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SOURCE : Mondafrique
Dans un essai fort pertinent -Les (néo)Frères musulmans et le nouvel esprit capitaliste. Entre rigorisme moral, cryptocapitalisme et anticapitalisme-, le spécialiste des frères Musulmans, Haoues Seniguer, revient sur les fort bonnes relations que le courant islamiste entretient avec le capitalisme.
Voici l’Introduction de cet ouvrage
Après la vague de soulèvements populaires dans une partie du monde arabe à partir de la fin de l’année 2010 et du début de l’année 2011, notamment au Maroc, en Tunisie, en Libye, en Égypte, en Syrie, au Yémen et à Bahreïn, à l’issue desquels des élections se sont généralement tenues, ce sont souvent des formations dites islamistes qui ont emporté la victoire, fût-ce à la majorité relative. L’arrivée au pouvoir d’islamistes légalistes, en particulier au Maroc, en Tunisie et en Égypte, n’a pas donné lieu au Grand Soir. Bien au contraire, conservateurs et rigoristes sur le plan moral, ils se sont révélés plus que jamais – après quelques semaines, mois et années – de grands conformistes sur le plan économique et de la doxa capitalistique.
Des logiques très libérales
Nous avions fait observer dès octobre 2012 que le parti islamiste marocain, Justice et Développement, arrivé en tête des élections législatives « post-printemps » du 25 novembre 2011 et appelé à former un gouvernement sous la houlette d’Abdelillah Benkirane, n’avait introduit aucun infléchissement notable des logiques libérales et néolibérales à l’œuvre dans le Royaume depuis de longues années. Le Premier ministre islamiste d’alors exhortant les Marocains à invoquer Dieu pour s’extirper du chômage et retrouver le chemin de l’emploi[1] !
Même chose en Tunisie où Ennahda, en dehors de déclarations en faveur d’une « économie sociale libre », n’a également en rien chamboulé l’ordre des choses libéral, voire néolibéral, qui avait cours sous le mandat du président déchu, Zine al-Abidine Ben Ali (1987-2011).
Changer les acteurs, non le jeu
Le chercheur Edward Webb dit du mouvement islamiste tunisien qu’il visa en fait à « changer l’acteur et non le jeu[2] », notamment économique, dès le moment où le parti a été associé à l’action de l’État. Quant à l’Égypte, le politiste Gilbert Achcar soulignait à propos des Frères musulmans, dans la courte période où ils ont dirigé l’État et le gouvernement (2012-2013), qu’ils donnaient dans un « capitalisme extrême[3] », avec des penchants néolibéraux encore plus marqués que sous la présidence déchue de Hosni Moubarak (1981-2011). Ainsi, l’islamisme en pratique est une espèce d’alliage entre pouvoir, religion publique (la contrainte sociale en plus) et Capital.
Qu’en est-il de la France où évoluent certains de leurs amis, « camarades » (déçus ou comblés), sympathisants et autres thuriféraires patentés ? Ces derniers ont-ils, compte tenu d’un contexte différent, des options divergentes, plus ou moins singulières, sur le capitalisme ? C’est ce que se propose d’analyser cet ouvrage à travers la présentation de quelques personnalités qui font entendre publiquement leur voix depuis une position ouvertement attachée à l’islam.
[1] <https://www.youtube.com/watch?v=w6-UWyDOsiI> et <https://www.yabiladi.com/articles/details/10712/insolite-benkirane-conseille-chomeurs-prier.html>.
[2] <https://www.airuniversity.af.edu/Portals/10/ASPJ_French/journals_F/Volume-05_Issue-1/Webb_f.pdf>.
[3] <https://www.pressegauche.org/Le-capitalisme-extreme-des-freres-musulmans>.
Les (néo)Frères musulmans et le nouvel esprit capitaliste. Entre rigorisme moral, cryptocapitalisme et anticapitalisme, Lormont, Le Bord de l’eau, 2020
L’auteur est maître de conférences en science politique à Sciences Po Lyon, chercheur au laboratoire Triangle, UMR 5206 Lyon, directeur adjoint de l’Institut d’études de l’islam et des sociétés du monde musulman (IISMM), UMS 2000, CNRS, EHESS, Paris