AVANT-PROPOS : les articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » ne représentent pas les positions de notre tendance, mais sont publiés à titre d’information ou pour nourrir les débats d’actualités.
SOURCE : Lundi matin
Le 4 octobre prochain est organisé le troisième référendum (et le second prévu par les accords de Nouméa) sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie. A cette date, les personnes inscrites sur la « liste électorale spéciale pour la consultation à l’accession à la pleine souveraineté » pourront répondre « oui » ou « non » à la question « Voulez-vous que la Nouvelle Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? »
Lors du référendum de 2018, le « non » n’avait gagné qu’à 56,67 % des voix, ce qui avait été analysé comme une forme de victoire du camp indépendantiste (tant ce scrutin avait fait mentir les sondages). C’est durant cette précédente campagne que Florent Tillon et Hélène Magne ont tourné Nation.s, film qui est projeté en cette rentrée. Le documentaire met en lumière la parole (minoritaire) des indépendantistes qui refusent la participation au référendum et plus globalement à la « politique », perçue comme un produit d’importation et de domination française. Il prétend donner la parole à tous ceux que l’on appelle les « indépendantistes coutumiers traditionnels ».
Pour sa sortie en salle, le film est accompagné d’une tournée qui se veut « en collaboration avec des cercles politisés kanak vivant en France ». Lors de certaines projections le documentaire de Florent Tillon et Hélène Magne a été l’objet de vives critiques.
La polémique a poussé la semaine dernière Rodolphe Gauthier à défendre le film dans ces colonnes. Il réfute d’abord les accusations d’« ingérence » (« le documentaire n’aura jamais, qu’on en rêve ou non, une influence aussi déterminante qu’une politique étatique » ) et de « manque d’objectivité » (« on parle toujours de son point de vue, et la plus rigoureuse abnégation ne nous fera pas sortir de nous-même »). Ensuite il entend démontrer que ce qui est attaqué ici c’est moins le documentaire que « le discours qui s’oppose au pragmatisme économique ».
Cette semaine, c’est un membre de l’« Atelier d’histoire critique » qui met en forme ses critiques à l’encontre de Nation.s (Florent Tillon doit situer sa parole et faire preuve de transparence quant à sa démarche ; par ailleurs il essentialise la coutume visible et fantasme un « retour à la tribu » ; la conjonction des deux produisant un discours hors-sol et « des projections colonialistes et exotisantes ») et qui tente de répondre à l’article de Rodolphe Gauthier (qu’il accuse de simplifier le débat en plaçant les critiques dans le camp des « contempteurs de l’État » et en évacuant « l’historicité des rapports de force qui ont permis aux Kanaks d’arracher ce référendum »).
Loin de nous l’idée de résumer (et donc aplanir) la polémique dans cette déjà trop longue introduction. Nous vous invitons plutôt à lire dans leur intégralité ces articles qui se répondent. Car,comme l’écrivait la semaine dernière Rodolphe Gauthier, ces débats virulents sont « assez révélateurs de ce qui sépare, en France métropolitaine, les différentes sensibilités militantes » – au-delà donc des questions posées par le référendum à venir et par le film d’Hélène Magne et Florent Tillon.
« Les anarcolons sont pour l’autodétermination des peuples anarchistes, écologistes, féministes et globalement gentils » (Teaser).
Le 4 octobre prochain se tiendra la seconde consultation référendaire sur l’indépendance de la Kanaky prévue par les accords de Nouméa (1988) et de Matignon (1998). Ce jour-là, plus de 180 000 personnes inscrites sur « la liste électorale spéciale pour la consultation » seront appelées à se prononcer sur « l’accès à la pleine souveraineté » de ce territoire colonisé par la France depuis 1853. Lors de la dernière consultation, les « loyalistes » (en majorité des Calédoniens blancs qui militent pour un maintien de la Kanaky-Nouvelle Calédonie dans le giron de la France), qui s’attendaient à un raz-de-marée de 70 à 80% en faveur du « Non », l’ont emporté avec un score de 56,7%, nourrissant l’espoir du camp indépendantiste de rattraper son retard. Cette année, comme pour le référendum de 2018, plusieurs associations de soutien à la lutte du peuple kanak se sont mobilisées dans les grandes villes de métropole pour organiser des soirées de sensibilisation et de débats autour de la cause indépendantiste. Crise sanitaire oblige, il a été cette année beaucoup plus difficile d’inviter en métropole des militants indépendantistes kanaks investis dans la campagne référendaire pour qu’ils puissent prendre la parole directement. Aussi, un bon nombre de ces associations ont saisi l’opportunité de la sortie du film Nation.S d’Hélène Magne et de Florent Tillon pour inviter ce dernier et organiser des débats qui se sont souvent avérés manquer leur cible…
L’association « Atelier d’histoire critique », dont je suis membre, et Survie Nord ont par exemple co-organisé mercredi 9 septembre la projection de Nation.S au cinéma l’Univers de Lille. Le film de Florent Tillon (qui est né en Kanaky mais n’y vit plus depuis son adolescence) fait le choix de montrer des militants indépendantistes très minoritaires en Kanaky, opposés au principe même de l’échéance référendaire à venir au nom de l’opposition entre « la coutume », qui doit selon eux régir la vie sociale en Kanaky, et « la politique » importée de métropole et interprétée comme un outil de la domination française. Ce point de vue, bien qu’il fasse totalement l’impasse sur l’actualité des luttes politiques en Kanaky, est évidemment entendable. À condition qu’il soit recontextualisé et mis en dialogue avec d’autres discours. Or, c’est ici que le bât blesse. Car en l’absence de contextualisation (des différents acteurs politiques présents en Kanaky, des enjeux du referendum, de l’état du débat entre les indépendantistes sur notamment les questions liées à l’exploitation du nickel, de l’histoire de la colonisation ; autant d’éléments qui sont totalement absents du film), Florent Tillon et Hélène Magne nous renvoient une image déformée de la scène politique kanak et prennent le risque de tromper le spectateur sur les pistes concrètes d’émancipation actuellement explorées par la majorité des indépendantistes.
À l’issue de la projection lilloise (et il en fut de même dans les autres villes comme à Rennes où des soirées similaires se sont tenues), quelle ne fut pas notre surprise de découvrir un Florent Tillon sur la défensive, affirmant par exemple avoir volontairement couper au montage les meetings du Front de Libération Nationale Kanak et Socialiste (FLNKS), pour faire l’éloge de la coutume et de l’organisation coutumière qu’il énonce comme transposable en métropole. C’est alors que nous nous sommes rendus compte que d’une soirée de solidarité aux luttes kanaks, nous avions basculé dans une soirée autour des fantasmes projetés sur la Kanaky par deux réalisateur-rice-s avançant leur propre agenda.
UN DÉBAT QUI CHANGE D’OBJET
La discussion qui suit n’est pas nouvelle. Elle engage fondamentalement la manière dont les militants Blancs se positionnent par rapport aux luttes décoloniales, à fortiori quand ils entretiennent une distance géographique et sociologique avec la cause qu’ils prétendent défendre.
Depuis la projection lilloise, Florent Tillon a publié des compte-rendus très discutables des débats qui accompagnent la tournée de son film (sur son facebook ou encore dans une interview à Révolution Permanente (1)), caricaturant notamment les différents commentaires qui lui ont été adressés. Sa position a été globalement soutenue par Rodolphe Gauthier (2), contributeur occasionnel de Lundi matin. C’est à ces deux articles que je répondrai principalement, partant du constat que ce qui se joue dans cette histoire est symptomatique d’un opportunisme politique de la part du réalisateur de Nation.S, qui fait bien peu de cas de la cause qu’il prétend soutenir. D’ailleurs, Rodolphe Gauthier pose un constat introductif intéressant dans son article : oui, les débats autour du film Nation.s révèlent deux positions très différentes sur la manière de penser, depuis la métropole, la solidarité aux luttes décoloniales pour l’autodétermination. Seulement, il nous semble que nous ne tenons pas le même bout de la corde.
Dans son article paru le lundi 21 septembre, ce dernier tente de résumer les enjeux qui accompagnent la tournée du film. En réalité, la discussion qu’il entame autour de la notion d’ « objectivité » manque l’essentiel des enjeux qui accompagnent le film. Ainsi, personne n’a jamais reproché au cours du débat à Florent Tillon de manquer d’ « objectivité » (c’est d’ailleurs un argument que beaucoup de monde s’accorderait à trouver bien faible). Les principales questions qui ont été posées au réalisateur à l’issue du film sont au nombre de trois :
— « Quel lien entretiens-tu avec la Kanaky ? » ou pour le dire autrement « Depuis quelle expérience sociale, géographique, raciale et affective t’exprimes-tu sur le sujet de la Kanaky ? » ;
— « Pour qui as-tu réalisé ce film ? ».
En lieu et place d’objectivité, nous avons donc demandé à Florent Tillon qu’il situe sa parole et qu’il fasse preuve de transparence quant à sa démarche. Voilà le genre de « morale du documentaire » (et surtout du documentariste) que nous aurions aimé voir appliquer. Et ce, dans l’objectif bien compris d’éclairer les choix du réalisateur, de la même manière que nous l’exigerions de n’importe quelle prise de parole politique. Or, de transparence, le film Nation.S en manque cruellement, Florent Tillon ayant d’ailleurs le plus grand mal à répondre à ces questions simples.
UN DEGRÉ CERTAIN DE MALHONNÊTETÉ
Dans les comptes-rendus facebook qu’il a rédigé après les projections de Lille et de Rennes, de même que dans l’interview qu’il donne à Révolution Permanente, Florent Tillon laisse entendre que l’association Survie, bien connue pour son engagement contre la politique Françafricaine, aurait un parti pris extractiviste au sujet de l’exploitation des mines de nickel présentes sur la Grande Terre. Il y a de quoi être en colère de voir sa position présentée de manière aussi réductrice (qui est aussi une manœuvre grossière pour maquiller le débat et ses enjeux). La position de Survie est pourtant très clairement exprimée dans l’excellente brochure publiée en juin dernier (et qui elle, pour le coup, mérite de la publicité) intitulée « Vers l’indépendance de Kanaky-Nouvelle Calédonie, éviter les pièges de la Françafrique (3) » ainsi que dans un post facebook de Marie Bazin, membre de la commission Kanaky, publié le 17 septembre : « notre place n’est pas de dire au peuple kanak ce qu’il doit faire, mais plutôt de se questionner sur notre rôle en tant que Français. » Rien d’autre.
De la même manière, Rodolphe Gauthier tronque la parole des contradicteurs de Florent Tillon quand il écrit : « les contempteurs de l’État acceptent docilement ce que l’État impose, mais critiquent avec violence celles et ceux qui ne l’acceptent », en laissant entendre qu’il s’agirait pour nous de critiquer la parole des indépendantistes opposés au référendum. Personne, encore une fois, n’a tenu ce genre de discours lors du débat à Lille ; c’est l’auteur qui extrapole car il refuse de comprendre notre position. Ce dernier fait par ailleurs montre d’une bien faible connaissance historique des « Evènements » et des accords de 1988 et de 1998 qui s’en suivirent pour oser écrire que ce référendum a été « imposé » par l’État français. Plus fondamentalement, et de manière beaucoup plus grave, le seul fait d’évacuer l’historicité des rapports de force qui ont permis aux Kanaks d’arracher ce référendum (en forçant par exemple le gouvernement français à en constitutionnaliser le principe et l’échéance) pose éminemment problème venant d’une plume qui se proclame révolutionnaire.
EFFACER LES KANAKS POUR FAIRE PASSER L’ARNAQUE
Lors de la projection du 9 septembre, nous avions également pris la peine -et cela s’est avéré heureux- d’inviter M. François-Eïra Karé, ex-militant FLNKS durant les « événements » en Kanaky (4), et syndicaliste CNT. Etonnament, Rodolphe Gauthier ne mentionne pas le moins du monde sa présence dans son article. La première réaction de M. Karé fut de préciser de suite que ce que montre le film est totalement « hors-champ » par rapport aux acteurs qui animent la vie politique en Kanaky.
Deuxième critique, le discours présenté par les deux principaux protagonistes du film étaient en son sens « essentialisés » (ça non plus, Rodolphe Gauthier n’en parle pas). Essentialisés pour deux raisons : 1- parce que Charles Haudra et Wahopie Macane s’expriment en dehors du lieu social et géographique qui les unissent à leur tribu d’origine et que le discours tenu sur la coutume est par là même réinterprété par ces deux protagonistes très peu représentatifs de ce qui est pratiqué sur place 2- et qui répondent vraisemblablement aux attentes du réalisateur (qui, à plusieurs reprises dans le film, laisse apparaître que c’est lui qui oriente la discussion et/ou devance certains de leurs propos). Les propos de M. Karé ont fourni une clé de lecture décisive à la compréhension de ce documentaire. Mais que vaut la parole d’un Kanak qui a participé aux événements, qui a appartenu au FLNKS et qui connaît les acteurs qui figurent dans le film, à côté de notre prêt-à-penser pseudo anarchiste, prêt à l’emploi ? Sous à un énième compte-rendu de soirée douteux publié sur Facebook par Florent Tillon, François Karé précisait par ailleurs ceci (nous le citons avec son accord) :
« La complexité de la société et la civilisation Kanak et de son combat ne peut pas se résumer aux discours essentialistes de tes principaux protagonistes (Charles Haudra, Wahopie Macane) et encore moins à vouloir instaurer une dichotomie artificielle entre le politique et la coutume. Le politique et la coutume (et on peut rajouter la dimension religieuse) sont intrinsèquement liées. De passer de l’un à l’autre est un passage obligatoire dans l’histoire de la lutte du peuple Kanak. J’aimerais que ce documentaire ne soit pas une caricature, ce qui explique ma présence à la ferme Lachaud, Montreuil-sous-bois, Lille et la ZAD pour apporter du contexte, une certaine complexité et souligner les écueils des discours essentialistes où les senteurs de l’exotisme nuisent à la compréhension des enjeux ».
En fait, le processus d’essentialisation de la coutume visible dans le film de Florent Tillon est doublé d’un second processus de réification de la coutume kanak, au service d’une pensée métropolitaine en manque de spiritualité et qui fantasme un « retour à la tribu ». Cela serait d’ailleurs, selon Tillon, l’alpha et l’omega de « ce qui se pratique aussi sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes ». Tout se passe comme si la distance entre la métropole et la colonie permettait de dire tout et n’importe quoi au sujet de la Kanaky, d’y projeter ses fantasmes politiques, et d’ériger deux acteurs choisis arbitrairement comme représentatifs de quelque chose en action.
Autre remarque : la manière d’éviter la retranscription de la complexité et de la conflictualité politique qui existe en Kanaky est non seulement imputable à un travail incomplet, mais également à une psychée colonialiste, figeant, chez Tillon, les Kanaks dans leurs coutumes. Comme si la société kanak n’était pas traversée elle-aussi par les questions existentielles posées par la modernité capitaliste. Comme si elle n’était pas, elle aussi, contrainte de se poser des questions stratégiques quant à la viabilité de son projet d’indépendance dans un monde structuré, qu’on le veuille ou non, par des États et un capitalisme mondialisé. Ce n’est pas être un « contempteur de l’État » que de dire ça. C’est simplement arrêter de contempler les problèmes de loin.
Sur ce point, il est impossible de résister à l’envie de retourner l’exposé de Rodolphe Gauthier sur « la théorie de la réception » en introduction de son article pour Lundi matin. En l’occurrence, il faut aller très loin dans la projection de ses propres préoccupations « radicales » pour déceler dans Nation.S l’emprunte de Brecht, Marx, de la théorie critique de la valeur, de la psychogéographie des situationnistes, et même de Césaire et Fanon (sans doute glissés ici pour faire mine de se placer sous les auspices de la pensée décoloniale, alors qu’aucune citation ni référence d’ouvrage n’accompagne la mention de leurs noms).
A BAS LES « ÉCOLONIALISTES » !
D’ailleurs, pourquoi Florent Tillon ne montre-t-il pas les travailleurs de la mine dans son film ? Pourquoi évacue-t-il le FLNKS ? Pourquoi évacue-t-il la complexité et la conflictualité ? Sans doute parce qu’il pense avoir trouvé la solution aux problèmes que vivent les Kanaks. Et c’est bien ça le problème : dans son film d’abord, et dans ses publications récentes davantage encore, Tillon ne parle pas de la situation des Kanaks ni des choix stratégiques épineux qu’ils ont à faire. Il parle de lui et de son projet de révolution pour la Kanaky (et par extension la ZAD). Estimant par exemple à voix haute lors du débat lillois que les meetings organisés par le FLNKS sont « chiants » et peu dignes d’être montrés à l’écran, il s’estime légitime à nous parler de sa Kanaky idéale et à montrer la voie -abstraite- de l’émancipation à une population qu’il ne connaît pourtant pas et pour un territoire dans lequel il ne vit pas.
L’article de Lundi matin ouvre un débat sur l’emploi du terme « ingérence », que l’auteur trouve inutilisable dans ce contexte, en nous précisant que Florent Tillon n’a pas de pouvoir d’ingérence à son échelle. Nous pensons le contraire car nous pensons que les relations entre des Blancs vivant en métropole et une population colonisée depuis un siècle et demi sont traversées par des rapports de pouvoir qu’on le veuille ou non. Évidemment, Florent Tillon ne va pas faire débarquer une armée en Kanaky pour empêcher les méchants « nationalistes-extractivites Kanaks » (sic.) d’exploiter les ressources de leur sous-sol. Le pouvoir dont il est question ici ne se situe pas au niveau de Kouchner, ni des États. Mais quand un descendant de colon et vivant en métropole depuis plusieurs décennies, explique à un colonisé ce qu’il doit faire pour s’émanciper, on est en droit de parler d’ingérence, et on a raison d’ignorer son avis. Affirmer haut et fort que les Kanaks qui veulent continuer à exploiter le nickel pour se fabriquer des téléphones portables sont des « cons » comme l’a fait le réalisateur de Nation.S, c’est également de l’ingérence. Et c’est d’ailleurs la seule chose à laquelle puisse amener un discours hors-sol (on revient ici à l’exigence de situer sa parole). Dans sa croisade anti-technologique, Florent Tillon imagine-t-il par exemple la nécessité pour la diaspora kanak, éclatée à travers le Pacifique et entre la Kanaky et la métropole, de pouvoir continuer à communiquer ? Où cela mènera-t-il, comme il l’a écrit, à faire condamner les Kanaks dans le futur pour « écocide » ? De toute évidence, Florent Tillion s’inscrit dans cette démarche écolonialiste qui reproduit sous une forme renouvelée la pensée moralisatrice et civilisatrice des colons occidentaux.
UNE TEMPÊTE DANS UN VERRE D’EAU ?
Dénoncer la tentation de dicter un agenda aux Kanaks est de la plus impérieuse nécessité. Nos discussions internes à l’issue de la séance lilloise ont tourné autour de ce constat : « nous n’avons presque pas parlé du réferendum ». Florent Tillon a, de fait, occupé tout l’espace du débat de nos réseaux militants, et nous avons parlé, à travers le film de ses préoccupations à lui. Nation.s n’est pas un film sur le référendum, il occulte même l’actualité (déjà peu présente en métropole) de l’indépendance de la Kanaky. Il est le reflet des projections colonialistes et exotisantes de son réalisateur (et à travers lui d’une partie de la gauche à prétention radicale), l’instrumentalisation d’une parole et d’une actualité pour nourrir une philosophie en manque de profondeur spirituelle.
Si d’aventure un troisième référendum d’autodétermination de la Kanaly devait avoir lieu d’ici 2022, alors il faut que l’abcés soit vite percé. Rodolphe Gauthier a raison sur ce point : ce film révèle deux manières radicalement opposées de s’engager en faveur de l’indépendance de la Kanaky. En métropole, dans les réseaux militants de soutien à la Kanaky, il y a ceux qui veulent soutenir les luttes kanaks « en solidarité » et ceux qui veulent faire faire et faire dire aux Kanaks ce qu’ils fantasment pour eux-mêmes. Nous ne sommes pas de ces derniers.
Nicolas, membre de l’Atelier d’histoire critique.
Notes
(1) https://www.revolutionpermanente.fr/Film-Nation-s-Kanaky-et-referendum. Il s’agit sur le papier d’une interview croisée, mais à la lecture on se rend compte que Tillon fait 80% des réponses.
(2) https://lundi.am/Nouvelle-Caledonie-Le-referendum-sur-l-independance-de-la-Kanaky
(4) On nomme « Événements » la période qui suit l’insurrection kanak de 1984 et qui opposa partisans et opposants à l’indépendance de la Kanaky-Nouvelle Calédonie entre 1984 et 1988. À l’origine, l’action du FLNKS vise à désarmer les Caldoches qui tiraient sur les Kanaks. Cette période est marquée par la mise en place de l’état d’urgence, une présence renforcée des forces militaires françaises etla prise d’otages d’Ouvéa de 1988 qui force alors le gouvernement à signer les accords de Matignon le 26 juin 1988.