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SOURCE : Libération
La crise a des conséquences désastreuses pour les plus précaires. Un dispositif d’urgence devrait être mis en place, estime un collectif de syndicats et d’associations : de la gratuité des masques à la réquisition des logements habitables pour les sans-abris et les mal-logés.
Tribune. L’urgence sanitaire et la nécessité de freiner autant que possible les contagions sont des enjeux majeurs. Les hôpitaux publics, les soignant·es, sont déjà sous une grande pression. Nous dénonçons les défaillances graves du gouvernement, qui nous ont menés à une telle situation. L’instauration d’un couvre-feu depuis le 17 octobre dans certaines villes de France, et étendu ensuite, pose grandement la question quant à la capacité du gouvernement à gérer la crise sanitaire.
En outre, celle-ci a des conséquences particulièrement nocives pour les plus précaires, a engendré une explosion de la pauvreté, creusé les inégalités. C’est pourquoi nous lançons un appel pour des mesures d’urgence sur les plans sanitaire et social.
Pour une baisse des loyers, une hausse des APL
Nous réclamons en premier lieu : la gratuité des masques, l’ouverture de nombreux lits en réanimation dans les hôpitaux publics, la création des 400 000 emplois pérennes supplémentaires nécessaires y compris dans le médico-social et l’action sociale, et une hausse bien plus conséquente des salaires des soignant·e·s et de ces personnels, une revalorisation massive de l’ensemble des minimas sociaux et des aides sociales pour sortir de la pauvreté les millions de personnes qui sont par ailleurs les plus touchées par le virus, la multiplication des moyens de transport permettant une réelle distanciation physique, l’allocation des moyens nécessaires aux écoles et universités pour qu’elles puissent assurer la protection sanitaire et l’accès de tou·te·s les élèves aux connaissances, la revalorisation salariale pour toutes et tous, et des moyens pour renforcer et étendre les services publics de manière pérenne au-delà des situations de crises, l’abandon définitif de la réforme de l’assurance chômage, pour les sans-abri et les mal-logés la réquisition des logements habitables à la place des hébergements et logements surpeuplés et parfois contaminés par le Covid-19, le retrait des amendements anti-squat de logements vacants, et pour les locataires la baisse des loyers, la hausse des APL, un moratoire sur les impayés et les expulsions.
Le choix de ce gouvernement, relayé par le Medef et qui est imposé, c’est celui d’une primauté à faire «tourner» l’économie : l’ensemble de la population doit donc travailler, consommer, aller dans les transports communs… sans que soient réellement interrogés les impacts sur la santé des millions de travailleur·euses et de leurs familles.
Or les cas de contamination sont légion dans la sphère professionnelle, dans les universités et dans les écoles, et les transports, particulièrement en Ile-de-France, souvent bondés sont très probablement eux aussi des vecteurs importants du virus. Comment expliquer alors cette mesure de couvre-feu de 21 heures à 6 heures du matin autrement que comme une limitation des temps et des espaces où faire société ?
Ce couvre-feu renvoie au vocable de guerre et au contrôle de la population. Il s’ajoute à la remise en place de l’état d’urgence, pourtant critiqué par la Défenseure des Droits, et qui donne des pouvoirs exorbitants aux préfets et à l’Etat, hors contrôle démocratique.
Par ce couvre-feu, lui aussi décidé sans débat démocratique réel, sans les acteurs·trices du mouvement social, on sacrifie notamment les travailleur·euses de la culture déjà souvent précaires, des bars et des restaurants, les travailleur·euses sans papiers et probablement sans autorisations de travailler pendant le couvre-feu. Les jeunes qui financent leurs études par le baby-sitting, ou les emplois de restauration de nuit sont aussi laissé·e·s pour compte, alors que les aides financières pour les jeunes restent très ciblées et que le RSA n’est toujours pas alloué aux moins de 25 ans… Les sans-abri, et squatteur·euse·s, les personnes migrantes sont encore une fois de plus «criminalisé·e·s» tandis qu’aucune réquisition de logements habitables n’est décidée.
La crise doit être un moment de «rupture»
D’autant que les choix économiques sont faits non pas pour l’ensemble des travailleur·euses, mais davantage pour le maintien de taux de profits des grandes entreprises qui continuent à supprimer des dizaines de milliers d’emplois en France et à l’étranger et à distribuer des dividendes.
D’autres choix de société sont possibles et même nécessaires afin de limiter la multiplication et la diffusion de telles pandémies. Les directions imposées, notamment sur le modèle agricole et alimentaire, toujours plus industrialisé, mondialisé et nocif à la biodiversité, ne sont pas pour rien dans cette zoonose et dans ses effets sur les populations de la planète entière.
Cette crise sanitaire doit, dans la lignée des mesures portées par nos organisations, être un moment de «rupture», non pas pour nos libertés, mais pour engager une transformation sociale et écologique profonde en France et à travers la planète. Elle doit être aussi l’occasion d’une information large et précise sur la situation, d’un débat public et d’une participation étroite des différentes sphères de la société, dont les syndicats et associations, aux décisions. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.
Ensemble, nous nous mobiliserons pour dénoncer la gestion désastreuse de la crise par le gouvernement et imposer d’autres choix de société.
Signataires : la CGT, la FSU, l’Union syndicale solidaires, l’Unef, l’UNL, Attac, Action Aid France, la Confédération paysanne, la Convergence nationale des collectifs de défense et de développement des services publics, Fondation Copernic, le DAL, Emmaüs France.