“La psychose, le confinement et ses effets anxiogènes ont des effets pervers que nous subirons à long terme”

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SOURCE : Marianne

Jean-Loup Bonnamy, géopolitologue et professeur agrégé de philosophie, vient de publier avec Renaud Girard “Quand la psychose fait dérailler le monde”. Un Tract dans lequel ils se montrent critiques vis-à-vis de la gestion de la pandémie actuelle.

Marianne : Vous qualifiez la réaction à la Covid-19 de « psychose ». Le virus s’avère pourtant dangereux et très contagieux…

Jean-Loup Bonnamy : Oui, le virus est dangereux. À aucun moment, je n’ai été dans le déni. Et je n’ai jamais cherché à prendre à la légère ou à minimiser l’épidémie, qui est un grave problème de santé publique. Dans mon ouvrage, j’ai même annoncé la possibilité d’une seconde vague et la nécessité d’armer les hôpitaux pour y faire face.

Cependant, plusieurs observations doivent être faites. Premièrement, ce n’est pas parce que le virus constitue un grave problème qu’il faut faire n’importe quoi, perdre son sang-froid et céder à la panique et à la dictature de l’émotion.

Deuxièmement, certes l’épidémie est grave, mais à aucun moment elle n’a atteint une ampleur susceptible de légitimer les mesures extrêmement lourdes que nous avons pourtant prises. En effet, son taux de mortalité est inférieur à 0,5 %. Sur le Charles de Gaulle, le plus grand navire de guerre de la marine française, 1 046 marins furent contaminés : aucun ne mourut. Les médias ont peu mis en avant la moyenne d’âge des morts de la Covid-19 alors que cette donnée était pourtant fondamentale : cette moyenne est de 81 ans en France, chiffre qui correspond à l’espérance de vie française ! En France 50 % des victimes de la Covid ont plus de 84 ans, 80 % plus de 75 ans, 93 % plus de 65 ans. Seulement 0,4 % des victimes ont moins de 45 ans. Sur 55 000 morts de la Covid en France, seuls 28 avaient moins de 30 ans ! 28 sur 55 000 ! Et sur ces 28 malheureux jeunes, presque tous avaient d’autres maladies très graves qui furent à l’origine de leur mort. Par exemple, les médias nous ont parlé de la mort d’un adolescent guyanais de 14 ans, positif à la Covid. Certes, il avait la Covid, mais il avait surtout la fièvre jaune, une maladie tropicale très grave avec un taux de mortalité de 30 % et qui fut en fait la vraie raison de sa mort. La Covid-19 frappant un public très ciblé, il convient donc de prendre des mesures ciblées et non pas des mesures générales.

Si une réaction sanitaire énergique est absolument indispensable face à la Covid-19, la surréaction doit cependant toujours être évitée.

Au-delà du nombre de morts, il y a les systèmes de santé qui ont été au bord de la rupture et les stratégies d’immunité collective ont échoué…

À aucun moment, je n’ai prôné l’immunité collective ou le laisser-faire face au virus. Au contraire, mon but a été de proposer des solutions concrètes et une stratégie sanitaire alternative, plus efficace que le confinement et moins coûteuse.

Pour régler le grave problème de la saturation hospitalière, il n’y a que deux choses à faire. D’une part, augmenter en urgence les capacités hospitalières. Il faut mobiliser l’armée (comme l’ont fait la Suède et la Slovaquie), les cliniques privées, les médecins et infirmiers libéraux, recruter des femmes de ménage (pour décharger les soignants de toutes les tâches non-médicales, comme refaire les lits). Comme le propose le Docteur Kierzek, on pourrait aussi organiser les services différemment: plutôt que de mettre dans une même équipe cinq médecins réanimateurs, éclatons le service en séparant les spécialistes et en plaçant autour d’eux des internes ou des infirmiers non-spécialisés, mais coachés par le réanimateur. On multiplierait ainsi d’autant le nombre d’équipes de réanimation. D’autre part, il faut appliquer le triptyque tester – isoler – traiter. 90 % des personnes en réanimation pour cause de Covid souffrent aussi d’autres pathologies, toujours les mêmes (asthme grave, cancers, diabète, hypertension, maladies cardiaques…) : les personnes à risque doivent donc être identifiées grâce au big data de l’Assurance-maladie et dépistées deux fois par semaine, avec des tests antigéniques (plus rapides et moins chers que les PCR). Comme le disent les médecins, il faut prendre en charge les malades le plus tôt possible, en leur donnant de l’oxygène, de la vitamine D, et si besoin des corticoïdes et des anticoagulants. Cela permet de faire s’effondrer le taux de décès et de passage en réanimation. Et ça peut se faire à domicile ou à l’hôpital, avec un personnel qui n’a pas besoin d’être très formé. Avec une telle méthode, on éviterait le confinement, on sauverait l’économie et surtout on aurait bien moins de morts de la Covid !

Finalement, est-ce que garantir la santé des citoyens n’est pas un élément important du « contrat social » qui lie gouvernants et gouvernés ?

Oui, je suis tout à fait d’accord. L’État doit protéger notre santé. Je serais même prêt à ajouter « quoi qu’il en coûte » pour reprendre la formule du chef de l’État.

Et c’est justement bien parce que l’État doit protéger la santé de ses citoyens que je critique le confinement ! En effet, le confinement risque d’avoir des effets très graves sur notre santé. La santé, ce n’est pas juste la Covid-19 : il faut avoir une vision globale, holistique, de la santé.

Par exemple, deux tiers des adolescents français manquent d’activité physique, ce qui est un problème sanitaire majeur : mais le confinement, l’apologie du « restez chez vous » et la fermeture des clubs et salles de sport ne vont pas arranger les choses.

Les petits commerçants et les restaurateurs ruinés, qui voient s’effondrer l’œuvre de toute une vie, ne vont probablement pas être en bonne santé dans les années à venir. Le premier confinement a déjà jeté un million de Français en plus dans la pauvreté, les bénéficiaires de l’aide alimentaire ont augmenté de 30 % : tous ces gens non plus ne vont pas être en bonne santé. Une épidémie de troubles psychosomatiques, de dépressions et de suicides est à craindre. Si le confinement était un essai médicamenteux, on l’arrêterait tout de suite à cause des effets secondaires terribles ! Il ne s’agit pas d’opposer économie et santé, car les crises économiques dégradent notre santé et tuent aussi ! 1929 l’a prouvé.

La psychose, le confinement et les effets anxiogènes qui en découlent ont eu des effets pervers que nous allons subir sur la longue durée. L’état des personnes atteintes de troubles psychiques s’est souvent dégradé à cause de l’isolement et du climat d’angoisse. D’après Santé Publique France, les taux d’anxiété, de stress, de dépression, de troubles du sommeil, de bouffées délirantes et de conduites addictives ont explosé depuis mars. Les étudiants (privés de petits boulots et de vie sociale) ont vu leur état psychique se dégrader. Le confinement a livré, sans échappatoire, des femmes et des enfants aux violences familiales : les violences conjugales ont ainsi bondi de 30 %, danger sur lequel j’avais alerté dès le début et qui s’est hélas concrétisé.

Des gens ont fait des infarctus la nuit et sont morts chez eux, car le SAMU, saturé d’appels angoissés, ne pouvait plus répondre. Des chimiothérapies et des opérations lourdes ont dû être reportées, ce qui a provoqué des décès. On estime que le retard dans la détection et la prise en charge des cancers pourrait causer jusqu’à 6 000 morts supplémentaires. Des personnes âgées ont été brisées physiquement et psychiquement par le manque d’activité, de sorties et de contacts sociaux. Des services d’addictologie ont dû fermer et des cures de désintoxication furent arrêtées net, laissant retomber les patients dans la drogue ou l’alcool. Des malades atteints d’autres pathologies que la Covid-19 n’ont pas pu se rendre chez un médecin ou à l’hôpital, soit parce que leur cabinet médical habituel avait fermé à cause du confinement, soit par crainte de la contamination.

Surtout, les effets économiques du confinement menacent notre système hospitalier. En effet, c’est l’activité économique qui, grâce à des impôts et à des cotisations, finance notre système hospitalier. Si on contracte l’activité, il y aura moins de rentrées fiscales et sociales et donc moins d’hôpitaux, moins de lits, moins de respirateurs avec des soignants moins nombreux et moins bien payés ! Pour sauver notre système hospitalier et protéger la santé des Français, il faut déconfiner au plus vite !

Partagez-vous le constat d’Olivier Rey qui parle d’ « idolâtrie de la vie » ?

Pas exactement. Selon moi, si le Gouvernement avait vraiment l’idolâtrie de la vie, il ne prendrait pas une décision aussi mortifère que le confinement. Je pense que nous avons surtout été prisonniers d’un effet de focalisation (« l’effet tunnel ») où nous n’avons plus vu que la Covid sans voir les autres aspects du problème. Plus que la vie, il me semble que nos dirigeants ont surtout idolâtré le sacro-saint « principe de précaution » (qui entrave l’action) et cherché à se couvrir et gérer leur risque pénal, paralysés comme ils le sont par la peur du procès dans une société hyper-médiatisée et hyper-judiciarisée.

Le confinement risque-t-il de laisser des traces, notamment en matière de libertés publiques ?

Oui, le confinement risque de laisser de lourdes traces : sociales et économiques, sanitaires, psychiques…

Et l’impact sur les libertés publiques risque d’être lourd puisque les libertés les plus fondamentales, dont l’Occident se prétendait le champion et pour lesquelles nos pères se sont battus, ont été foulées aux pieds sans la moindre hésitation : liberté d’aller et de venir, liberté de réunion, liberté de travailler, liberté religieuse…

Ma crainte est que le confinement fasse jurisprudence et crée un précédent nous rendant moins sensible à de nouvelles pertes de liberté dans l’avenir. C’est pour cela que quand la pandémie sera terminée, il faudra absolument faire le bilan du confinement avec la lucidité la plus implacable, en tirer toutes les leçons, analyser les causes qui ont conduit les autorités françaises à un tel échec stratégique et à des décisions aussi absurdes, coûteuses et liberticides. Le confinement devra être vu comme  une regrettable parenthèse, fruit de notre panique, et pas comme une nouvelle norme à l’aune de laquelle les choses devraient désormais être jugées. Le rétablissement et la sanctuarisation des libertés publiques sont un enjeu majeur du « monde de demain ».

* Renaud Girard et Jean-Loup Bonnamy, Quand la psychose fait dérailler le monde, Gallimard, Coll. « Tract », 48 p., 3,90 euros


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