AVANT-PROPOS : les articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » ne représentent pas les positions de notre tendance, mais sont publiés à titre d’information ou pour nourrir les débats d’actualités.
SOURCE : Les crises
Source : Consortium News, Joe Lauria
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
Les électeurs américains devraient avoir leur mot à dire concernant le cabinet avec lequel un candidat à la présidence se propose d’entrer au pouvoir, écrit Joe Lauria.
Savoir de qui un nouveau président ou une nouvelle présidente s’entoure est une question extrêmement importante quant à l’orientation du pays, et pourtant dans le système américain, ce n’est qu’après une élection présidentielle que les électeurs peuvent voir à quoi ressemblera le cabinet d’un nouveau président.
Pour une raison inconnue, le seul nom qu’un candidat à la plus haute fonction est tenu de divulguer est celui du ou de la vice-président.e proposé.e, le poste qui a le moins d’importance dans une nouvelle administration.
Après l’élection d’un nouveau président, débute un jeu bizarre consistant à faire fuiter vers les médias les noms de candidats à des postes de hauts niveaux tels que secrétaire d’État, secrétaire à la défense et conseiller à la sécurité nationale. Il appartient alors aux groupes d’intérêts, aux militants et aux membres du parti vainqueur de faire pression en privé et en public en faveur ou contre ces noms sans aucune certitude de succès.
Le public n’est pas au courant du marchandage à huis clos digne de maquignons qui pourrait être mené dans ces sélections très importantes, et pour lesquelles l’électeur n’a absolument pas son mot à dire.
Ainsi, Michele Flournoy a été largement annoncée comme le choix de Joe Biden pour le poste de secrétaire à la défense. Des groupes progressistes se sont vigoureusement exprimés pour la contrer. Finalement, Biden a choisi l’ancien général Lloyd J. Austin III, membre du conseil d’administration d’un grand entrepreneur militaire. Pourquoi Biden a été conduit à le choisir plutôt que Flournoy reste très mystérieux. La presse a seulement rapporté le fait qu’Austin est afro-américain et que Biden avait déjà nommé plusieurs femmes pour d’autres postes.
Michael Morell, ancien directeur adjoint de la CIA, a été proposé par Biden comme directeur de la CIA, un choix qui a contrarié certains démocrates puissants. Le sénateur Ron Wyden (Démocrate-Oregon), membre de la commission sénatoriale du renseignement, a accusé Morell de faire « l’apologie de la torture » et, avec d’autres membres démocrates, s’oppose à son éventuelle nomination. Pourtant, Tom Vilsack, président – lobbyiste du Conseil américain des exportations de produits laitiers, connu sous le nom de Monsieur Monsanto, a été nommé par Biden au poste de secrétaire à l’agriculture, sans que, jusqu’à maintenant, personne ne bronche.
Uniquement au Sénat
Une fois qu’une nomination est présentée, seul le Sénat, et non les électeurs, est appelé à approuver la plupart de ces postes ( ce n’est cependant pas le cas pour le conseiller à la sécurité nationale, poste très influent).
Comme la plupart des membres du gouvernement choisis au cours des deux dernières décennies se sont révélés avoir été d’anciens fonctionnaires devenus lobbyistes de l’industrie, revenus dans le gouvernement par le système de la porte tambour (habituellement pour soi-disant réglementer une industrie pour laquelle ils venaient de faire pression), il est particulièrement préjudiciable que les électeurs n’aient rien à dire sur cette mascarade dans le système américain.
Les électeurs pourraient en effet être sceptiques quand au choix d’un candidat de nommer des lobbyistes pour diriger des services gouvernementaux affiliés à leurs terrains de lobbying, si seulement ils savaient avant l’élection qui a été choisi par le candidat pour son cabinet. Concrètement, les électeurs peuvent faire leur choix en tenant compte du cabinet d’un candidat sortant, ce qui donne un avantage injuste au challenger.
Exiger d’un démocrate de centre-droit comme Biden qu’il choisisse les membres de son cabinet à l’avance aurait pu le forcer à s’engager en faveur de candidats progressistes afin d’obtenir le vote progressiste. Dans l’état actuel des choses, il a suffi à Biden de laisser la gauche du parti rédiger des chapitres d’un programme électoral sans intérêt et de faire des promesses creuses pour obtenir leurs voix, puis de leur refuser des postes ministériels après l’élection.
Donner aux électeurs leur mot à dire sur la formation du cabinet
Les électeurs américains devraient avoir leur mot à dire sur le cabinet avec lequel un candidat à la présidence se propose d’entrer au pouvoir.
Dans un système parlementaire, le parti qui n’est pas au pouvoir désigne des députés élus comme membres d’un cabinet « fantôme » afin que, lorsque le moment des élections arrive, les électeurs sachent qui occupera les postes les plus importants si l’opposition gagne et forme un nouveau gouvernement.
Un système parlementaire présente deux autres avantages. Il fait le distinguo entre le chef de gouvernement pragmatique et le chef d’État symbolique. Dans le système américain, tout cela est dangereusement associé, donnant à un président américain des attributs monarchiques de pouvoir (tels que le droit de veto et de grâce). Un système parlementaire permet également à des partis mineurs de gagner des sièges et d’avoir leur mot à dire sur le pouvoir.
Mais un système parlementaire aux États-Unis n’est pas une nécessité lorsqu’il s’agit de nommer les membres du cabinet. Les candidats devraient être tenus de divulguer les noms des membres de leur cabinet avant les élections afin que les électeurs puissent prendre une décision.
Non seulement le Sénat, mais la population qui serait alors informée et devrait donner son assentiment. En l’absence de faute criminelle ou manquement éthique grave, un membre du cabinet devrait être tenu de servir au moins deux ans, y compris lors d’un second mandat.
Après tout, les gens ne choisissent pas seulement un président, qui le plus souvent, comme on l’a vu pour Donald Trump, n’est pas pleinement en charge, mais une administration puissante et non élue qui aura une influence sur les décisions qui peuvent déterminer la vie ou la mort aux États-Unis et à l’étranger.
Joe Lauria est rédacteur en chef de Consortium News et ancien correspondant à l’ONU du Wall Street Journal, du Boston Globe et de nombreux autres journaux. Il a été journaliste d’investigation pour le Sunday Times de Londres et a commencé sa carrière professionnelle en tant que pigiste pour le New York Times. Il peut être joint à l’adresse joelauria@consortiumnews.com et suivi sur Twitter @unjoe .
Source : Consortium News, Joe Lauria, 09-12-2020
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises