Vivant en Chine depuis Août 2019, et étant un débutant en chinois mandarin, vous trouverez dans ce document surtout les événements que j’ai pu noter ou les informations qu’une camarade chinoise a collectées et m’a transmises.
Fin décembre, les habitants du district de Huairou (怀柔区, Huáiróu Qū), une subdivision de la municipalité de Pékin (北京市 Běijīng Shì), située à 60km au Nord de cette dernière, en zone rurale, reçoivent un message les prévenant d’éviter tout contact avec les animaux sauvages, de nombreux chiens et chats errants vivant ici, en raison d’une possible épidémie d’origine animale qui semblait alors se déclarer dans la ville de Wuhan, province de Hubei.
Pendant plusieurs semaines, le gouvernement de la ville de Wuhan s’est entêté, malgré les avertissements de plusieurs médecins, à minimiser dans un premier temps l’existence même de ce nouveau virus, puis la gravité des symptômes, comme peut en témoigner le document consultable dans ce lien, traduit du chinois, relatant les débuts de l’épidémie et le traitement réservé aux médecins qui ont tenté d’alerter les autorités, puis la population.
Pour vous remettre dans le contexte, à la période où l’épidémie commence à prendre de l’ampleur, c’est le nouvel an chinois, ou nouvel an lunaire. À cette période de l’année, les habitants des grandes villes partent dans leurs familles pour les visiter. C’est l’équivalent, en termes d’importance culturel, de la période de Noël en Europe. Les villes se vident, les campagnes se remplissent, et les chinois se mettent en mouvement pour rejoindre les différentes provinces du territoire chinois.
C’est une des raisons pouvant expliquer l’hésitation du gouvernement chinois quant à la mise en place de mesures de restriction des déplacements. La mesure aurait été extrêmement impopulaire.
Le 23 Janvier, après que l’état de l’épidémie dans la ville de Wuhan (武汉市, wǔhàn shì) dans la province de Hubei (湖北省, húběi shěng) ait atteint des proportions réellement inquiétantes, le gouvernement Chinois ordonne aux différentes administrations chinoises la mise en place de contrôles aux abords des gares, aéroports, ports, et toute zone qui leur paraîtra pertinente de contrôler.
Le 24 Janvier, la municipalité de Pékin met en place des mesures de contrôles plus strictes. On voit alors se mettre en place la fermeture des accès aux communautés, où seul un portail par résidence sera ouvert. Des points de contrôles de la température sont mis en place à l’entrée de chaque résidence, et la consigne est donnée que la priorité est de surveiller les habitants du Wuhan revenus à Pékin. Les administrateurs sont autorisés à utiliser les données du réseau pour s’assurer que la quarantaine de 14 jours imposée aux personnes revenant à Pékin est observée.
Le 26 Janvier, toutes les voies de communication reliant Wuhan et le reste de la Chine sont coupées. La ville de Wuhan est en quarantaine.
Le 27 Janvier, les autorités renforcent les mesures concernant les personnes âgées admises dans les hôpitaux, les visites sont interdites. C’est également à cette période que la municipalité de Pékin demande aux travailleurs pouvant adopter le télétravail d’adopter cette conduite. Les services publics tels que l’approvisionnement en eau, le chauffage et l’alimentation électrique, les unités de gestion des transports publics urbains et les supermarchés, les dépanneurs et autres services indispensables doivent opérer normalement et ne peuvent suspendre leurs activités sans autorisation préalable.
Le 28 Janvier, 10 jours après le début de l’épidémie, on dénombre 2.835 cas. A ce stade, le port du masque a été rendu obligatoire, les habitants sont invités à rester chez eux le plus possible, à se laver les mains précautionneusement ainsi qu’à surveiller l’apparition de premiers symptômes, à éviter les activités de groupes et les fêtes, et à se tenir éloignés des animaux. Toute personne arrivant à Pékin devra observer une quarantaine de 14 jours à domicile, en rapportant leur température corporelle matin et soir aux autorités en charge de leur quarantaine (hôtel, ou communauté).Les employeurs ont pour ordre de dissuader les travailleurs étrangers, rentrés dans leur pays pour les fêtes du nouvel an, de revenir en Chine.
Les chantiers de constructions sont mis en pause, à l’exception de certains projets précis, jugés prioritaire (construction d’hôpitaux, maintenance des infrastructures de transport, et).
La désinfection et la ventilation quotidienne des transports en communs est mise en place.
Les marchés d’animaux sauvages sont interdits.
Le 29 Janvier, la décision est prise que le 9 Février, les chantiers d’importance nationale et municipale pourront reprendre. Le personnel présent sur les chantiers fera l’objet d’un contrôle quotidien de la température corporelle, et un responsable de l’hygiène sera présent en permanence sur les chantiers afin de s’assurer du respect des règles de sécurité. La fréquence de la désinfection et de la ventilation des espaces de travail sur les chantiers est augmentée.
Le 30 Janvier, a lieu la mise en place de campagnes de communication via WeChat, une application mobile combinant service de messagerie, de paiement et de réseau social, et sur les panneaux d’affichages électroniques comme papiers.
Le 2 Février, de nouvelles mesures restrictives sont prises à l’entrée des résidences. Les personnes extérieures à la résidence ne peuvent plus entrer, ceci inclut les services postaux, ainsi que les services de livraison de plats à emporter. Les résidents devront aller chercher les livraisons à l’entrée de la communauté.
Remarque : Les services de restauration à emporter sont considérés comme essentiels en Chine car tous les travailleurs chinois n’ont pas accès à une cuisine chez eux, même dans une ville comme Pékin, et qu’un plat coûte entre 1€20 et 2€ pour des plats ordinaires, livraison comprise. Gardez bien en tête que le contexte est très différent du contexte français sur cet aspect-là.
Le 10 Février, les mesures de contrôle des entrées et sorties des communautés sont renforcées. La mise en place de cartes d’entrées, et d’enregistrements des véhicules autorisés à passer les portes des communautés sont désormais obligatoires. Toute personne ou véhicule non-enregistrés feront l’objet d’un refus concernant l’entrée dans la résidence, sauf circonstance exceptionnelle.
Toute personne qui refuse de se soumettre aux mesures de quarantaine dans le cadre d’un retour à Pékin engage sa responsabilité pénale et fera l’objet d’une enquête judiciaire. Le non-respect de la quarantaine devient un délit.
Le 12 Février, le ministère de l’éducation émet un document annonçant que les écoles ne pourront pas rouvrir, malgré la fin des vacances du Nouvel An. Désormais, les cours seront délivrés en ligne, l’accès aux plateformes d’apprentissage en ligne est rendu gratuit. Des cours sont diffusés sur les chaînes nationales et locales.
Le 01 Mars, les taxis ne sont plus autorisés à travailler, et les services de covoiturage sont interrompus.
Le 07 Mars, de nouvelles mesures sont prises concernant les travailleurs immigrés qui voudraient revenir en Chine. Les autorités chinoises demandent un historique des allées et venues des travailleurs étrangers revenus en Chine, sur les 14 jours précédant leur arrivée, afin de procéder à une évaluation des risques au cas par cas
Le 15 Mars, suite à la forte propagation du virus hors du territoires chinois, la Chine décide que les étrangers entrant en Chine feront désormais l’objet d’une quarantaine systématique, à leurs propres frais (400 yuans par jour de quarantaine), de 14 jours. Des exceptions à ce régime existent, notamment pour les familles comptant un mineur de moins de 14 ans. Celles-ci, si leur communauté donne leur accord, pourront effectuer leur quarantaine à domicile.
La crise n’est toujours pas terminée ici. Je suis moi-même actuellement en quarantaine, ayant fait le choix de laisser entrer mes colocataires dans l’appartement pour leur éviter des difficultés financières, sachant qu’ils viennent d’une ville où aucun cas de coronavirus ne s’est déclaré. En effet, si certaines villes ont offert des aides à leurs habitants pour payer les loyers durant cette épidémie, ce n’est pas le cas de la ville de Pékin. Jusqu’au 5 arvil, nous devons envoyer notre température corporelle, matin et soir, sur un groupe de discussion WeChat, mis en place par les responsables administratifs de la communauté. Si nous présentons les signes d’une fièvre, une ambulance viendra nous chercher pour nous emmener à l’hôpital le plus proche. Nous effectuons nos courses en lignes et un volontaire de la communauté est en charge de nous les ramener depuis l’entrée de la résidence jusqu’à notre porte. Tout contact direct étant interdit, ils déposent les courses à l’entrée, sonnent, attendent une réponse de notre part et nous somme autorisés à récupérer la livraison une fois qu’ils sont partis. Il en va de même pour les livraisons de colis (nous avons dû commander des thermomètres).
Durant cette période nos téléphones sont géolocalisés, si nous quittons la résidence, nous engageons notre responsabilité pénale et devrons faire l’objet d’un jugement.
Mon université nous a totalement interdit l’accès aux laboratoires depuis le début de la crise, en raison de la présence de la climatisation centralisée. La date avancée par nos administrateurs pour une reprise du travail dans les laboratoires est le 4 mai 2020, sans aucune certitude. Tout étudiant qui entre dans les laboratoires sans une autorisation express d’un des directeurs de recherche, engage alors sa responsabilité.
Les élèves vivant dans les dortoirs des universités sont confinés depuis le début de l’épidémie dans leurs chambres. Les conditions de vie dans les dortoirs n’étant pas très confortables, certains étudiants font face à des problèmes de santé mentale dû à l’enfermement, la proximité, et le manque d’activité physique. Ce genre de dérives est en grande partie dû au fait que si un cas se déclarait au sein des dortoirs, l’Etat fait reposer la responsabilité entièrement sur les administrateurs en charge de la gestion de la vie étudiante sur le campus.
Finalement, ce qu’on peut retenir, en bref, de la mise en place de ces mesures prise en Chine face à l’épidémie, c’est la mise en pause de toutes les activités économiques non-nécessaires, ou dont la mise à l’arrêt ne représentait pas un danger, une très grande restriction des libertés des personnes habitant sur le territoire Chinois, une surveillance accrue par l’intermédiaires des applications de messageries et des réseaux sociaux, tel que WeChat, la pratique de tests systématiques et de traitement de tous les patients atteints du CoViD-2019, la mise en quarantaine systématique, pour 14 jours, de toute personne ayant voyagé en Chine ou arrivant depuis l’étranger. Le report de l’entière responsabilité de nouveaux cas se déclarant dans les zones contrôlées par une administration sur les administrateurs eux-mêmes entraîne des dérives pouvant nuire non seulement à la liberté des individus mais également à leur santé physique et mentale.
Bai Jinghao avec l’aide de Lan Lan