AVANT-PROPOS : les articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » ne représentent pas les positions de notre tendance, mais sont publiés à titre d’information ou pour nourrir les débats d’actualités.
SOURCE : Blog de Benoît Borrits
Face à la crise sanitaire et économique et pour garantir les salaires, Emmanuel Macron autorise les entreprises à ne pas payer les cotisations sociales en mars et renforce les indemnités de chômage partiel. C’est oublier que les cotisations sociales sont du salaire, notamment celui des personnels de santé. Un discours économiquement irréel qui ouvre la voie à de nouvelles restrictions budgétaires.
La pandémie du virus covid-19 fait suite à des mois de contestation sociale de la part des personnels hospitaliers contre la gestion libérale de la santé, une gestion dans laquelle la contrainte budgétaire gouvernementale est reine en lieu et place d’une élaboration d’un budget en fonction des besoins qui auraient été exprimés conjointement par les personnels et les citoyen.nes. Faire face à cette épidémie n’est pas sans conséquence sur l’économie et nécessite donc la garantie des salaires. Lors de son allocution télévisée du jeudi 12 mars, Emmanuel Macron a indiqué que l’État ferait tout pour que les entreprises et les salariés aient le moins à souffrir de cette situation et à ce titre, autorise les entreprises à suspendre le paiement des cotisations sociales fin mars et renforce les mesures d’indemnisation du chômage partiel.
La cotisation sociale, c’est du salaire
La majeure partie du personnel médical faisait face à une pénurie de moyens avant cette crise. Elle se demande aujourd’hui comment elle va pouvoir la gérer. Des médecins ont ainsi pointé le manque de masques de protection pour recevoir les patients. On s’interroge sur le nombre de lits qui seront disponibles. Paradoxalement, la première chose que fait le gouvernement est de suspendre le paiement des cotisations sociales qui fournissent des moyens financiers au service public de la santé et participent au financement de l’indemnisation du chômage partiel : « Toutes les entreprises qui le souhaitent pourront reporter sans justification, sans formalité, sans pénalité, le paiement des cotisations et impôts dus en mars. Nous travaillerons ensuite sur les mesures nécessaires ou d’annulation ou de rééchelonnement. » Bien sûr, le discours présidentiel nous indique que l’État sera présent mais nous ne vivons pas dans une économie magique : l’État ne peut fournir des moyens que si l’économie marchande apporte sa contribution au fonctionnement du non-marchand et la première chose que fait ce gouvernement est de saper ce principe essentiel.
On comprend évidemment qu’il faille garantir les salaires mais cela ne peut se faire en suspendant les cotisations sociales car celles-ci sont du salaire. Lorsqu’une entreprise paye ses cotisations sociales, elle paye entre autres les salaires des travailleur.ses du secteur non marchand et notamment ceux des services de santé. En suspendant le paiement des cotisations sociales, le gouvernement réduit les moyens qui sont affectés à la santé publique et va, une fois de plus, à l’encontre des personnels médicaux.
On comprend qu’il faille éviter des faillites d’entreprises qui peuvent entraîner un effet domino de dépôts de bilan en cascade. Mais plutôt que de faire intervenir un État qui va indemniser le chômage partiel des entreprises, ne devrait-on pas organiser la solidarité entre les entreprises : que celles qui ont les moyens de payer parce que leur activité n’est pas ou peu affectée par cette crise contribuent envers celles qui sont en difficulté ? Comment cet État pourra-t-il relancer l’économie après avoir financé le chômage partiel et des services de santé moins couverts par des cotisations sociales ? Comme il l’a fait dans le passé : en redemandant de nouvelles coupes dans les budgets sociaux. On n’ose y croire… et c’est sans doute ce qui se prépare en filigrane.
Pour la socialisation du salaire
Organiser la solidarité entre les entreprises est la seule réponse qui vaille dans cette crise plutôt que de recourir à la magie d’un État qui se substitue dans un premier temps à l’économie réelle pour se faire demain et à nouveau l’apôtre de mesures budgétaires « inévitables » qui iront contre une économie tournée vers les besoins réels de la population. Organiser la solidarité entre les entreprises, c’est mettre en œuvre la proposition de péréquation du revenu disponible. Il s’agit de mutualiser tous les mois un pourcentage (30 %, 50 %, plus ?) de la richesse créée par les entreprises pour la redistribuer en fonction du nombre de personnes présentes dans chaque entreprise. Il s’agit de déconnecter partiellement le revenu disponible de l’entreprise de la valeur ajoutée qu’elle produit pour payer salaires et cotisations : si l’entreprise va bien, elle sera alors contributrice nette et aidera les autres ; inversement, elle recevra de l’argent de ses homologues pour passer un cap difficile. Posons-nous simplement cette question : plutôt que de recourir à un État qui préservera les entreprises qui font du profit et dont la magie s’arrêtera lorsqu’il déclarera qu’il ne peut pas tout, ne devrions nous pas mettre tout de suite à contribution les entreprises qui peuvent payer ?
C’est bien sûr une autre économie qui se profile, une économie qui ne fonctionne plus sur le règne du profit. Une économie qui assure à toutes et à tous un salaire quelles que soient les vicissitudes et les aléas de l’économie, une économie qui donnera enfin le pouvoir dans les entreprises aux salarié.es. Si ces salarié.es de la santé avaient eu le pouvoir de décider en commun avec les usagers et les citoyen.nes des moyens à mettre en œuvre et des budgets correspondants à allouer, nous serions largement moins inquiets face à la crise sanitaire qui s’annonce…
En Chine, la crise sanitaire de ces deux derniers mois a considérablement baissé les niveaux de pollution et d’émissions de gaz à effet de serre1). Cette crise sanitaire portera inévitablement atteinte à cette sacro-sainte croissance essentielle pour le capitalisme. Ne pourrait-elle pas être un tournant salvateur pour une autre économie, une économie démocratique dans laquelle salarié.es et citoyen.nes détermineront ensemble ce qu’il faut produire et comment, de façon à conserver une planète viable pour les générations à venir ?