Inde, Pakistan, question du pouvoir

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SOURCE : Arguments pour la lutte sociale

En Inde, l’épreuve de force du 26 janvier s’est soldée par un match nul, ce qui veut dire en fait une victoire des opprimés, car le piège était là : tenter de limiter la montée en masse sur les lieux du pouvoir à un défilé populaire tout en multipliant les provocations violentes, dont celles du Fort rouge, par laquelle le régime Modi tente depuis plusieurs jours de faire croire à une manipulation des paysans par les extrémistes Sikhs.

Une énorme poussée d’auto-organisation populaire dans tous les États du Nord de l’Inde a barré la route à la répression et à la calomnie, ainsi qu’aux tentatives de divisions communautaires. A Ghazipur, grand campement de centaines de milliers de paysans, Rakesh Tikai, qui apparaît comme l’homme du jour, figure de la volonté populaire d’avoir son propre pouvoir, a réuni une assemblée générale de 100 000 délégués de village et manifestants, et a annoncé aujourd’hui qu’il croit dans « l’Inde des Panchayats », conseils villageois placés sous le contrôle direct des assemblées de la population, contre l’Inde des gouvernants.

Les Panchayats élus en Uttar Pradesh (l’État le plus peuplé du pays, dans la vallée du Gange) et au Pendjab ont commencé à chasser de leur région, par décision collective, les représentant du BJP, le parti au pouvoir lié au capitalisme financier, et des RSS (Rashtriya Swayamsevak Sangh, les milices fascistes du BJP, noyau de ce parti, formés à Mumbai dans la chasse aux musulmans et aux syndicalistes). Les groupes formés par les Panchayats font la chasse aux RSS et délèguent pour aller à Delhi une personne par famille, en assurant l’aide matérielle.

Ils instaurent ainsi, village par village, leur propre loi, en décidant d’interdire le principal parti capitaliste et la principale milice répressive et communautaire. Ce qui doit logiquement forcer, policiers et militaires, à choisir leur camp.

Dans toute la moitié Nord de l’Inde se forment et se réunissent des Panchayats, qui prêtent le serment de ne pas se séparer et de lutter jusqu’à avoir rendu l’Inde au peuple. Ce type de serments, qui de manière justifiée évoquera en France celui du Jeu de Paume, a une histoire : la fois précédente, c’était lors de la lutte pour l’indépendance, pour que le colon anglais quitte l’Inde.

Le pouvoir vacille car il avait espéré « reprendre la main », d’abord mi-janvier par la suspension des lois agraires par la Cour suprême, puis mardi dernier par les provocations et la calomnie, et à chaque fois il a échoué. Cela ne veut pas dire que tout va aller très vite : c’est, comme disait Rosa Luxembourg, l’Achéron qui entre en mouvement, et qui cherche à brasser et à unir les peuples, les castes, les opprimés, les couches les plus diverses d’une nation d’un milliard trois cent millions d’exploités et d’opprimés.

De ce point de vue, comme le suggère notre camarade Jacques Chastaing qui joue le rôle irremplaçable d’accumulateur des informations sur le mouvement réel, la décision de différer la marche sur le parlement, d’abord envisagée pour le 1° février, ne doit pas être prise pour un recul, mais plutôt comme reflétant le besoin d’approfondir et d’étendre le mouvement, qui est en train de devenir de fait un pouvoir alternatif. En quelque sorte, nous sommes ici en 1905 plus qu’en 1917. Mais cette comparaison a elle aussi ses limites : nous sommes en 2021 dans un monde unifié sans précédent, avec une masse « paysanne » qui devient une avant-garde en actes du prolétariat mondial. Il faut apprendre d’elle.

Simultanément, au Pakistan, nous arrivons à la date d’ « ultimatum » des partis d’opposition exigeant le départ du gouvernement. La jeunesse étudiante sort dans la rue en masse depuis une semaine, dans toutes les grandes villes, en même temps que se déroule une vague de grèves de masse (ici, elles sont parties des plus grosses entreprises comme les aciéries, alors qu’en Inde, elles s’étendent par les petites entreprises agro-alimentaires, les transports, le bâtiment et les services publics).

La revendication démocratique du mouvement est le départ de l’armée et des services spéciaux du pouvoir, et ses ennemis directs, équivalents locaux des milices « hindoues » du RSS, sont les nervis islamistes.

Le fait que la question du pouvoir soit soulevée par de larges masses tant en Inde qu’au Pakistan et que, notamment au Pendjab, les mouvements sociaux montent de part et d’autres de la frontière militarisée, est porteur d’avenir pour le présent siècle.

Tous nos lecteurs, toutes celles et tous ceux qui lisent ces lignes avec de telles informations, s’étonnent du silence quasi absolu qui règne dans les médias mondiaux et plus encore dans les médias français. Dans les représentations journalistiques dominantes, un mouvement paysan en Inde est une affaire de pauvres bougres et ne mérite pas qu’on s’y arrête. Quelques islamistes qui brûlent une effigie de Macron ou des heurts à la frontières sino-indienne, ça, pour eux, c’est important, comme s’ils préféraient cultiver la guerre que de parler de chaleur humaine, d’union des opprimés, de rassemblement au grand jour des exploités, de démocratie réelle :  de révolution.

En ce dimanche 31 janvier 2021, le cœur de l’humanité vivante, souffrante et combattante bat avec les assemblée populaire de Ghazipur et de Muzzafarnagat !

31-01-2021, VP, en remerciant JC des éléments ayant servi de matériel à cet article.


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