Au royaume de la CGT, de Jean-Bernard Gervais

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SOURCE : NPA

Robert Pelletier
Hebdo L’Anticapitaliste – 555 (11/02/2021)

Éditions Michalon, 288 pages, 19 euros.

Jean-Bernard Gervais, fort de son engagement syndical et de ses compétences en matière journalistique, décide en 2017 de se faire embaucher au service communication de la CGT, espérant ainsi être au cœur de l’activité de la confédération et de son secrétaire général Philippe Martinez.

Incompétence et défense des intérêts de boutique

Il va rapidement de désillusions en désillusions dans un milieu où se mélangent incompétence et défense des intérêts de boutique, voire personnels. Son récit illustre, parfois avec férocité, les dérives bureaucratiques qui sont le quotidien au sommet de l’appareil CGT. Les affichages antisexiste, antiracistes, parfois difficilement partagés par l’ensemble des militantEs, ne traversent en tout cas manifestement pas la totalité du corps militant constitué par les 200 personnes dont 50 conseillers et cinq cadres qui travaillent au siège de la confédération, à Montreuil. Le droit du travail, les droits des salariéEs y sont tout aussi malmenés que dans une entreprise ordinaire. Au total, une désorganisation du travail et une ambiance qui contribuent, à leur mesure, aux difficultés de la confédération dans sa capacité à mobiliser contre les politiques patronales et gouvernementales. Des mimétismes du fonctionnement des grandes entreprises ou de l’appareil d’État qui relèvent d’une certaine adaptation aux objectifs et aux pratiques des uns et des autres.

Ces constats pourraient s’étendre largement au-delà du bâtiment confédéral. Dans de nombre de fédérations, d’unions départementales, d’unions locales voire dans de grands syndicats, les dérives politiques, les dérapages comportementaux mettent en grande difficulté la grande majorité des militantEs qui considèrent que la CGT reste le meilleur instrument de lutte contre le capitalisme d’aujourd’hui.

Un livre qui joue son rôle

Le rôle et les motivations de Martinez sont maladroitement placés au centre du livre (dont le titre lui-même n’éclaire pas sur son contenu) par son sous-titre (« la résistible ascension de Philippe Martinez). Son arrivée au sommet de l’appareil est principalement due à sa capacité à préserver les équilibres instables entre les différents appareils fédéraux, départementaux, les différents courants politiques (le plus souvent encore issus du PCF) plus ou moins déstalinisés où l’anti-gauchisme le dispute souvent à l’anti-réformisme à la mode CFDT ou Parti socialiste. Ce qui n’invalide pas totalement les dimensions personnelles évoquées par Jean-Baptiste Gervais.

D’autres thèmes comme la place du syndicalisme cadre (UGICT-CGT) dans les orientations de la confédération ou la « responsabilité » de la CGT dans les échecs des différentes mobilisations des dernières années mériteraient d’être plus amplement documentés et discutés.
Au total, un livre qui peut agacer par l’utilisation de pseudonymes qui ne seront décryptés que par les « fins connaisseurs » (comme on dit dans le Monde) de la CGT, quelques caractérisations psycho-physique peu amènes notamment de femmes (psychorigide…) ou l’abus d’utilisation des surnoms de Martinez. Mais un livre qui joue son rôle dans la mise dans le domaine public de pratiques, de fonctionnements qui n’ont rien à voir avec ce qu’on pourrait attendre d’une organisation supposée porter, encourager les mobilisations des salariéEs dans leurs diversités sociale, de genre, géographique, politique.


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