et la colère. Dans tout le pays, l’indignation s’est manifestée à travers des rassemblements de solidarité, malheureusement dans une grande confusion « républicaine » et d’union nationale dans laquelle les directions syndicales se sont laissées noyer et qui laisse la place à Castex, Blanquer et autres, même si bien des participants aux rassemblements ne s’y reconnaissaient pas.

La victime avait, le 5 octobre, dans un cours d’EMC, enseignement moral et civique qui a pour but d’éveiller l’esprit critique des élèves, exposé des caricatures de Mahomet. Suite à ce cours une plainte avait été déposée et des menaces de mort avaient circulé sur les réseaux sociaux.

L’auteur de cet acte monstrueux est un jeune d’origine tchétchène. Aveuglé par le fanatisme religieux il aurait revendiqué son acte sur un compte Twitter dans un message s’adressant à « Macron, le dirigeant des infidèles […] J’ai exécuté un de tes chiens de l’enfer, qui a osé rabaisser Mohammad. »

Notre condamnation de cet acte abject, notre émotion et notre colère, notre solidarité avec sa famille, ses amis et ses collègues, plus largement avec les personnels de l’éducation, notre volonté de manifester ensemble notre indignation et notre révolte exigent aussi de comprendre comment la société peut engendrer de tels actes monstrueux, à en rechercher les causes, les responsables sans nous laisser aveugler par ceux qui voudraient l’instrumentaliser à leur profit contre l’ensemble des classes populaires.

Contre tous les fanatismes, comprendre pour agir collectivement

Samuel Paty a été assassiné pour avoir voulu enseigner la liberté de pensée et la liberté d’expression. Cette liberté n’a pas de prix même si elle est l’objet de mille entraves et censures. Mais ne pas céder au terrorisme qui voudrait imposer par la violence la loi de l’obscurantisme religieux, le combattre, c’est aussi combattre les politiciens qui en prennent argument pour tenter de nous imposer une union nationale mensongère contre l’ennemi qu’ils désignent à notre vindicte, l’islamisme politique.

Ils voudraient, eux aussi, nous aveugler, subjuguer les consciences, censurer toute liberté de penser pour nous empêcher de nous interroger sur l’origine d’une telle violence barbare, le terreau qui la nourrit, sur la responsabilité des Macron et consorts, ceux qui dirigent ce monde.

Comment fermer les yeux sur le fait que ce que Macron a désigné comme « attentat terroriste islamiste caractérisé » trouve ses origines dans les guerres menées contre les peuples par les grandes puissance depuis les guerres d’Irak et d’Afghanistan, la guerre en Libye ou celle menée par Poutine en Tchétchénie, ou le chaos dans lequel leurs rivalités a plongé le Moyen Orient, les ruines de la Syrie ou la guerre que mène la France au Mali. L’Arabie saoudite n’est-elle pas un des alliés les plus sûrs de ceux qui, aujourd’hui, se drapent dans leur vertu républicaine ? Comment ne pas voir à quel point le sort indigne réservé aux migrants, aux sans papiers, participe de cette même logique barbare de guerre contre les peuples les plus défavorisés et nourrit la haine. Comment ne pas voir à quel point la campagne raciste du pouvoir, relayée avec une odieuse complaisance par la plupart des médias, la propagande contre « le séparatisme islamiste » exacerbe les frustrations, pousse à bout les plus déséquilibrés, conduit les tensions au pire. Comment ne pas voir que la misère combinée à l’arrogance, au mépris de classe du pouvoir nourrit le sentiment de rejet, l’humiliation, que la dégradation des services publics dont celui de l’Éducation nationale laisse une large fraction de la jeunesse sur la touche, rejetée.

Les surenchères sécuritaires, xénophobes et racistes

Pour tous les fanatiques, quelle que soit la religion dont ils se revendiquent, chercher à comprendre les racines sociales et politiques d’un tel crime ce serait l’excuser. Et les surenchères sécuritaires, policières se multiplient. Les politiciens s’emparent sans vergogne de ce meurtre pour tenter de faire valoir leur mérite républicain à l’image de Valls qui pontifie : « Le mal est profond, la guerre pour le vaincre sera longue et difficile ». Dénonçant un « niveau de barbarie insoutenable », Marine Le Pen s’emporte : « L’islamisme nous mène une guerre : c’est par la force que nous devons le chasser de notre pays ». Son parti, le Rassemblement national, surenchérit : « Quelles immenses responsabilités, finalement, ont prises tous ceux qui ont favorisé cette immigration incontrôlée et le multiculturalisme. Ces utopies, évidemment, se terminent dans le sang, et de la façon la plus horrible ».

Les fanatismes prennent argument l’un de l’autre en jouant la politique du pire contre la liberté et la démocratie, contre le monde du travail et ses droits. Ils espèrent ainsi en flattant la peur et l’incompréhension s’emparer des esprits paniqués pour les embrigader dans leur sinistre mascarade politique.

Non à la duperie de l’union nationale, contre l’obscurantisme religieux et le racisme, construire notre unité de classe

Le soir même de ce crime atroce, Macron flanqué de 4 ministres est monté en première ligne : « Un de nos concitoyens a été assassiné aujourd’hui parce qu’il enseignait, parce qu’il apprenait à des élèves la liberté d’expression, la liberté de croire et de ne pas croire », pour assurer aux professeurs que « la nation tout entière sera là à leurs côtés aujourd’hui et demain pour les protéger, les défendre et les aider à faire leur métier, le plus beau qui soit : faire des citoyens libres ». Macron l’imposteur découvre les mérites des profs ! Quelle hypocrisie, quel cynisme !

Et il appelle les Français à « faire bloc » […] Ils ne passeront pas. L’obscurantisme et la violence qui l’accompagnent ne gagneront pas. Ils ne nous diviseront pas ».

Macron voudrait profiter de ce moment de choc qui tétanise les esprits pour rassembler derrière lui au nom de la défense de la république, de la liberté. Ils ne passeront pas dit-il, reprenant le mot d’ordre des antifascistes en Espagne en lutte contre les armées de Franco en 1936. Une nouvelle imposture !

Le terrorisme islamiste est abject mais la démagogie de la droite extrême et de l’extrême droite dont Macron rêve de faire la synthèse l’est aussi.

Son projet de loi « Laïcité et libertés », qui doit être présenté au conseil des ministres le 9 décembre, est une attaque contre les libertés, l’occasion de mener campagne contre les musulmans ou celles et ceux qui pourraient l’être, une campagne raciste au nom de la lutte contre le mythe du « séparatisme islamiste ».

Cette politique sécuritaire et répressive ne résoudra en rien la folle dérive de l’islamisme politique mais ce n’est pas son but. Elle vise à diviser le monde du travail, à semer le trouble et la confusion dans les consciences et à légitimer une politique sécuritaire contre, en réalité, l’ensemble du monde du travail.

Ne soyons pas dupes. Dans ce monde à la dérive, sans boussole, ne nous laissons pas abuser par les politiciens qui flattent les peurs et les inquiétudes légitimes, pour garder notre propre boussole, notre indépendance de classe, notre solidarité de travailleurs loin des messes républicaines qui flattent le nationalisme et la xénophobie en ouvrant la voie à de possibles aventures d’extrême droite qui menacent nos libertés et nos droits.


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