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SOURCE : L'Humanité
Conditionnalité des aides publiques, contrôle des plans sociaux, rétablissement de la hiérarchie des normes… Les syndicats exigent des mesures pour limiter la casse, alors que 200 000 postes risquent d’être détruits ces prochains mois.
Si 2020 fut l’année des crises, sanitaire et économique, 2021 s’annonce comme celle de leurs conséquences sociales. L’avenir s’assombrit pour les salariés et leurs entreprises qui, jusqu’ici, avaient résisté tant bien que mal grâce aux aides publiques (470 milliards d’euros) et aux dispositifs d’urgence – chômage partiel en tête – qui ont permis de limiter le nombre de licenciements. Les prévisions font craindre le pire. Le premier trimestre sera déterminant et Bercy vient d’annoncer la couleur en révisant à la baisse de ses prévisions de croissance de 8 % à 6 %. « Les faillites d’entreprise vont arriver courant 2021 et pourraient causer jusqu’à 200 000 destructions d’emplois », redoute Bruno Ducoudré, économiste de l’OFCE.
Dans un tel contexte, comment éviter cette troisième vague sociale ? En remettant sur la table « l’éternelle mais primordiale question du partage des richesses », affirme Céline Verzeletti, secrétaire confédérale de la CGT. « Le plan de relance du gouvernement n’est pas à la hauteur. Il faut investir massivement dans les services publics, en débattant à tous les niveaux d’un véritable plan de relance industriel, en donnant plus de droits aux salariés, aux chômeurs et aux retraités », égraine la syndicaliste.
« Négocier nationalement des accords interprofessionnels »
Au fond, résume François Hommeril, président de la CFE-CGC, « l’État et les syndicats sont les seuls à pouvoir agir pour contrer les directions d’entreprise tentées d’abandonner l’activité économique à la maximisation des profits ». Malheureusement, poursuit le syndicaliste, « le ministère du Travail s’est dépouillé de tous ses outils de contrôle, alors que, depuis le mois de septembre, les plans sociaux se multiplient et qu’on soupçonne légitimement de très grandes entreprises de se servir de cette crise pour organiser des restructurations financières ». Un « effet d’aubaine » que dénonce également Yves Veyrier, secrétaire général de FO.
Pour juguler l’hémorragie, Céline Verzeletti insiste sur la nécessité de « négocier nationalement des accords interprofessionnels qui garantissent des droits minimaux pour tous les salariés ». Des accords de plus en plus difficiles à obtenir quand, satisfaisant à la revendication patronale, la loi travail de 2016 puis les ordonnances Macron de 2017 ont consacré le principe d’inversion de la hiérarchie des normes. Depuis, l’accord d’entreprise ou de branche prime sur un Code du travail élagué, aux protections les plus basiques. « Une orientation destructrice », juge François Hommeril, car « la vérité n’est pas dans l’entreprise. Si tel était le cas, toutes les normes, environnementales, techniques ou de sécurité, y seraient négociées. Pourquoi seule la norme sociale devrait être définie à l’échelle de l’entreprise ? »
Les conséquences catastrophiques de la disparition des CHSCT
D’autant plus que, sur le terrain, chômage partiel et télétravail ont affaibli la capacité d’action des syndicats. « Depuis septembre, les plans de sauvegarde de l’emploi s’enchaînent. La possibilité des accords de performances collectives et le chantage à l’emploi qui les accompagne ont placé les élus du personnel dans une situation difficile, mis au pied du mur et fragilisés par la difficulté à mobiliser les salariés en interne »,explique Pascale Gabay, déléguée régionale Île-de-France du cabinet Émergences, qui travaille auprès des élus des comités sociaux et économiques. S’ajoutent à cela la réforme des instances représentatives du personnel et, surtout, la disparition des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) « dont on mesure aujourd’hui les conséquences catastrophiques », note François Hommeril.
« Pour les élus en entreprise, la situation est très complexe. Il y a certes un effet d’aubaine, mais il y a aussi énormément d’entreprises qui font face à de véritables difficultés économiques », analyse Jean-François Lacouture, juriste chez Émergences. « Face à un plan social, soit le diagnostic de la direction est partagé, soit il ne l’est pas, et tout dépend alors de la capacité des syndicats à mobiliser », poursuit ce spécialiste. Mais une chose est certaine, « plus que jamais, les élus ont besoin de connaître la situation économique et d’être armés en cas de plan social, afin d’accompagner ceux qui restent en poste et font face à une augmentation de leur charge de travail et à une dégradation des conditions dans lesquelles ils l’exercent », insiste Jean-François Lacouture.
Donner aux élus du personnel les moyens d’acompagner les salariés
Pour Céline Verzeletti, « la première des mesures à prendre est d’interdire les licenciements dans les entreprises qui ont perçu des aides publiques ». Le gouvernement, qui continue de verser ces sommes sans les conditionner, préfère, lui, opter pour un énième plan de formation à destination des futurs licenciés.
En cours de négociation, l’accord national sur la reconversion professionnelle va dans ce sens. Présenté le 26 octobre 2020 et négocié entre syndicats et patronat, ce dispositif de « transition collective » est censé faciliter la réorientation des salariés menacés vers des métiers dits « porteurs ». Mais, si une formation professionnelle adaptée est une bonne chose, « les transitions collectives ne doivent pas se résumer à accompagner des suppressions de postes », prévient Angeline Barth (1), secrétaire confédérale de la CGT en charge du dossier.