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SOURCE : Europe solidaire
Biden et les démocrates ont presque perdu les élections, impensable compte tenu de la répudiation généralisée de Trump. Pour commencer à comprendre pourquoi, nous devons regarder au-delà du discours dominant selon lequel les États-Unis sont un pays raciste et que son seul espoir de salut est le centre extrême. Nous devons blâmer le Parti démocrate.
Nous ne savons toujours pas ce qu’il adviendra des élections américaines, et nous ne le saurons peut-être pas avant quelques jours. Mais encore plus déprimant que les résultats décevants de mardi dernier a été la réaction d’une partie du progressisme américain, qui répète les mêmes excuses que le Parti démocrate : Trump était trop fort, trop populaire ; et les États-Unis étaient trop racistes pour que Trump subisse une défaite retentissante. Il n’y avait personne, disent-ils, qui aurait pu faire mieux que Joe Biden.
Cet argument est un non-sens extravagant. Regardons les faits :
- Joe Biden était un candidat sénile et sans intérêt. Sa stratégie de campagne était de le rendre aussi invisible et inaudible que possible pour l’électorat. Cela a été applaudi par les médias comme s’il s’agissait d’un coup de génie politique.
- En septembre – à soixante jours avant les élections – Biden a décidé de prendre congé. Son équipe s’est contentée d’annoncer que Biden se reposait, qu’il ne voyagerait ni ne ferait campagne.
- La stratégie électorale de Biden cette année était la même qu’il promouvait depuis les années 1980 : oublier la base démocrate traditionnelle (afro-américains, latino-américains, pauvres, syndiqués, etc.) pour tenter de conquérir la vote républicain des vieux, riches et blancs qui vivent en banlieue, offrant une candidature corporative et conservatrice qui ne remue pas beaucoup les eaux pour faire face à un républicain d’extrême droite capable de mobiliser ses bases (comme Trump).
- Biden a mené une campagne identique à celle que Clinton a menée il y a quatre ans. La logique des deux était basée sur le fait que Trump était si odieux que les gens voteraient contre lui. Ils ont relancé la même tactique dans l’espoir que, tenant compte de la gigantesque crise sanitaire et économique, un sentiment anti-Trump suffirait à gagner les élections. Entretemps, l’équipe de Trump a copié la stratégie électorale d’Obama et a passé les derniers mois à faire campagne de porte-à-porte (un million par jour !). Biden, en revanche, n’a commencé à utiliser cette stratégie qu’en octobre.
- Les Démocrates reconnaissent que c’est cela qui a fait la différence en Floride, un État que Trump a remporté et qui a toujours été essentiel pour obtenir la majorité du collège électoral. Dans cet État, Trump a balayé – ce qui était totalement inattendu – la population latino-américaine. Selon les sondages de sortie, les circonscriptions de Trump ont augmenté dans tous les groupes ethniques et tous les sexes par rapport à 2016, à l’exception significative d’un secteur : les hommes blancs. Biden n’a augmenté son soutien que parmi les électeurs de 65 ans et plus et, par une petite marge, parmi les électeurs blancs sans diplôme universitaire.
- Tout cela se passe au milieu d’un effondrement social et politique aux proportions épiques devant lequel Trump est totalement incapable (ou plutôt désintéressé). Par ailleurs, c’est un scénario dans lequel les milliardaires ont augmenté leur richesse d’environ 10 milliards de dollars, tandis que des millions d’Américains perdent leur couverture médicale du jour au lendemain au milieu de la pandémie. Face à cela, Biden a refusé d’envisager la possibilité d’un système de santé universel (une mesure qui jouit d’une grande popularité) et semble même commencer à abandonner les réformes superficielles du système de santé qu’il avait promis de mettre en œuvre.
Il se peut que les bulletins de vote par correspondance finissent par donner la victoire à Biden, mais l’élection n’aurait pas dû être si proche. Cela aurait dû être un triomphe écrasant comme ceux dont l’Amérique a été témoin en 1932 ou 1980. Trump n’est pas invincible. Ce n’est pas un génie. Il n’a pas hypnotisé la population. C’est un chef profondément renié, corrompu et inepte qui a eu la chance d’affronter l’adversaire le plus complaisant et le plus inutile qu’on puisse imaginer. Gagner ou perdre, ce qui se passe ne reflète pas sa force, mais la profonde faiblesse de Biden et de l’establishment démocrate.
Branko Marcetic
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