Article publié sur le site internet du NPA
Le Parlement discute (en effectifs réduits) jeudi et vendredi le « plan d’urgence » du gouvernement, qui se compose principalement de deux textes : une loi d’urgence qui habilite le gouvernement à prendre des ordonnances durant toute la période de la crise et une loi de finance rectificative :
– L’Assemblée discutait jeudi de la la loi de finance rectificative, et aujourd’hui vendredi de la loi d’urgence ;
– Pour le Sénat, c’est l’inverse : discussion jeudi de la loi d’urgence (seuls deux sénateurs… de droite s’y sont opposés1, nous y reviendrons dans un prochain article) et vendredi de la loi de finance rectificative.
Une loi de finances 100% au service du patronat
La loi de finances rectificative2 concerne le volet financier du plan d’urgence. Elle s’appuie sur de nouvelles prévisions économiques : le gouvernement anticipe pour 2020 une baisse du PIB de 1% (ce qui semble beaucoup trop optimiste…) et un déficit public revu en nette hausse (-3,9% du PIB contre -2,2% prévu initialement).
La loi prévoit un plan d’aide de 45 milliards au patronat :
– 35 milliards de report de cotisations et impôts : 12 milliards au titre de l’impôt sur les sociétés, 1 milliard au titre de la taxe sur les salaires, et 21,5 milliards au titre des cotisations sociales. Officiellement, il s’agit d’un « report » (qui devrait donc être neutre sur le déficit public), mais cela pourrait se transformer rapidement en annulation vue l’ampleur de la crise ;
– 8,5 milliards au titre du financement du chômage technique par les administrations publiques. Ce n’est pas une mesure en faveur des salarié.e.s, mais en faveur des patrons : les salarié.e.s ne toucheront que 84% de leur salaire net, alors que les patrons ne paieront rien : tout sera pris en charge (dans la limite de 4,5 Smic) par les administrations publiques (alors que jusqu’à présent l’État ne prenait en charge les salaires qu’à hauteur du Smic) ;
– 1 milliard au titre du fonds de solidarité pour les entreprises, qui distribuera des aides pour les petites entreprises.
Le gouvernement prévoit en outre de garantir 300 milliards de prêts aux entreprises. Autrement dit, l’État paiera les remboursements des prêts que les entreprises qui feront faillite ne pourront pas rembourser. Cela coûtera cher à l’État car nul doute que des entreprises feront faillite…
Parallèlement, le gouvernement ne prévoit que 2 milliards de dépenses additionnelles de santé. Ce sont des miettes vue l’ampleur de la crise sanitaire, et le gouvernement n’a aucune intention de revaloriser les soignant.e.s ! Darmanin a d’ailleurs oser déclarer : « la meilleure prime que l’on peut donner au personnel soignant, c’est de respecter les gestes barrières ». Le cynisme de ces ordures est sans limite.
Par ailleurs, aucune mesures financières ne sont prises pour les salarié.e.s ! Pire, le projet de loi d’urgence habilitant le gouvernement à agir par ordonnances prévoit de suspendre le droit du travail… mais nous y reviendrons dans un prochain article.
L’union nationale à l’assemblée pour soutenir le gouvernement
De façon honteuse, l’ensemble des députés ont voté comme un seul homme la loi de finances rectificative. Bruno Le Maire s’est immédiatement félicité de ce vote historique et unanime. Autrement dit, les députés de « gauche », notamment ceux de la France insoumise et du PCF, ont voté cette loi abjecte. Pourtant, leurs amendements ont été balayés, ils ont défendu leur programme habituel… mais au final ils se sont ralliés au texte gouvernemental ! Nous assistons donc, en actes, à l’impasse totale du réformisme.
En fait, depuis l’intervention de Macron jeudi 12 mars qui a appelé à l’union nationale, ils sont rentrés dans le rang. Le 12 mars3, Mélenchon décrétait que le temps n’était pas « celui de la polémique ». Alors que le gouvernement a totalement failli dans la gestion de la crise sanitaire, l’opposition de gauche fait bloc derrière lui !
Cette capitulation honteuse est lourde de conséquences. Elle renforce le gouvernement alors que celui-ci devrait être sévèrement combattu, plus que jamais. Toutes les belles paroles de l’opposition ne sauraient cacher la réalité des actes.
Comment comprendre la faillite politique de la gauche antilibérale ?
S’indigner est salutaire mais ne suffit pas, il faut aussi comprendre la situation pour pouvoir mener une politique de combat efficace. Lors d’une grande crise, les gouvernements bourgeois ne peuvent faire qu’une chose : mobiliser l’argent public pour venir au secours des capitalistes, pour éviter des faillites en cascade et un effondrement économique. Tous les gouvernements bourgeois font cela, y compris les gouvernements de « gauche », comme celui auquel participe les antilibéraux de Podemos en Espagne. Un gouvernement qui accepte de gouverner dans le cadre du capitalisme doit soutenir les capitalistes. Les recettes antilibérales sont alors renvoyées à des jours meilleurs… ce qui montre toute l’imposture des antilibéraux qui prétendent qu’une autre politique est possible dans le cadre du capitalisme !
Le scénario qui se dessine est le même que lors de la crise de 2008-2009 : dans un premier temps, les gouvernements viennent au secours des entreprises. Dans un second temps, ils font payer l’addition aux travailleurs/euses. Sauf que cette fois-ci, compte tenu de l’ampleur de la crise, l’addition sera beaucoup plus salée et rapide pour les travailleurs/euses. Toute sortie de crise, dans le cadre du capitalisme, passe une dévalorisation du capital variable (une baisse du prix de la force de travail) : c’est pourquoi le programme des antilibéraux est une impasse, qui vole en éclat lorsque la crise éclate !
Il faut donc s’attendre à des attaques majeures contre notre classe : destruction du code de travail, remise en cause de nos congés, allongement du temps de travail, baisse des salaires. La seule alternative à ce scénario catastrophe est la rupture avec le système capitaliste. Cela passe par l’expropriation des capitalistes, et la mise en place d’un nouveau mode de production, dirigée par les travailleurs/ses et tournée vers la satisfaction des besoins sociaux !
C’est dès maintenant qu’il faut réfléchir à un projet communiste de sortie de crise ! Le temps presse, la barbarie arrive et nous sommes plus désorganisés que jamais…..
Stop à l’union nationale ! Unité du mouvement ouvrier contre le plan d’urgence du gouvernement !
Dans un document interne, la direction de la CGT écrit : « Nous alertons l’ensemble des camarades des organisations sur l’extrême dangerosité de la loi qui va être adoptée au parlement et qui laisse la porte ouverte à tous les excès en matière principalement de dérogations au Code du travail ». C’est tout à fait vrai, mais cette parole ne doit pas rester interne. Il est urgent que le mouvement ouvrier redresse la tête, sorte de l’union nationale, et s’adresse publiquement au monde du travail.
Nous nous adressons à l’ensemble des organisations du mouvement ouvrier, aux militant.e.s syndicaux/ales.e., aux militants de la France insoumise, du PCF, etc. : opposons nous ensemble au plan d’urgence du gouvernement ! Ne laissons pas le gouvernement piétiner nos droits et arroser le patronat !
Gaston Lefranc