“Fin de la guerre” au Karabagh: quelques éléments d’analyse.

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SOURCE : Arguments pour la lutte sociale

Ce mardi 10 novembre a été publié un accord entre le président azerbaïdjanais Aliev, le premier ministre arménien Pashinyan, et le président russe Poutine : cessez-le-feu, retour de la zone d’Agdam aux forces azerbaïdjanaises et retrait arménien de plusieurs districts d’ici à début décembre, « contingent de maintien de la paix » russe (1960 soldats, 380 blindés …), installées pour 5 ans avec reconduction automatique si aucune des parties ne récuse sa présence dans les 6 mois précédents la fin de ce délai, accord de principe sur le retour des réfugiés sous l’égide des Nations unies, échange des prisonniers et des cadavres, rétablissement des transports et déblocage du Nakhitchevan.

Il s’agit, clairement, et sans surprise vu la situation militaire, d’une défaite arménienne ; Pashinyan peut déclarer qu’il évite ainsi, en principe, la prise imminente de Stepanakert, capitale du Karabach-Artsakh, qui s’annonçait sanguinaire, mais ce revirement, faisant suite à une rhétorique « victorieuse » et offensive purement nationaliste, liquide son pouvoir : les manifestants ont envahi les lieux de pouvoir à Erevan et la propre épouse de Pashinyan condamne l’accord.

Par une combinaison militaro-diplomatique impliquant Russie et Turquie, l’Arménie s’est vue imposer une guerre nationale défensive qui a vite pris une tournure désespérée, les points faibles de sa défense étant précisément les secteurs limitrophes du Karabagh, et du Karabagh lui-même, initialement non peuplés d’Arméniens et qui avaient été occupés durant la période d’effondrement du pouvoir azerbaïdjanais entre la fin de l’URSS et l’avènement du clan oligarchique d’Aliev au pouvoir à Bakou (1991-1993). Une défensive avec levée en masse, mais combinée à l’absence de toute politique ethnique et à l’organisation du retour de tous les réfugiés, pouvait seule miner le pouvoir, au fond fragile et surtout parfaitement corrompu, de Bakou. Au lieu de quoi, Pashinyan a tenté de se présenter comme le rempart de l’Occident face à des « djihadistes » acheminés par la Turquie, ce qui n’a été d’aucune efficacité ni militaire, ni même propagandiste.

Ce n’est, comme nous l’avions envisagé, pas tant la Turquie que la Russie qui est gagnante, jouant de la rivalité arméno-azerbaïdjanaise, et implantant une « force de maintien de la paix » et d’interposition, ce qui ne peut qu’inquiéter toutes celles et tous ceux qui savent, parce qu’ils ont à en souffrir, ce que signifie la présence, ouverte ou masquée, de ces forces impérialistes en Abkhazie, Ossétie du Sud, Transnistrie, Donbass, sans parler de la Syrie ou de la Libye. Ce que la quasi-unanimité des commentateurs « géopoliticiens » a présenté comme un élan expansionniste turco-musulman s’avère être une opération de retour russe, la plus poussée à ce jour, en Transcaucasie, envisagée de très longue date, visant à effacer les traces de la mobilisation nationale et démocratique en Arménie, de celle de 2018 comme de celles de 1987-1992 (on peut affirmer sur ce point que ceci échouera : les mouvements nationaux nés de l’oppression ne s’effacent pas).

Au-delà même des très probables complications qui vont intervenir dans les prochains jours, cette nouvelle projection militaire de la puissance « poutinienne » accentue encore un peu plus son surdimensionnement et sape sa stabilité.

10-11-2020.


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