Place de la République: la face visible des violences policières contre les migrants

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SOURCE : Rapports de force

Les images de l’évacuation de la place de la République ont suscité l’indignation, obligeant Gérald Darmanin à s’exprimer en plein débat sur la loi « sécurité globale ». Cette fois, les violences se sont déroulées au cœur de Paris, sous l’œil des caméras, en présence d’élus et de journalistes. Pourtant ces violences sont le lot quotidien des migrants, loin de l’exposition médiatique. Nous avons décidé de vous montrer d’autres images qui en attestent.

Des policiers qui secouent des tentes à la verticale pour en expulser les occupants. Des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés pourchassés sans relâche dans les rues de Paris par les forces de l’ordre. Filmées et postées sur les réseaux sociaux, les images de la nuit du 23 novembre place de la République ont choqué. Sur twitter, de nombreux élus et personnalités médiatiques ont fait part de leur désarroi.

Coordonnée par l’association Utopia 56, l’installation de 500 tentes place de la République et la médiatisation de la réaction de la Préfecture de police de Paris ont permis de lever le voile sur les violences physiques et psychologiques que subissent les exilés. Mais cette réalité n’est pas nouvelle. « Ce sont des scènes qui se passent déjà quotidiennement à Calais ou en région parisienne depuis plusieurs années. La semaine dernière, on a déjà été très choqués par la façon dont s’est déroulée l’évacuation du camp de Saint-Denis », raconte Nikolaï Posner, coordinateur communication d’Utopia 56.

Sur les 3 500 personnes présentes sur le camp formé au pied du stade de France depuis plusieurs mois, Utopia 56 estime qu’entre 700 et 1000 d’entre elles n’ont pas pu monter dans les cars qui les emmenaient vers des solutions d’hébergement d’urgence, faute de place. « C’était très dur, c’est l’évacuation de camp la plus violente que j’ai vécue. Les autorités avaient mal estimé le nombre de personnes présentes sur le camp. Plutôt que de le reconnaître, elles ont préféré se lancer dans une chasse à l’homme en prenant pour cible les exilés qui étaient restés sur place » détaille Nikolaï Posner.

 

 

Détruire les tentes pour empêcher les points d’ancrage

 

Entre le 17 mars et le 31 octobre, le rapport annuel de l’observatoire des expulsions a recensé 699 expulsions de lieux de vie informels, dont 86 % à Calais et à Grande-Synthe. Malgré l’état d’urgence sanitaire, « les autorités ont continué à mettre en œuvre une politique destinée à empêcher les points d’ancrage, afin de dissuader les personnes migrantes de se rendre ou de rester durablement dans ces zones », alerte Amnesty International dans un autre rapport. « Dans la pratique, ils démolissent régulièrement les camps et enlèvent les tentes, laissant dépourvus d’abri ou d’accès à l’eau courante ceux qui vivaient là », souligne l’ONG.

Le 20 novembre dernier, dans une vidéo postée sur l’une de ses pages Facebook, Utopia 56 partageait des images sur lesquelles on voyait les forces de l’ordre déchirer des tentes à coups de couteau lors d’une évacuation.

 

 

Le 16 novembre, la communauté érythréenne de Calais alertait sur les violences que les forces de l’ordre leur faisaient subir, dans une lettre ouverte adressée à la préfecture du Pas-de-Calais. « Le 5 novembre, sans préavis, ils sont venus dans notre lieu de vie et nous ont empêchés de sortir toute la journée. Puis vers 21 h 40, ils sont venus vers nos tentes et ils ont gazé toutes nos affaires personnelles, puis ils nous ont frappés comme si nous étions des animaux, pas des êtres humains », pouvait-on y lire. Au total, la communauté érythréenne de Calais a déposé cinq plaintes contre une même compagnie de CRS pour des faits de violences policières.

Humans Right Watch faisait déjà ce constat en 2017, dans un rapport fondé sur des entretiens avec 60 demandeurs d’asile et migrants, et une vingtaine de travailleurs humanitaires. L’ONG y racontait alors que « les policiers à Calais, en particulier les Compagnies républicaines de sécurité (CRS), font un usage courant de gaz poivre sur des migrants, enfants et adultes, alors qu’ils sont endormis, ou dans d’autres situations où ils ne présentent aucune menace ; qu’ils aspergent de ce gaz ou confisquent des sacs de couchage, des couvertures et des vêtements ; et que parfois, ils pulvérisent du gaz sur la nourriture et l’eau des migrants. »

 

Entraver le travail des organisations humanitaires

 

Le travail des organisations humanitaires, auxquelles l’État a interdit de distribuer de la nourriture aux migrants pendant le mois de septembre, est aussi régulièrement entravé par les forces de l’ordre. Lors d’une évacuation menée le 24 avril à Grande-Synthe, quatre bénévoles ont été placés en garde à vue pour avoir filmé la scène, avant d’être libérés sans poursuites judiciaires. Le même jour, des images filmées par des bénévoles montraient des membres des forces de l’ordre gazer des exilés qui tentaient de fuir par la route lors de l’évacuation du camp. Dans son rapport, Amnesty International rappelle que « le gaz lacrymogène est censé être utilisé pour disperser des foules violentes. Il n’est jamais légal de les utiliser sur des individus qui tentent de fuir ».

 

 

Humans Rights Watch mentionne des distributions de nourriture perturbées par les forces de l’ordre, qui font usage de la force pour empêcher les migrants de s’approcher, ou encore font tomber la nourriture des mains des travailleurs humanitaires. « Des travailleurs humanitaires ont entrepris de photographier ou de filmer ces actions policières, comme la loi française les y autorise. En réaction, disent-ils, les policiers ont parfois saisi temporairement leurs téléphones, en effaçant ou en consultant le contenu sans permission », détaille l’ONG. Entre le 1er novembre 2017 et le 1er juillet 2018, huit associations d’aide aux migrants basées à Calais et à Dunkerque ont recensé 646 « incidents » à l’encontre de leurs bénévoles.

En région parisienne, Utopia 56 demande la réquisition de 1000 places d’hébergement. « Marlène Schiappa en a déjà annoncé 250 après la nuit de la place de la République. On espère une réponse rapide de la part du gouvernement. La mobilisation citoyenne est la seule manière d’y arriver » détaille Nikolaï Posner.

 

Vidéos : Utopia 56


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