Les Grands de la planète, le coronavirus et nous. Épisode 1 : Jair Bolsonaro, un corona-négationniste obstiné et criminel

La pandémie de coronavirus apparaît comme un puissant révélateur de la réalité de ce monde, ouvrant les yeux à des millions d’individus. Elle accélère tendanciellement la prise de conscience de ce qu’est réellement cette société capitaliste dans laquelle vivent 7,8 milliards d’êtres humains. Mais la lumière dans les esprits se fait à des rythmes différenciés selon les pays. Une raison majeure de ces différences tient aux réactions variées des chefs d’État et de gouvernement face à la pandémie. Cela inclut leur capacité à saisir la gravité de la situation, ou au contraire leur choix de la nier ; l’énergie mise à adopter un ensemble de mesures cohérentes et montrant une certaine efficacité, ou au contraire leur passivité, leurs hésitations, ou leurs choix erronés, avec leurs lots de conséquences sanitaires, humaines et politiques ; et cela concerne aussi leur stratégie de communication, de nature à susciter le respect et l’implication des populations, ou provoquant au contraire la raillerie, la colère, la haine… A ce niveau, il existe toute une palette de situations. Mais ces facteurs subjectifs doivent aussi être perçus dans leurs interactions avec la situation objective des différents pays abordés : leur puissance ou leur faiblesse économique ; la robustesse ou la fragilité des structures sanitaires ; ainsi qu’avec des contextes politiques et sociaux différenciés.

Cette série d’articles vise à saisir ce qui se passe ailleurs qu’en France et à en tirer des leçons. Les premiers traitent chacun d’un pays et de son/sa dirigeant.e. Les leaders et territoires sélectionnés jouent tous un rôle politique et/ou économique important1 dans le « concert des nations » – quel concert funèbre et atterrant que celui auquel on assiste aujourd’hui ! Ces articles par pays sont suivis de plusieurs autres, cherchant à tirer des bilans et des conclusions politiques, et permettant de dessiner en pointillés une stratégie et une politique opposées à la logique capitaliste qui, partout, sous différentes formes, prévaut.


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De la même façon que le terme de climato-sceptique, presque toujours utilisé en un sens erroné et trompeur, devrait être remplacé par celui de climato-négationniste, il serait faux de parler de corona-scepticisme, lorsqu’il s’agit de désigner des leaders politiques qui nient l’évidence – non seulement celle apportée par la science, mais aussi, dans le cas de l’actuelle pandémie, par la réalité concrète et souvent tragique vécue par des millions de personnes de par le monde2 –, et le terme de corona-négationnisme est mieux adapté à cette catégorie politicienne.

Corona-négationnisme

Le président brésilien se rattache à la catégorie des corona-négationnistes, et dans ce cadre, nous verrons qu’il représente probablement le nec plus ultra en matière d’abjection. Jair Bolsonaro est assurément un fasciste dans l’âme et il cherche à imposer la tyrannie de ses rêves à ce pays de 217 millions d’habitants. Toutefois, dans l’accomplissement de l’horreur à laquelle il aspire, il se heurte pour l’instant à de nombreux obstacles. Bolsonaro est souvent perçu comme une espèce de Trump brésilien, et il est certain que ces deux individus sont sur la même longueur d’ondes sur de nombreux sujets, à cette nuance près que Trump3 sert plus de mentor à Bolsonaro que l’inverse. Il faudrait peut-être aussi ajouter que les monstruosités déversées par la bouche ou le portable du président brésilien sont probablement plus haineuses, plus extrêmes et plus constantes que celles de son homologue yankee, pourtant loin de jouer petit bras dans ce domaine ! Mais il est surtout vrai que, contrairement à Trump qui est plutôt du genre rusé-pervers, Bolsonaro est – et cela apparaît très largement aujourd’hui – un président d’une consternante bêtise. Cette stupidité est d’ailleurs un des ingrédients essentiels de son croissant isolement, comme nous le verrons.

La pandémie vient perturber un agenda présidentiel chargé…

Pour commencer, tentons de comprendre la réaction de Bolsonaro à propos du coronavirus. L’arrivée de la pandémie au Brésil le trouve très occupé à ses « nobles tâches » sur la scène politique et sociale brésilienne. Sans prétendre à l’exhaustivité, notons en vrac que le président brésilien et ses proches – tous des nostalgiques assumés de la dictature militaire – sont alors occupés à remettre en cause les principes de la constitution de 19884, qui les gêne, en particulier lorsqu’il s’agit de sauver les fils Bolsonaro, très compromis dans divers affaires, dont l’enquête concernant l’assassinat de Marielle Franco5. Mais à cette même période, le clan Bolsonaro s’attelle aussi à mener la guerre contre les pauvres de Rio de Janeiro6 ; à harceler le journaliste nord-américain Glenn Greenwald, un peu trop curieux selon l’exécutif brésilien7 ; à “gérer” les références à Goebbels du ministre de la culture, Roberto Alvim, finalement limogé8 ; et à mener une offensive généralisée contre la population autochtone du Brésil9. Ce début d’année 2020 est dominé par la « guerre institutionnelle », entre autres à propos de questions budgétaires, menée par l’Exécutif contre toutes les autres institutions (Législatif, Judiciaire, et les dirigeant.e.s des Etats fédérés, notamment), un conflit qui use de plus en plus le capital politique du gouvernement auprès de sa base. Et cette « guerre » approfondit les fissures internes au gouvernement lui-même. C’est dans ce contexte édifiant que le 13 mars, la question de la pandémie va prendre publiquement de l’ampleur au Brésil. Jusqu’alors, le Covid-19 avait été présenté en haut lieu comme une « petite crise »10, et comme « beaucoup de fantasmes » propagés par « les grands médias » dans le monde entier11. Il y a toujours un fond conspirationniste dans le discours bolsonariste.

Le 13 mars, l’épidémie a déjà officiellement touché 77 personnes au Brésil (un chiffre bien sûr très sous-estimé), affectant plus particulièrement São Paulo12. Jair Bolsonaro, fidèle à ses habitudes provocatrices, « commente » d’un bras d’honneur à destination de journalistes le résultat annoncé négatif de son propre test de dépistage du Covid-19. En effet, la rumeur avait commencé à circuler, selon laquelle le président brésilien aurait lui-même été atteint par le virus dont il s’était acharné à nier la gravité. Profitant de cette occasion pour jeter le soupçon sur l’ensemble des avertissements médiatiques concernant les dangers de l’épidémie, il envoie un message sur les réseaux sociaux : « NE CROYEZ PAS LES MEDIAS FAKE NEWS ! »13. Un comble, quand on sait que l’élection de Bolsonaro à la présidentielle de 2018 a été due pour une large part à un flot quasi-ininterrompu de fake news envoyées par son équipe de campagne sur les réseaux sociaux!

Petits échanges viraux entre présidents corona-négationnistes ?

Mais l’affaire est plus compliquée qu’il n’y paraît. Un très sérieux doute plane depuis peu sur l’état de santé du bipède présidentiel. En effet, son propre fils, Eduardo Bolsonaro, avait d’abord confirmé en off à Fox News – une chaîne ultra-conservatrice d’ordinaire appréciée du clan présidentiel – les rumeurs déjà galopantes au Brésil, selon lesquelles son président de père avait été testé positif au coronavirus, avant que le 3e fils Bolsonaro ne se rétracte et dise que le test de papa était négatif14. Cela intervient après un séjour du président Bolsonaro, entouré d’une équipe de conseillers, à Mar-a-Lago, du 7 au 11 mars, à l’invitation de Donald Trump. Juste à la suite de cette petite rencontre entre amis, on apprend officiellement que Fabio Weingarten, chef du service de communication de Bolsonaro et membre de la délégation en Floride, avait été testé positif au Covid-19. On apprendra même que, « dans la délégation de 64 personnes, 25 sont testées positives »15. Mazette ! On en vient alors à se demander : quid des deux présidents, Trump et Bolsonaro ? À ce moment, ce dernier se met à souffler le chaud et le froid (au moins au sens figuré !). Il a l’air de prendre l’épidémie au sérieux, effectue une prise de sang, puis apparaît, dans deux vidéos envoyées sur les réseaux sociaux, comme ayant changé de ton sur l’épidémie. Sur la première vidéo, il transpire, semble malade et fiévreux. Sur la seconde, il déclare à travers un masque : « Nous devons éviter qu’il y ait une explosion des personnes infectées, parce que les hôpitaux ne seraient pas capables d’accueillir autant de gens »16. Il va même jusqu’à appeler ses supporters à reporter des manifestations en sa faveur prévues le dimanche 15 mars.

Que penser de tout ceci ? Une première explication serait que ce qu’Eduardo Bolsonaro a dit en off à Fox News était vrai, et qu’il s’est fait taper sur les doigts par son papa mécontent, d’où son changement de discours. À l’appui de cette explication, on peut mettre en avant le fait que jusqu’à la date d’aujourd’hui, le document médical commentant les résultats du test présidentiel au Covid-19 n’a jamais été publié. Pourquoi, s’il est négatif17 ? Mais beaucoup penchent pour une autre explication et font l’analyse que Bolsonaro a voulu piéger les médias avec lesquels il est en conflit permanent, en montrant leur propension à divulguer des fake news18. Lui et ses supporters les plus fanatiques ont envoyé une avalanche d’insultes à « l’extrême-presse », accusée de vouloir « détruire le nouveau Brésil »19. Voilà ce qui, finalement, semble alors préoccuper le plus le locataire du palais de l’Alvorada20 et son clan, souvent affublés du terme de “sociopathes” par des opposant.e.s. Une façon, aussi, de mobiliser sa base fasciste. Il se confirme que cette dernière est d’ailleurs la seule cible de communication du président. Et la suite va montrer qu’il n’a pas réellement compris la nature de la pandémie… c’est le moins qu’on puisse dire !

Délires anticommunistes… et totale impréparation

Autre caractéristique, assez baroque, du délire présidentiel, relayé et « enrichi » par son entourage rapproché et ses supporters fanatisés : le fait de voir derrière toute information, y compris scientifique, la main d’opposants politiques, et tout particulièrement du communisme,, qui serait à l’origine de la gravité de la situation. Le pouvoir brésilien recycle les billevesées de Donald Trump21 et les lieutenants bolsonaristes vont plus loin encore dans l’expression d’un pur délire fasciste : un procureur influent sur les réseaux sociaux affirme ainsi que le «“comuna-virus” est bien plus dangereux que le coronavirus » ; un député laisse entendre que « l’OMS aurait requalifié le coronavirus comme une pandémie visant à empêcher la tenue d’une manifestation en soutien à la politique de Bolsonaro »22, prévue juste après cela, le dimanche 15 mars. Rien que cela !

Le 14 mars, le gouvernement affiche une totale impréparation au traitement de la pandémie, tant sur le plan sanitaire que sur un plan plus général. Le ministre ultralibéral de l’Économie, Paulo Guedes, continue à ânonner des contrevérités selon lesquelles les réformes néolibérales en cours seraient de nature à dégager des liquidités permettant de lutter contre l’épidémie… Mais il n’a aucun plan ni projet à court terme. Rien. Seul le ministre de la Santé Luiz Henrique Mandetta semble avoir perçu la gravité de l’heure : il tente de mobiliser 5000 médecins dans le pays, et il crée 1000 places dans les services d’urgence… Tandis que le congrès brésilien devrait mobiliser 1 milliard d’euros pour la lutte contre le Covid-1923. Tout cela est bien trop peu, évidemment. Précisons ici que, le Brésil étant un État fédéral, les gouverneurs des États fédérés disposent de plus d’autonomie, et certains d’entre eux prennent des mesures plus énergiques et plus restrictives, notamment de confinement. Mais leur efficacité dépend forcément d’un soutien de l’État fédéral, soutien refusé par l’exécutif central bolsonariste. À ce stade, toutes les personnes un peu compétentes et sérieuses s’attendent à voir rapidement s’abattre une catastrophe sanitaire, renforcée par la totale incurie présidentielle.

15 mars : des manifestations fascistes dans plusieurs grandes villes

Le 15 mars, alors que le pays compte 200 cas confirmés de Covid-19, les manifestations prévues en soutien à Bolsonaro se tiennent finalement, contre les mises en garde du corps médical, contre les instructions du ministère de la Santé, et contre les interdictions prises par les autorités au niveau des municipalités et des États fédérés – par exemple, dans l’État de Rio de Janeiro, le gouverneur a publié un décret interdisant les rassemblements. Malgré tout cela, des cortèges de plusieurs centaines voire quelques milliers de personnes, à Rio, à São Paulo, à Brasilia et ailleurs, viennent braver les interdits et l’épidémie.

Les manifs en vert et jaune24 mobilisent le ban et l’arrière-ban de l’extrême-droite, et on peut notamment entendre des orateurs ignares qui fulminent contre le « mensonge » que serait selon eux la pandémie de coronavirus25. La colère est surtout dirigée contre le STF26 et le parlement, avec lesquels Bolsonaro est en conflit ouvert, et les supporters de Bolsonaro accusent les parlementaires de mettre des bâtons dans les roues du président, notamment au plan budgétaire. À noter que dans la diarrhée verbale des soutiens de Bolsonaro, on trouve très fréquemment une opposition entre les parlementaires, perçu.e.s comme tou.te.s corrompu.e.s et comme si toutes leurs décisions n’émanaient que de leur seule volonté de préserver la corruption qui leur fait mener la belle vie, et l’exécutif – au premier rang duquel Bolsonaro – présenté comme par nature vertueux et désireux de « nettoyer » toute la pourriture existant dans le pays. Les fanatiques défilent en réclamant un coup d’État militaire et des mesures aussi progressistes que la mise en œuvre de l’AI-527. À l’origine, c’est le général extrémiste Augusto Heleno, « ministre-chef du cabinet de la sécurité institutionnelle »28 qui avait lancé l’idée de faire descendre dans la rue les Brésiliens qui soutiennent le président, et ce dernier s’était laissé convaincre et en avait popularisé l’idée.

Bain de foule présidentiel

Trois jours auparavant – on l’a vu – Bolsonaro a appelé ses partisans à reporter ces manifestations, mais les organisateurs persistent et… finalement, le président « donne l’exemple ». Il va à la rencontre de ses supporters à Brasilia : il serre des mains ; il prend des selfies avec la foule29 près du palais présidentiel ; sans porter de masque, il déclare sa flamme à ses fans : « ce que vous faites n’a pas de prix ». Bref, un bain de foule, autrement dit tout le contraire de l’isolement que lui a recommandé le ministère de la santé, après son exposition au Covid-19 lors du voyage en Floride.

Cette attitude irresponsable choque et révolte énormément de Brésilien.ne.s. Une vidéo qui semble avoir été largement partagée donne la parole à une soignante dans le couloir d’un hôpital fédéral de Rio. Celle-ci exprime son indignation et celle de ses collègues face à la « posture » prise par le président, qui a « donné priorité à sa participation à des activités qui n’auraient pas dû avoir lieu en ce moment », alors que la situation dans les hôpitaux « est déjà chaotique », que les équipes soignantes font déjà face à une « surcharge de travail », et cela dans un contexte de « dévalorisation professionnelle » et pour des « salaires qui n’ont pas reçu le moindre réajustement depuis trois ans, même pour tenir compte de l’inflation » ; et elle termine en exigeant « du respect, du sérieux et du professionnalisme » de la part du président. Mais celui-ci a déjà largement montré sa propension à témoigner du contraire de tout cela. Et il va continuer…

Rôle et puissance des Églises évangéliques

Mais pour mieux cerner la situation, il faut aussi saisir l’ambiance très particulière qui règne dans le camp, devenu minoritaire, de Bolsonaro. Parmi les soutiens les plus acharnés à ce dernier, on trouve les sectes protestantes qui, dans les dernières décennies, ont gagné énormément d’influence dans le pays30. Or des pasteurs néo-pentecôtistes se font entendre, qui prétendent qu’il n’y a pas d’épidémie, qu’il s’agit d’une grippe que Dieu va guérir chez les fidèles… La toxicité obscurantiste de ces personnages est manifeste, et contribue à renforcer les attitudes irresponsables au sein de l’exécutif et dans sa base politique à travers le pays. Certains pasteurs refusent de fermer les portes de leurs églises malgré les ordres de confinement pris au niveau des États. Dans son temple d’un quartier populaire du nord de Rio, Silas Malafaia, le très médiatique chef d’une des plus grandes Églises évangéliques du Brésil31, déclare ainsi à des centaines de fidèles, le 14 mars : « Notre église va garder ses portes ouvertes ! L’église doit rester l’ultime bastion de l’espérance du peuple ! »32 ; le même prédicateur appelle à « ne pas entrer dans une névrose folle »33, et mise sur la prière pour faire face à la maladie. Malafaia n’est pas un cas isolé, et le lobby évangéliste est très puissant au Brésil, notamment au parlement. 195 députés de cette obédience (38% de la Chambre basse) ont appelé les autorités à laisser les temples ouverts, déclarant : « La foi est une grande alliée dans ce grave moment pour la nation : nous ne pouvons pas la limiter »34.

Quatre mois sans salaire…

Une semaine après l’épisode du bain de foule, Bolsonaro s’illustre à nouveau par sa volonté de mettre en place une mesure qui en dit long sur sa grande considération pour le monde du travail ! Mais là, la pilule ne passera pas… Le dimanche 22 mars, il annonce une mesure importante, qui est publiée au journal officiel dès le soir même… puis annulée le lendemain, lundi 23 dans l’après-midi, par le même Bolsonaro. Qu’est-ce encore que cette farce présidentielle, se demande-t-on ? Le chef de l’exécutif a simplement décidé d’offrir aux patrons la possibilité de suspendre les contrats de travail pendant quatre mois… sans que les salaires ne soient payés ! Évidemment, cela a provoqué un tollé immédiat. Face à une telle réaction, et comme pour expliciter sa « bienveillance », Bolsonaro explique dans les réseaux sociaux le 23 au matin que plutôt qu’il y ait des licenciements, « le gouvernement va aider pendant les quatre prochains mois, jusqu’au retour à la normale des activités de l’établissement, sans qu’il y ait licenciement de l’employé »35.

Immédiatement, un début de coordination intersyndicale s’est mis en place, et le rejet est catégorique. Weller Gonçalves, président du syndicat des métallurgistes de São José dos Campos, déclare à la Globo : « Imaginez rester quatre mois sans salaire dans la situation actuelle. De plus, si le travailleur n’accepte pas cette décision, il pourra être licencié. Nous rejetons cette mesure provisoire qui passe par-dessus les conventions collectives et qui n’était même pas négociée »36. Pour Ricardo Patah, président de l’UGT37, « cette mesure va faire des millions de chômeurs et il sera impossible de récupérer la structure qu’avaient les entreprises »38. Même le très réactionnaire Rodrigo Maia, président de la chambre des députés, ne veut pas de cette mesure. Bolsonaro, un président bête et méchant ? Plutôt méchant et bête, en ce cas : il adopte d’abord une mesure infâme, avant de reculer en se rendant compte que personne ne la défendra. Résultat : le nom du chef de l’État résonne de plus en plus fort dans les concerts de casseroles des confiné.e.s chaque soir : « Fora Bolsonaro ! »39.

23 mars : la « grippette » a déjà fait 25 morts officiellement

Le sombre guignol du Planalto n’en a pas fini avec les tours et les détours. Alors que les perspectives économiques du pays sont celles d’une récession40, le président brésilien se remet à parler, à propos du Covid-19, d’une « grippette ». Son gourou – Bolsonaro et son clan sont sous l’influence d’un gourou, en la personne d’Olavo de Carvalho, un essayiste notamment passionné d’astrologie – déclare, quant à lui, que la pandémie « n’existe tout simplement pas » et il y voit « la plus vaste manipulation de l’opinion publique de toute l’histoire humaine ». Une inexistence qui, en ce 23 mars, a quand même déjà conduit à 1669 cas officiellement recensés et causé 25 mort.e.s41. À cette période, les sondages sont déjà très défavorables à Bolsonaro : seules 35% des personnes interrogées pensent qu’il agit correctement face à la pandémie, contre 54% pour les exécutifs des États fédérés et 55% pour le ministère de la Santé42.

Au soir du 24 mars, tandis que le Brésil recense 2 201 cas de Covid-19 et 46 décès43, Bolsonaro fait une allocution officielle d’environ cinq minutes, s’adressant à l’ensemble de la population brésilienne, dans laquelle on trouve de nombreuses contrevérités, des âneries et, malgré tout, un fil conducteur, qu’il faut faire ressortir clairement. Il reprend le terme de « grippette », auquel il ajoute celui de « petit rhume ». Un petit rhume qui, à cette date, a déjà tué plus de 18 000 personnes dans le monde, tandis qu’un tiers de l’humanité est déjà confinée ! Ici, bien sûr, le mépris le plus ignoble le dispute à la bêtise44. S’y ajoute un numéro nauséabond de forfanterie viriliste : « Grâce à mon passé d’athlète, si je venais à être contaminé, je n’aurais pas à m’inquiéter. Je ne sentirais rien d’autre qu’une petite grippe ». Il brasse des idées vagues et s’appuie sur des suppositions hasardeuses : le Brésil serait à l’abri grâce à son climat chaud ; et sa population jeune offrirait une cible bien plus coriace pour le Covid-19 que l’Italie, pays vieillissant. Il affiche bien pis que de la légèreté et invente plutôt des « vérités scientifiques alternatives » lorsqu’il déclare : « Le virus est arrivé au Brésil, nous le combattons et ce sera bientôt fini ». Quant au combat, nous verrons bientôt ce qu’il en est. Mais la sottise le dispute à l’ignorance et/ou au déni de science, lorsqu’il s’interroge : «  Le groupe à risques, c’est celui des personnes de plus de 60 ans. Alors pourquoi fermer les écoles ? »… Comme si les enfants, qui pourraient être asymptomatiques, ne pouvaient pas contaminer les adultes et les personnes âgées. Au-delà de ces sornettes, Bolsonaro vise deux « ennemis ». Le premier, ce sont les médias – accusés de répandre « l’hystérie » et de propager la peur dans le pays –, médias qu’il ne manque pas d’épingler, dans des attaques qui lui servent surtout à galvaniser ses supporters ; le second, ce sont les autorités des États et de certaines villes, qui ont pris des mesures de fermeture d’entreprises et de services publics et de confinement de la population. Cela concerne en particulier la locomotive économique du Brésil, l’État de São Paulo.

La défense de l’économie… c’est-à-dire du capital

L’étude des mesures économiques et sociales adoptées au sommet de l’État montre bien que ce dernier aide le capital, bien plus que la population pauvre : R$600 par mois pendant trois mois pour cette dernière ; mais pour les banquiers et les chefs d’entreprise : R$1 200 milliards de crédits, R$135 milliards libérés par la banque centrale vers les banques commerciales, une réduction de la durée du travail et des salaires jusqu’à 70%45

Au nom de la défense de l’économie, Bolsonaro rejette le confinement et affirme : « Notre vie doit continuer. Les emplois doivent être maintenus. Les familles doivent continuer à vivre. Oui, nous devons en revenir à la normalité »46. Comme le fait remarquer Flávio Munhoz Sofiati, universitaire et militant du PSOL, « le président est préoccupé par la situation économique du pays face au Covid-19. D’après lui, le pays ne peut pas s’arrêter, même si l’on pense au risque de contamination de la population et d’un grand nombre de morts 47». Et nous partageons son analyse lorsqu’il précise que, derrière la défense de l’économie, ce qui est en jeu, c’est « la défense des intérêts du capital, une défense que l’on doit considérer comme inhumaine en temps normal, et qui devient irresponsable en temps de pandémie (…) Quand le président se préoccupe de l’économie, il est en vérité intéressé au maintien de la reproduction du capital en continu, une valeur qui est appropriée de façon prédominante par les capitalistes, les patrons. Et donc Bolsonaro parle au nom des patrons, son discours est en défense du groupe social qui a commandité son élection »48.

Il est clair que l’hôte du Planalto se moque comme de l’an quarante de ce qui pourrait advenir aux travailleur/ses: sa tentative d’imposer 4 mois sans salaires à de nombreux/ses salarié.e.s le montre amplement. Clair aussi que dans les calculs de Bolsonaro, comme l’explique en substance F. Sofiati, il y a aussi un calcul personnel : « En réalité, le président se préoccupe de sauver sa propre peau, car si l’‘économie’ chute, il peut chuter en même temps ». Cet article se conclut en expliquant qu’il faudrait « une direction gouvernementale au plan fédéral qui se préoccupe des pauvres », que « Bolsonaro en est incapable », et que son impeachment « doit être considéré comme une exigence éthique », et une nécessité « pour que la machine publique agisse avec efficacité contre le Covid-19 ». On peut effectivement penser que, si en plus de tout le reste, l’économie plonge gravement, Bolsonaro plongera également. Mais il est carrément inévitable que le Brésil entre dans une grave récession, alors que c’est l’ensemble de l’économie mondiale qui bascule dans une crise historique.

Besoin d’être en conflit, besoin d’être irresponsable…

La nullité présidentielle se fait plus discrète pendant un court moment, et Bolsonaro paraît changer d’attitude le 31 mars, appelant à « un grand pacte pour préserver la vie » ainsi que « des emplois »49. Mais cela ne dure pas. Le lendemain, il dénonce une prétendue pénurie alimentaire, et diffuse sur les réseaux sociaux une vidéo montrant un entrepôt assez vide de produits alimentaires, ce dont il rend coupables les autorités locales, devenues pour lui des ennemis politiques à abattre. Mais ce nouveau soufflé présidentiel retombe bien vite, avec le démenti de la pénurie par la société approvisionnant ledit entrepôt. Le président, qui s’est à nouveau ridiculisé tout seul, efface son tweet. Mais il existe aussi un fondement financier à cet acharnement à dénoncer les gouverneurs et maires qui ont le mauvais goût de s’opposer à lui et d’organiser un certain confinement : « se prémunir contre les futures demandes de fonds des États au gouvernement fédéral »50.

Sur le fond, c’est l’incurie gouvernementale qui prévaut. Pour UOL, le gouvernement pense que les ressources de l’État « ne pourront pas garantir un plan de soutien à ceux qui se retrouvent sans emploi avec la paralysie de l’économie »51 et que « la stratégie adoptée est donc de rejeter la responsabilité sur les gouvernements d’État »52. Bien sûr, les gouverneurs critiquent en retour le chef de l’État qui ne veut pas partager les coûts du confinement.

Alors que Bolsonaro se réfère fréquemment au vaste secteur informel de l’économie – prétendant le défendre – le ministre de l’Économie, Paulo Guedes, sorte d’ayatollah brésilien de l’ultra-libéralisme, semble ligoté par ses dogmes absurdes, et pousse le gouvernement à être bien peu généreux vis-à-vis des 40% de la population active occupée dans le secteur informel : l’exécutif avait proposé une misérable aumône de 200 reais (33 euros) par mois ; le parlement fait mieux, multipliant la somme par trois avec 600 reais mensuels (107 euros), pour une durée de 3 mois. Mais, selon Cleyton Monte, « le Congrès a voté l’état de calamité publique pour s’affranchir des règles budgétaires, mais les aides du gouvernement ne sont pas destinées en priorité aux plus vulnérables »53. Pour l’universitaire, la fonctionnement du président explique le conflit président-parlement, et le blocage consécutif du pays : Bolsonaro « est incapable de créer les conditions d’une union nationale, il fonctionne à la division. Isolé et sans programme clair, il a comme d’habitude besoin de crises pour se maintenir au pouvoir »54.

Car le mode de gouvernement de Bolsonaro, fondé sur la seule mobilisation de ses soutiens fanatisés, ne lui permet pas le dialogue ni le compromis, et c’est d’ailleurs ce qui l’éloigne d’un nombre croissant de personnes qui ont, à un moment, fait partie de ses supporters. Pour galvaniser ses partisans à coup de tweets, Bolsonaro a besoin de coups d’éclat et, dans une logique complotiste, d’être en lutte contre des adversaires qui voudraient du mal au « nouveau Brésil » : il attaque ouvertement les gouverneurs qui organisent le confinement et mettent à l’arrêt une partie de l’économie. C’est le cas de Ronaldo Caiado, le très réactionnaire gouverneur du Goiás, grand propriétaire foncier et médecin de son état, qui met fin publiquement à son soutien à Bolsonaro après sa prestation télévisée du 24 mars. J.M. Albertini note un phénomène significatif de la logique du fonctionnement présidentiel, au-delà de ses sautes d’humeur : « Scotché aux statistiques de Twitter, Jair Bolsonaro constate qu’après le 15 mars, ses soutiens sont bien moins actifs sur les réseaux sociaux. Acculé, il décide donc de lancer sa contre-attaque pour tenter de remobiliser ses troupes »55.

Par conséquent, après un court intermède où le président a pu paraître plus conciliant, désireux de coopérer avec le parlement, patatras! voilà une nouvelle avalanche présidentielle de gestes et de mots irresponsables et criminels ! Bolsonaro prétend que le nombre de mort.e.s du coronavirus dans le monde est surévalué. Il insiste pour obtenir le déconfinement et le retour au travail. Avec son infinie délicatesse, il déclare le 27 mars : « Certains vont mourir, j’en suis désolé, mais on n’arrête pas une usine de voitures parce qu’il y a des accidents de la route »56. Le 29, il renoue avec les bains de foule parmi ses supporters à Brasilia. Non seulement il élève le ton dans sa critique des gouverneurs qui ont pris des mesures de confinement, les affublant du charmant sobriquet d’« exterminateurs d’emplois »57 ; mais il tente de s’y opposer, en finançant une très coûteuse campagne nationale intitulée : « Le Brésil ne doit pas s’arrêter », campagne qui sera bientôt interdite par une juge fédérale. Et le négationnisme de Bolsonaro poursuit sa route. Parfois, il est difficile de savoir si ce négationnisme relève avant tout d’un manque d’information, d’une ignorance crasse de ce qui se passe dans son propre pays, d’une vaste sottise d’une portée plus fondamentale, ou d’un sens odieux de la provocation. Peut-être y a-t-il un peu de tout cela lorsqu’il déclare le 2 avril, alors que le Brésil s’approche des 300 morts répertoriés Covid-19 : « Je n’ai connaissance d’aucun hôpital qui soit rempli. Bien au contraire »58. Une phrase que les équipes soignantes ont dû particulièrement apprécier !

L’attitude de Bolsonaro de plus en plus rejetée

Ce regain d’agitation irresponsable du président trouve néanmoins de grands patrons assez cyniques pour se ranger publiquement à ses côtés, au nom de la logique de « sauvegarde de l’économie », quoi qu’il arrive. Certains soutiens à Bolsonaro bloquent même des routes, en 4×4, pour exiger le retour du pays au travail. Certains bolsonaristes sont allés jusqu’à bloquer le passage d’ambulances sur l’Avenida Paulista à São Paulo59.

[1] https://catracalivre.com.br/cidadania/manifestantes-pro-bolsonaro-travam-ambulancias-em-ato-na-paulista/

Mais à la fin mars, Bolsonaro est plus isolé qu’au début de la pandémie. Son venin sur les réseaux sociaux est aussi en partie confiné, par des décisions successives de Twitter, Instagram et Facebook qui suppriment certaines de ses publications60. Il est parvenu à renforcer le front commun contre lui des gouverneurs, et il est en conflit ouvert avec le parlement et la justice. Des acteurs clés dans cette crise sanitaire, en particulier le ministre de la Santé Mandetta, défient Bolsonaro et s’opposent à lui de plus en plus publiquement. Dans un grand quotidien, le ministre pose la question : « Le Brésil est-il prêt au pire, sommes-nous prêts à voir des camions militaires évacuant des corps en direct à la télévision et sur internet ? ». Autre dissension majeure au sommet de l’État : le général Mourão, le vice-président, prend quelques distances, appelant à la mobilisation générale contre la pandémie, et contredisant les mensonges du président : « Ce virus est sérieux », ce n’est pas « une petite grippe »61. La colère populaire enfle, elle aussi : dans les grandes villes, les applaudissements quotidiens aux fenêtres à 20 heures, en l’honneur du personnel soignant, ont de plus en plus aussi évolué vers des concerts de casseroles anti-bolsonaristes ; et sur les réseaux sociaux, le hashtag #BolsonaroGenocida est apparu. Selon Libération, même dans les beaux quartiers qui avaient largement voté Bolsonaro en 2018, les concerts de casseroles et les slogans exigeant son départ ou le traitant d’assassin fleurissent aux fenêtres62.

Une étude d’opinion signée Atlas Político, publiée le 26 mars, révèle que la fraction de la population favorable à l’impeachment – c’est-à-dire à la destitution – de Bolsonaro est en augmentation, et atteint 47,7% contre 45% qui sont défavorables à cette mesure63. Le 3 avril, un autre sondage64 semble moins défavorable au président mais indique que pour la première fois depuis l’élection de Bolsonaro, la proportion de la population jugeant le gouvernement globalement « bon » ou « très bon » (28%), est passée sous les 30% ; à l’opposé, 42% le pensent « mauvais » ou « très mauvais ». Sur la gestion du coronavirus, l’évaluation négative du président monte à 44%, avec 29% estimant son action « bonne » ou « très bonne » sur ce plan. Surtout, ce sondage révèle que Bolsonaro est perçu bien plus négativement que son ministre de la santé, Mandetta (soutenu à 68%), ou même que des gouverneurs (59%), et bien sûr que les personnels soignants (87%). Révélateur d’un faible niveau global d’information et de politisation, ce sondage montre le recul du bolsonarisme dans l’opinion. Néanmoins, ce qui précisément semble en recul, ce n’est pas tant le soutien ou même l’accoutumance aux idées nauséabondes et dangereuses véhiculées par Bolsonaro et son clan, mais le président lui-même, son attitude et sa gestion de la crise du covid-19. Toutefois, on perçoit un niveau de soutien au président qui se maintient aux alentours de 30%. Un noyau dur ? Jusqu’à quand ? Durant le mois d’avril, l’isolement du président va se poursuivre.

Bolsonaro limoge son ministre de la Santé, Luiz Henrique Mandetta

Libération croit un moment que « mécontents, les généraux, représentés par neuf ministres au gouvernement, semblent avoir repris les choses en main. Au point d’exercer, selon certains, une ‘tutelle’ sur le chef de l’État, qui a été empêché de limoger son ministre de la Santé, dont la popularité lui fait de l’ombre »65. Cette illusion ne va pas durer bien longtemps.

Au soir du 16 avril, alors que 1924 Brésilien.ne.s sont déjà officiellement mort.e.s du Covid-19, Bolsonaro juge bon de démettre Henrique Mandetta de ses fonctions. À Brasilia, personne ne semble surpris66. Le conflit devenait de plus en plus insurmontable entre un président minimisant systématiquement les effets de la pandémie, et son ministre de la Santé qui voulait respecter les préconisations de l’OMS et dépensait beaucoup d’énergie pour prévenir au mieux la crise sanitaire et en limiter l’impact67. Au-delà de la divergence d’orientation, Bolsonaro avait déjà montré qu’il lui fallait commander à tout prix. Cette fois, il révèle aussi que, loin de chercher à profiter de la grande popularité de Mandetta, il en porte ombrage68. Du point de vue du sérieux et de l’efficacité, ce médecin orthopédiste semble décalé, il est vrai, dans cette équipe gouvernementale. En le renvoyant, Bolsonaro gaspille un gros atout politique et s’isole encore davantage : Mandetta est une star des réseaux sociaux ; et sa politique, largement soutenue dans la sphère politique, obtenait l’approbation de 76% des Brésiliens69. Son éviction a causé la colère ou la consternation de nombreuses personnes, et les concerts de casseroles sont même devenus plus bruyants à certains endroits. De plus, Mandetta appartenait au très influent parti Democratas (DEM)70, déjà en délicatesse avec le président. Toutefois, ce limogeage colle avec la stratégie de Bolsonaro de rechercher des boucs émissaires pour mobiliser sa base militante71.

Jusqu’alors, le ministre de la Santé était protégé par des élus de tous niveaux, par des ministres influents comme Sérgio Moro et Paulo Guedes72, et par l’armée. La rupture est venue suite à une interview donnée par Mandetta à la TV Globo le 12 avril, dans laquelle il avait demandé une « parole unifiée », déplorant le fait que « le Brésilien ne sait pas s’il doit se fier au ministre de la santé ou au président »73. A cette occasion, les sommets de l’armée l’ont lâché pour son irrespect de la hiérarchie. Mandetta n’en pouvait plus, visiblement ! Cela intervient alors que la situation sanitaire est de plus en plus dramatique74, même si la « vague » du Covid-19 n’est attendue que pour fin avril-début mai.

Les premiers pas de Nelson Teich

Peut-on être durablement à la fois un médecin respectueux du serment d’Hippocrate, et le ministre de la Santé de Bolsonaro ? Vouloir à la fois sauver le plus de vies possible… et servir un tel président ? Tout comme Mandetta, son remplaçant, Nelson Teich est un professionnel de santé, mais il est par contre un fidèle bolsonariste, et il est proche des milieux privés75… Cela se sent : de toute évidence, son souci de sortir vite le pays du confinement et sa déclaration selon laquelle le Brésil ne peut survivre « à l’arrêt un an, ou un an et demi »76 relèvent bien plus de ladite proximité que du serment d’Hippocrate. Dès le 22 avril, Teich promet un « plan de sortie » de la quarantaine, permettant aux villes et aux États fédérés d’assouplir le confinement, censé tenir compte des spécificités locales et de l’étendue de l’épidémie dans chaque région. Il présente les chiffres, estimant que « le Brésil est l’un des pays ayant les meilleures performances »77 face à l’épidémie. Selon lui, les derniers chiffres officiels (165 mort.e.s la veille, 2906 au total, pour 45 757 cas confirmés dans le pays) sont meilleurs que ceux de l’Espagne ou des États-Unis. Mais… selon El País qui a refait les calculs, il se trompe dans les chiffres.

Surtout, en reconnaissant un déficit criant de tests de dépistage, Teich révèle que tous les chiffres ci-dessus ne valent rien et que la réalité est forcément bien plus grave. Mais pour justifier sa démarche de déconfinement, il critique les modèles mathématiques utilisés ailleurs, et conteste l’étude de l’Imperial College londonien, qui prévoit 44 000 décès au Brésil en cas de confinement adéquat, mais un million de mort.e.s dans le pire des cas. Teich veut calmer les inquiétudes, disant qu’en cas « d’erreur de calcul »78, il reculera. Mais son optimisme apparent ne peut convaincre : l’exécutif nage en plein brouillard faute de tests, le pic de l’épidémie n’est pas atteint, certains hôpitaux sont déjà saturés… Et c’est le moment que choisit le gouvernement pour déconfiner, c’est-à-dire supprimer la seule limitation – bien insuffisante – apportée à la propagation du Covid-19 !

Teich annonce également qu’il sera secondé par un militaire – un de plus ! –, le général Eduardo Pazuello, le nouveau secrétaire exécutif de la Santé79.

Démission fracassante de Sérgio Moro

Juste au moment où cet article est sur le point d’être bouclé, les chiffres officiels de la pandémie s’élèvent à 3 735 morts et le système sanitaire en vient à s’effondrer dans plusieurs États fédérés80. C’est alors qu’une importante nouvelle nous parvient : le 24 avril, Sérgio Moro, ministre de la Justice (et l’ex-juge très controversé en charge de l’opération Lava-Jato81) démissionne du gouvernement, dénonçant bruyamment le projet autoritaire de Bolsonaro. Selon Le Monde, Bolsonaro avait annoncé dès jeudi après-midi « son intention de remplacer le directeur de la toute-puissante Police fédérale (PF), équivalent du FBI américain »82. Or, si le choix du directeur de la PF est une prérogative présidentielle, cet appareil policier est subordonné au ministère de la Justice, dirigé par Moro. Celui-ci pose un ultimatum : « Si Valeixo part, je pars aussi »83. Pris de nausées, peut-être, à force de voir ses projets refoulés par le président et d’avaler les couleuvres présidentielles, alors que Bolsonaro lui avait promis un poste de « super-ministre » ; las, sans doute, de se limiter à ne critiquer la gestion calamiteuse de la pandémie que de façon interne ; conscient, probablement, de sa popularité élevée parmi une large fraction de l’électorat – une fraction sans doute nécessaire à la survie politique de Bolsonaro : il bénéficiait de 50% d’opinions favorables, tandis que Bolsonaro fluctue autour de 30%84 – et lorgnant, certainement, vers la présidentielle de 2022, Moro refuse de se voir amputer de son bras droit et très proche ami Valeixo. On peut aussi voir Moro comme un rat qui quitte le navire, car il ne manque pas de percevoir que Bolsonaro et tous les membres du gouvernement qui lui sont restés fidèles vont payer un prix politique maximum après la pandémie, voire même avant. Moro met donc sa démission dans la balance. Malgré cet ultimatum, et en dépit des interventions de personnalités influentes, civiles et militaires, Bolsonaro n’en démord pas : il maintient sa décision de limoger Valeixo.

[1] https://www.mediapart.fr/journal/international/250420/au-bresil-la-demission-de-sergio-moro-marque-le-debut-de-la-fin-pour-bolsonaro?onglet=full

[2] https://www.pstu.org.br/denuncia-e-demissao-de-moro-reforcam-fora-ja-bolsonaro-e-mourao/

Moro quitte donc le rafiot à la dérive du gouvernement, et donne très vite une conférence de presse, le 24 avril. Il lâche une bombe politique – une bombe à fragmentation, qui n’a pas fini de produire ses effets – en déclarant: « Le grand problème, ce n’est pas tellement la question de qui doit être nominé. La question, c’est pourquoi changer et permettre que soient faites des interférences politiques au sein de la police fédérale »85. Ce qu’il faut comprendre ici, c’est que Bolsonaro, en remplaçant Valeixo, en qui il n’a pas confiance, par un homme « sûr », espère pouvoir interférer dans certaines enquêtes, notamment en obtenant le contrôle direct de l’Agência Brasileira de Inteligência (services de renseignement). On peut supposer que si Bolsonaro fait ce choix, c’est sans doute parce que cela lui semble nécessaire pour essayer de se sortir d’un – ou de plusieurs – mauvais pas… Peut-être Bolsonaro veut-il aussi, comme le suggère Esquerda On Line (EOL), s’assurer un meilleur contrôle sur les appareils de renseignement et de répression : cela pourrait coller avec le fait que le président semble effectivement connaître un processus de radicalisation, assez solitaire et paranoïaque. Moro l’accuse en tout cas de vouloir nommer à la tête de la PF «un proche qu’il pourrait appeler pour obtenir des informations »86.

Ce que Moro laisse ici entrevoir, c’est que « Bolsonaro a commis des crimes de responsabilité »87 et veut mettre en cause l’indépendance constitutionnelle de la Justice pour étouffer ces crimes et pour se protéger, lui et sa famille, contre des enquêtes ayant déjà conduit à des découvertes très « encombrantes », et qui pourraient bien se révéler encore bien plus explosives… Au moins, cela semble être un élément clé expliquant la décision de Bolsonaro de prendre le contrôle de la PF. L’enjeu n’est pas mince : les crimes de responsabilité en question peuvent d’après la constitution mener à une procédure de destitution (impeachment) du président.

Quelques mots sur la « sainte famille » du président

Quelles enquêtes Bolsonaro veut-il donc étouffer ? Il y en a plusieurs, et la « sainte famille » présidentielle figure en bonne place dans ce qui pourrait devenir – non pas un – mais plusieurs bancs des accusés. Jusqu’ici, nous avons pu apprécier les « talents » du père. Mais force est de reconnaître que les fils politiciens du clan Bolsonaro n’en manquent pas non plus88 ! Parmi les cinq enfants du président, les trois fils aînés sont installés en politique et possèdent des mandats électifs. Ils ont été affublés d’une suite logique de charmants sobriquets. L’aîné, Flávio Bolsonaro (39 ans), alias « Zéro un », est aujourd’hui sénateur89 et il a écrit un livre à la gloire de son père et de son projet pour le Brésil90 ; Carlos, alias « Zéro deux » ou encore « Pitbull » (37 ans), en est à son cinquième mandat de conseiller municipal de Rio ; Eduardo, alias « Zéro trois »91 (35 ans), avocat et député fédéral pour l’Etat de São Paulo, avait été pressenti – on aura vite deviné par qui – pour devenir ambassadeur aux Etats-Unis, mais le parlement n’a pas souhaité donner suite… alors papa l’a chargé de remettre de l’ordre dans le PSL92 (l’ex-parti présidentiel) en pleine crise, et en conflit ouvert avec le chef de l’Etat, sur fond de corruption93. Cette charmante fratrie est passée par le même moule idéologique : même fidélité et obéissance à papa, même anticommunisme écumant, même admiration pour la Dictature militaire brésilienne94, même valorisation des forces armées, même défense de la famille et des « valeurs chrétiennes », même homophobie acharnée, mêmes positions en faveur de la peine de mort et de la réduction de la majorité pénale à 16 ans…

Mais ces preux chevaliers de la chrétienté ne se contentent pas d’idéologie. Ces « vrais hommes » aiment tremper dans l’action… quitte, à l’occasion, à patauger dans des eaux plutôt boueuses. Deux au moins des trois « Zéros » semblent mériter l’intérêt des policiers. La prime revient à l’aîné, Flávio. Parmi bien des « exploits », ce dernier semble actuellement impliqué dans quatre affaires. La première est l’Affaire Queiroz, du nom d’un policier en retraite, ex-assistant parlementaire de « Zéro un ». Fabrício Queiroz semble avoir servi d’homme de paille (d’intermédiaire) pour le versement, par l’Assemblée législative de l’État de Rio de Janeiro, d’indemnités parlementaires et de remboursements de divers frais. Parmi les noms des bénéficiaires des chèques retrouvés dans l’enquête, figure celui de Michelle Bolsonaro, l’épouse du futur président. En janvier 2019, Flávio fait à son tour l’objet d’une enquête pour corruption, à propos de transferts d’argent entre lui-même, la première dame du Brésil et Fabrício Queiroz95.

Deuxième affaire, toujours pour « Zéro un » : la revue Istoé révèle le 22 février 2019 que l’aîné des fils Bolsonaro pourrait bien aussi avoir été impliqué dans un autre scandale de détournement de fonds publics connu sous le nom d’« Affaire des Oranges »96, vaste affaire de fonds de campagne pour les élections de 2018, qui a touché le ministre du Tourisme et d’autres cadres du parti présidentiel dans diverses régions. Les « oranges » (candidatures fantômes à des postes de député.e.s, qui n’auraient jamais fait campagne en 2018) auraient permis de détourner de coquettes sommes publiques au profit du PSL.

La troisième affaire est une enquête pour enrichissement illicite : depuis le 21 février 2019, la procureure de la République s’inquiète de l’augmentation fulgurante du patrimoine de Flávio Bolsonaro, et y flaire une affaire de blanchiment et de fausse déclaration de valeur immobilière. Selon la Folha de São Paulo, le fils aîné du président a réalisé 19 opérations immobilières qui ont des « caractéristiques considérées comme suspectes de blanchiment d’argent »97.

La quatrième affaire est plutôt un ensemble d’affaires assez troubles : Flávio Bolsonaro semble très lié au banditisme. Parmi les liens mis en lumière, mentionnons ceux qu’il entretient avec Alan et Alex Rodrigues de Oliveira, ex-policiers ripoux qui lui ont servi de gardes du corps98. Citons aussi Adriano da Nóbrega, ami proche de « Zéro Un » – la femme et la mère d’Adriano travaillaient dans le bureau de Flávio à l’ALERJ – et impliqué dans l’affaire de la rachadinha (la construction illégale d’immeubles évoquée plus haut) ainsi que dans l’assassinat de Marielle Franco. De plus, Adriano da Nóbrega a déjà été à la tête de l’Escritório do Crime, et il a fini par être brutalement assassiné en février 2020 par la PM à Bahia (où il se cachait). Il ne pourra plus parler !…99 Ce n’est pas tout : le 22 janvier 2019, Ronald Alvez Pereira, ex-policier de Rio, très soupçonné d’appartenir à l’Escritório do Crime, un groupe d’anciens flics véreux transformés en tueurs à gage, est arrêté. Or Pereira a reçu, à la demande de Flávio Bolsonaro, et tout comme les jumeaux Oliveira, la Médaille Tiradentes, récompense accordée par l’Assemblée législative de l’État de Rio à ses serviteurs publics particulièrement méritants.

Les choses semblent encore plus inquiétantes – tout en restant floues à ce stade – pour « Zéro un » et pour son papa-président, avec certaines avancées ou pistes de l’enquête policière consécutive à l’assassinat, le 14 mars 2018, de la conseillère municipale du PSOL, Marielle Franco, et de son chauffeur, Anderson Gomes. L’enquête retrouve la trace de l’Escritório do Crime derrière l’exécution de l’élue de gauche, dont les liens avec Flávio Bolsonaro semblent clairs pour la police. Mais l’investigation piétine. Plus de deux ans après le meurtre, deux noms sont mis en avant : Ronnie Lessa, accusé d’avoir tiré, et tué la conseillère et son chauffeur, et Elcio Vieira de Queiroz, le chauffeur présumé. Les deux accusés devraient bientôt être traduits devant un jury populaire. Toutefois, on semble encore loin de pouvoir mettre des noms sur les commanditaires. Rien n’a été prouvé – l’enquête n’a-t-elle pas été bloquée ou ralentie ? – mais le patronyme de Bolsonaro a été cité à plusieurs reprises dans cette douloureuse affaire. Fin octobre 2019, le concierge du condominium de Bolsonaro déclare dans son témoignage à la PF qu’Elcio Queiroz, chauffeur présumé lors de l’assassinat, avait demandé l’autorisation de se rendre à la maison de Bolsonaro100, le jour même de l’assassinat101. Ce point reste très controversé, et il subsiste beaucoup de zones d’ombres. En tout cas, en novembre 2019, des associations de policiers ont accusé le président Bolsonaro d’avoir « clairement attaqué et tenté d’intimider le commissaire de la police de Rio de Janeiro, avec l’objectif d’entraver la recherche impartiale de la vérité »102. Celui-ci s’est défendu de façon peu convaincante en affirmant que le commissaire chargé de l’enquête était « son copain »103.

Déjà, en août 2019, suite à la menace contre « Zéro un » d’une enquête de la PF de Rio de Janeiro, le papa courroucé avait menacé de virer Valeixo, le directeur de la PF. D’après Mediapart, le président aurait récemment été informé qu’une enquête confidentielle de la PF a obtenu des preuves de l’implication de « Zéro deux » – c’est son tour ! – dans un « groupe de ‘milices digitales’ promouvant des attaques virtuelles contre les adversaires du gouvernement »104. L’enquête ouverte par la Police Fédérale (dans le cadre d’une autre enquête, ouverte par le STF en mars 2019 sur les « Fake News ») montre que c’est Carlos Bolsonaro qui dirige tout cela… depuis le Planalto !105 Et « Zéro trois » semble aussi impliqué. Selon la même source, l’enquête aurait trouvé des indices que des chefs d’entreprise liés au président « financeraient des campagnes virtuelles contre le Congrès et le Tribunal suprême ». Tout ceci fait l’objet d’une commission d’enquête parlementaire106, dont la rapporteuse, la députée Lídice da Mata, s’en prend très clairement à Bolsonaro. Elle l’accuse d’agir de concert avec un « cabinet de la haine », commandant des fausses nouvelles et des messages haineux contre ses adversaires politiques. La députée note la recrudescence actuelle de ces pratiques, qu’elle relie avec l’isolement croissant du président. Ces pratiques incluent notamment des attaques répétées contre Mandetta, pour le punir de son orientation opposée à la ligne présidentielle.

À la lumière de tous ces éléments – mais sans prétendre à l’exhaustivité – on comprend que Bolsonaro ait envie de prendre le contrôle de la PF : cela commence à faire beaucoup de casseroles pour une seule famille !

Quelles suites pour Bolsonaro et son gouvernement ?

S’il est bien difficile de répondre à cette question, une chose est sûre : avec le départ de Moro, la crise politique a franchi un seuil qualitatif. Au-delà, plusieurs éléments sont à prendre en considération.

Huit jours après l’éviction de Mandetta, la démission accusatrice de Moro est le plus gros coup dur pour Bolsonaro depuis le début de son mandat. Moro était un « poids lourd » du gouvernement. Malgré les révélations du site d’information The Intercept l’an passé107, une bonne partie de l’opinion publique, toujours plutôt du côté de Bolsonaro, voyait encore Moro comme un juge combattant, un incorruptible acharné à terrasser la corruption108. L’hôte du Planalto lui devait rien de moins que son élection en 2018, quand, grâce aux bons soins du juge Moro, Lula – donné grand vainqueur par tous les sondages – avait été condamné, envoyé en prison, et privé de présidentielle. Aujourd’hui, l’avenir de Bolsonaro dépend beaucoup de ce que va faire Moro, en particulier de sa collaboration avec la justice brésilienne. Mais on imagine que l’ex-ministre de la Justice et son ex-bras droit à la tête de la PF ont des choses passionnantes à raconter !

Mais, comme le dit Maurício Santoro, chercheur à l’université de l’Etat de Rio de Janeiro, le simple fait que Bolsonaro cherche à avoir des rapports secrets avec la PF, et à mettre en cause l’indépendance de la Justice, « que ce soit pour espionner ses adversaires ou protéger ses alliés ou ses fils, c’est aussi sérieux que le Watergate »109. En tout cas, les accusations de Moro ont conduit le procureur général de la République, jusqu’alors peu gênant pour Bolsonaro, à demander une enquête auprès du Tribunal suprême (le STF). Il est fort possible qu’en ayant mis Moro dans les rangs de ses adversaires, Bolsonaro ait plus à craindre de la Justice désormais que jusqu’à la démission de celui qu’on a appelé « le petit juge » lors du Lava-Jato. Selon Le Monde, ce dernier « disposerait d’enregistrements audio et d’échanges de messages compromettants sur les agissements présidentiels ».

Autre élément d’appréciation : l’impression étrange donnée par Bolsonaro dans sa propre conférence de presse, quelques heures après celle de Moro. Selon Mediapart, il semblait « sonné » et a disserté devant les journalistes « pendant quarante minutes, évoquant l’assassinat de la conseillère municipale Marielle Franco, le chauffage de la piscine présidentielle, l’homme qui l’a poignardé durant la campagne et les conquêtes de son quatrième fils, le tout sans épargner les critiques à son ancien subordonné. Une intervention sans queue ni tête, qui masque mal la plus grave crise que traverse son administration, qui pourtant les collectionne ».

Tandis que se renforcent les concerts de casseroles anti-Bolsonaro, il importe aussi de saisir les réactions des soutiens du président. Mediapart a recensé quelques éléments significatifs110. Sur les réseaux sociaux de bolsonaristes ultras, d’ordinaire si actifs et virulents, la réaction est faible. Le pasteur évangélique Malafaia twitte sa colère. Pour un leader du lobby des armes, le capitaine Augusto (du Parti libéral), « c’est le début de la fin ». Autre élément essentiel : l’armée. Selon le même article en ligne, « au sein de son gouvernement, les militaires qui tentaient de remettre un semblant d’ordre après le limogeage du ministre de la santé semblent tout aussi déstabilisés. Selon le journal Folha de S.Paulo, beaucoup ont très mal réagi à toute cette crise et considèrent le président responsable. Dans le journal Estadão, des officiers interrogés en off le décrivent comme un ‘zombie’ ». Faut-il s’attendre à une hémorragie de ministres, qu’il s’agisse d’ailleurs de démissions ou de limogeages ? Le Monde croit savoir que le prochain à partir pourrait être Paulo Guedes111, le ministre de l’Économie. Ultralibéral obsessionnel, qui avait rallié à Bolsonaro une partie des élites financières en 2018, il semble avoir du mal à cohabiter avec les militaires du gouvernement, plus étatistes par tradition. Si c’était le cas, cela renforcerait considérablement l’isolement du président et son repli sur un noyau de supporters ultras toujours plus réduit.

Est-ce réellement le début de la fin pour Bolsonaro ? Le locataire du palais de l’Alvorada est certes bien mal en point : situation sanitaire alarmante et totalement incontrôlée, crise politique majeure, marasme économique croissant, et finalement perte de soutiens politiques essentiels. Si Bolsonaro persiste dans l’isolement et le repli sur un dialogue avec son noyau dur militant, il va perdre la partie, selon un timing encore difficile à prévoir. Toutefois, le président peut encore essayer d’acheter le soutien de politiciens dont l’éthique est à géométrie variable. Cela ne semble pas être dans les gênes du bolsonarisme, et il n’est pas dit que le président y parvienne. Outre les choix erratiques et difficilement prévisibles de ce dernier, l’issue dépendra finalement de plusieurs facteurs, en particulier les suivants :

  • D’abord, le caractère dramatique de la pandémie et des effets qu’elle va provoquer au niveau politique et social : à quel rythme les Brésilien.ne.s de milieux populaires qui ont cru voir un chevalier blanc en Bolsonaro vont-ils/elles ouvrir les yeux ? La prise de conscience débouchera-t-elle sur une colère de masse, active, une mobilisation ? Il y aura sans doute des révoltes, mais ces révoltes seront-elles un minimum organisées et orientées dans une perspective politique112 ? Allons-nous assister à une poussée de l’auto-organisation, en particulier dans les quartiers populaires, où cela a commencé (en particulier à Rio et à São Paulo)113, et jusqu’à quel point ? Les secteurs les plus organisés du prolétariat vont-ils entrer massivement dans la bataille ?

  • L’action du camp opposé à celui de Bolsonaro : confrontés à l’attitude de Bolsonaro devant la pandémie, que vont faire les partis de gauche et d’extrême-gauche ? Et les syndicats ? Et les organisations populaires, dans les quartiers déshérités, parmi les minorités racisées, etc. ? Allons-nous assister à la mise en place d’un front unique, qui permettrait de regrouper les forces populaires sur des objectifs de lutte ? Jusqu’à présent, le moins que l’on puisse dire, c’est que ni le PT, ni la majorité bureaucratique du mouvement syndical n’ont poussé à la lutte contre la politique du gouvernement et pour la défense des intérêts vitaux des classes populaires. Et à l’heure où cet article part à la publication, le PT est toujours défavorable à l’impeachment.

  • Les flux prochains de sortie du gouvernement : deux poids lourds (Mandetta puis Moro) en 8 jours, cela représente déjà beaucoup de pertes en peu de temps et cela pourrait en conduire d’autres à quitter le bateau ivre du bolsonarisme. Sur ce point, nous devrions être fixé.e.s rapidement.

  • Les choix de la grande bourgeoisie et de ses relais politiques, institutionnels et médiatiques. Pour l’instant, la bourgeoisie a semblé divisée entre une fraction majoritairement favorable à des gouverneurs comme J. Doria, préconisant un confinement non total, mais souhaitant y mettre fin le plus vite possible pour reprendre les affaires dans les plus brefs délais ; et une fraction minoritaire, qui voudrait mettre fin dès maintenant au confinement, et qui se retrouve davantage dans les positions défendues au gouvernement.

  • Et last but not least, l’état d’esprit des militaires et leurs choix politiques. L’armée possède de forts atouts : une grosse implantation au sommet de l’État ; une image hélas favorable parmi la majorité de la population ; une position institutionnelle favorable, avec la vice-présidence du général Mourão, qui en fait le remplaçant institutionnel tout désigné de Bolsonaro si celui-ci devait partir. Toutefois, l’attitude récente de l’armée, qui s’est voulue avant tout médiatrice pendant les conflits au gouvernement autour de Mandetta, puis de Moro, indique clairement que l’armée n’a pas – encore ? – fait le choix de déposer Bolsonaro et de le remplacer par Mourão.

Comment faire, ne serait-ce que pour limiter la catastrophe démultipliée par l’incurie bolsonariste, et endiguer ses effets dévastateurs ? La question se pose au plan sanitaire : débordement croissant des hôpitaux avant même le « pic » attendu ; absence de protections contre le virus, donc contamination galopante, fréquente impossibilité d’avoir recours aux gestes barrière ; manque d’eau potable… La question se pose aussi en termes de besoins élémentaires, notamment alimentaires : dès le début du mois d’avril, on signalait la faim dans certains endroits, en particulier des zones urbaines pauvres, notamment parce que les enfants ne pouvaient plus manger dans les écoles, fermées par le confinement. Comment faire, alors que déjà, « partout ou presque, on creuse. Des trous, des fosses, par milliers »114 et que, comme le dit Le Monde, le Brésil se trouve « à la limite de la barbarie »115. Comment faire, quand le « numéro 1 » du pays ne fait qu’aggraver la situation et conserve, malgré son affaiblissement politique, un abominable pouvoir de nuisance ?

Les inquiétudes pour le Brésil se portent plus particulièrement sur les secteurs les plus vulnérables de la société : les habitants des favelas, les peuples autochtones116, les quilombolas117, les personnes emprisonnées118… autant de secteurs qui sont tout sauf une priorité pour Bolsonaro. Il y a d’autant plus de raisons d’être inquiet.e.s pour ces secteurs de la population que Bolsonaro n’a jamais caché son indifférence ou son mépris à leur égard, et qu’il croit à la doctrine selon laquelle « seuls les forts survivront ». Le principe de la « sélection naturelle » comme mécanisme de régulation sociale est chez lui une conviction très enracinée119.

Que faire face à une épidémie dont le principal propagateur n’est autre que le président lui-même120, alors que le patronat et les banquiers, comme ailleurs, pensent avant tout à leurs profits ? Et que la « classe politique » n’est dans le meilleur des cas que dans la demi-mesure – au mieux, elle prend parfois des mesures justes mais insuffisantes ; elle se montre souvent engluée dans ses hésitations ; mais elle joue parfois un jeu bien pire – et que donc, le monde politique institutionnel montre une fois de plus qu’il n’est pas à la hauteur ? Face à ce tableau effarant, une lutte de classe à la fois intransigeante et unitaire s’impose, menée par les secteurs les mieux organisés du prolétariat, en lien avec la multiplication d’expériences d’auto-organisation, comme celles qui fleurissent déjà dans les périphéries de certaines grandes villes, et visant à fédérer toutes celles et tous ceux qui ont un réel intérêt à arrêter la catastrophe en cours, à commencer par les plus vulnérables, cité.e.s plus haut. Pour cela, virer Bolsonaro et Mourão est un point de passage obligé. Insistons bien sur un point : pas plus le président actuel que son « vice » qui l’a soutenu depuis le début, ne doivent rester en place. Le remplacement du premier par le second serait un très mauvais signe et aggraverait de facto le danger d’un pouvoir dictatorial au Brésil. Dégager ces deux-là est incontournable si l’on veut assurer un minimum d’avenir aux classes laborieuses de ce pays.

1 Le choix fait a été de ne pas accorder de place ici à des chefs d’État hauts en couleurs, parfois fortement toxiques localement, mais sans beaucoup de poids dans le monde actuel, et cela vaut aussi bien pour des « coronasceptiques » (par exemple le président biélorusse, Loukachenko, qui prodigue, face au Covid-19, le conseil suivant: « Buvez de la vodka, allez au sauna et travaillez dur » [https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/coronavirus-en-bielorussie-le-president-prone-vodka-hockey-et-tracteur-face-au-covid-19-6796334]), que pour d’autres qui vont en sens inverse (le président philippin Duterte, notamment, qui donne l’ordre de tuer les récalcitrants au confinement[https://www.france24.com/fr/20200402-coronavirus-le-pr%C3%A9sident-philippin-menace-de-faire-abattre-les-contrevenants-%C3%A0-l-ordre-de-confinement]).

2 On observe d’ailleurs qu’avec des nuances, cette catégorie de dirigeant.e.s politiques (Trump, Bolsonaro…) est empreinte d’une même aversion à la science et d’une même volonté de s’opposer à celle-ci quant au réchauffement climatique qu’à propos du Covid-19.

3 Trump, dont il sera question dans un autre article.

5 Conseillère municipale du PSOL assassinée, ainsi que son chauffeur, à Rio de Janeiro le 14 mars 2018.

10 Selon Le Monde du 13 mars : https://www.lemonde.fr/international/article/2020/03/13/au-bresil-jair-bolsonaro-teste-negatif-au-coronavirus-apres-avoir-entretenu-la-rumeur-sur-une-contamination_6033026_3210.html. Par ailleurs, il avait déclaré dans une allocution officielle le 7 mars : « Même si le problème peut s’aggraver, il n’y a pas de raison de paniquer ».

12 Toujours selon Le Monde du 13 mars. Idem.

13 Idem.

17 Dernières nouvelles : le lundi 27/04 la Justice Fédérale a donné 48h pour que Bolsonaro diffuse les résultats de tous ses dépistages de mars à avril (« transparence d’information d’intérêt public »). Cf. https://exame.abril.com.br/brasil/justica-da-prazo-para-bolsonaro-mostrar-exames-da-covid-19-agu-recorrera/ et aussi :

https://g1.globo.com/politica/noticia/2020/04/30/agu-diz-a-justica-que-bolsonaro-testou-negativo-para-covid-19-mas-nao-apresenta-exames.ghtml

18 Le Monde du 13 mars rappelle que Bolsonaro s’est déjà livré à ce genre de manipulation : « en décembre, il avait ainsi laissé entendre à la presse qu’il pourrait être atteint d’un cancer de la peau, provoquant un vent de panique… avant de revenir sur ses paroles ».

20 A Brasília, le Palácio da Alvorada (« Palais de l’aube ») est la résidence officielle du président de la république, tandis que le Palácio do Planalto (« Palais du plateau ») est le siège officiel et le lieu de travail du président.

21 Voir plus loin.

24 Couleurs nationales du Brésil, un symbole largement récupéré par Bolsonaro et l’extrême droite.

26 STF : Supremo Tribunal Federal. Plus ou moins « la Cour Suprême Fédérale ».

27 AI-5 : Ato Institucional número 5. Acte institutionnel de 1968 qui fermait le Congrès et suspendait les libertés constitutionnelles, ouvrant la pire époque de la dictature (1968-1974) : torture, assassinats, disparitions…

30 Le site https://fr.wikipedia.org/wiki/Religion_au_Br%C3%A9sil présente un tableau de l’évolution chiffrée de la proportion de personnes se déclarant d’un groupe religieux. On note que les catholiques, traditionnellement ultra-majoritaires, ont fortement régressé, passant de 91,8% en 1970 à 83,3% en 1990, 73,6% en 2000 et 61% en 2014. Aux mêmes dates, le protestantisme, essentiellement représenté par les Eglises évangélistes, passe respectivement de 5,2% en 1970, à 9% en 1990, 15,6% en 2000 et 26% en 2014. Les sectes pentecôtistes ont particulièrement le vent en poupe. Par exemple, la Convention générale des Assemblées de Dieu au Brésil, fondée en 1930, comptait en 2015 280,000 églises et 3,5 millions de membres.

31 Assembléia de Deus Vitória em Cristo – L’Assemblée de Dieu Victoire dans le Christ.

33 Idem.

34 Idem.

36 Idem. Traduction Emma Funk.

37 UGT: União Geral dos Trabalhadores (Union générale des travailleurs). Centrale syndicale né en 2007 d’un processus de scissions-regroupement de divers secteurs bureaucratiques du mouvement syndical brésilien. Affiliée à la Confédération syndicale internationale.

39 Fora : dehors 

40 Les banques JP Morgan et Goldman Sachs reviennent sur les perspectives de croissance qu’elles annonçaient antérieurement, et tablent maintenant sur une baisse, respectivement de 1% et 0,9% (https://www.esquerda.net/artigo/onda-de-indignacao-forca-bolsonaro-revogar-decreto/66495).

41 Idem. Traduction Emma Funk.

45 Opinião socialista N° 587, p. 9.

48 Idem.

50 Idem.

51 Idem.

52 Idem.

53 Cleyton Monte, professeur à l’UFC (Université fédérale du Ceará), cité dans Mediapart : https://www.mediapart.fr/journal/international/300320/bolsonaro-rejette-le-confinement-et-s-isole-politiquement

54 Idem.

56 Idem.

57 Idem.

61 Idem.

64 Publié le 03/04 dans le quotidien O Estado de São Paulo. https://politica.estadao.com.br/noticias/geral,governo-bolsonaro-tem-42-de-avaliacao-ruim-ou-pessima-em-abril-diz-xp,70003259180

67 Idem. Selon Le Monde, Mandetta avait pu récemment mobiliser les moyens de l’État pour acheter 15 000 respirateurs, commander 240 millions de masques à la Chine, distribuer 1 million de tests, construire des hôpitaux de campagne, donner des crédits à la recherche… Mediapart offre une version beaucoup plus critique et plus réaliste : « Mandetta n’a pas particulièrement brillé durant sa gestion de la crise du coronavirus. À cause d’un manque chronique de tests, la sous-notification est la règle et de récentes études ont démontré que le nombre de cas pourrait être au moins 12 fois supérieur aux chiffres officiels. En début de mandat, il a aussi contribué à démanteler le système de santé publique qui fait aujourd’hui cruellement défaut au Brésil. Mais à côté de l’irresponsabilité du président, son attitude rationnelle face à la crise sanitaire a suffi à le rendre très populaire » : https://www.mediapart.fr/journal/international/170420/bresil-bolsonaro-limoge-son-populaire-ministre-de-la-sante?onglet=full

68 Selon Le Monde, Bolsonaro critiquait le « manque d’humilité » de Mandetta et le président avait menacé à plusieurs reprises de licencier « d’un coup de stylo » ce ministre trop indépendant à son goût : https://www.lemonde.fr/international/article/2020/04/15/devenu-le-visage-de-la-lutte-contre-le-coronavirus-le-ministre-de-la-sante-bresilien-au-bord-du-limogeage_6036699_3210.html

69 Selon l’institut Datafolha, in Le Monde. Idem.

74 Selon Le Monde (idem), à ce moment, dans les grandes villes du Sud-est ou dans le vaste État d’Amazonas, de nombreux hôpitaux publics sont déjà presque saturés, avec des taux d’occupation avoisinant 70 % ou 80 % en soin intensif.

75 Selon Le Monde. Idem.

77 Idem.

78 Idem.

79 Pazuello a commandé de 2018 à début 2020 l’opération “Accueil” des réfugiés vénézuéliens au Roraima (nord du Brésil), puis pris le commandement militaire à Manaus. Teich vante l’expérience de Pazuello en matière “de logistique, d’achat et de distribution”. Idem.

80 Cela se dit notamment à propos de l’État d’Amazonas ou dans celui de Rio de Janeiro. https://agenciabrasil.ebc.com.br/geral/noticia/2020-04/defensoria-alerta-para-colapso-no-sistema-de-saude-do-rio.

81 Traitement judiciaire d’un énorme scandale de corruption, l’affaire Petrobrás. Le Lava-Jato est une sorte d’« opération mains propres » qui a envoyé en prison des dizaines de politiciens, avec un acharnement particulier contre Lula, privé d’élection présidentielle en 2018.

85 Idem.

89 Depuis février 2019. Avant, il a été député de l’État de Rio de Janeiro depuis 2003

90 Titre de l’ouvrage : « Jair Messias Bolsonaro : mito ou verdade »

91 « Zéro trois » est aussi représentant au Brésil de « The Movement », organisation créée par Steve Bannon, l’ancien gourou de Trump.

92 PSL (Parti social-libéral) : parti présidentiel, en pleine crise après le « scandale des candidatures fictives », ou « affaire des oranges ».

93 Bolsonaro a fini finalement par quitter le PSL (11/2019), mais il n’a pas réussi à créer son nouveau parti (Aliança pelo Brasil) – et aujourd’hui il est « sans parti ».

94 « Zéro trois » a déclaré le 31 octobre 2019 que si la gauche se radicalise comme dans les années 1960 [le mal de la radicalisation vient de la gauche], il faudra y répondre… « Cette réponse peut être un nouvel AI-5, ça peut être une législation approuvée par référendum ». Cf. https://www.slate.fr/story/183792/fils-jair-bolsonaro-droite-bresil-eduardo-carlos-flavio

95 Une enquête a révélé que Flávio Bolsonaro a financé illégalement des immeubles pour la milice à Rio:

https://theintercept.com/2020/04/25/flavio-bolsonaro-rachadinha-financiou-milicia/

96 Premières révélations fournies par la revue Istoé le 22 février 2019.

98 Comme on voit une photo desdits policiers jumeaux fêtant leur anniversaire avec Flávio et son père (alors seulement député fédéral), on se demande quels liens ce dernier pouvait entretenir avec les deux ripoux.

99 Cf. “Adriano da Nóbrega, o policial que levou para o túmulo os segredos do submundo do Rio”: https://brasil.elpais.com/brasil/2020-02-15/o-policial-criminoso-que-levou-para-o-tumulo-os-segredos-do-submundo-do-rio-de-janeiro.html; et “Ex-PM Adriano Nóbrega recebeu visita de Flávio Bolsonaro na prisão, diz vereador”:

https://oglobo.globo.com/brasil/ex-pm-adriano-nobrega-recebeu-visita-de-flavio-bolsonaro-na-prisao-diz-vereador-24260448

101 Une énorme confusion s’installe, puis le concierge revient sur sa déclaration. En février 2020, la PF dit que le concierge qui a parlé avec Lessa n’était pas celui qui avait donné son témoignage à la PF… Confusion totale ! Cf. https://g1.globo.com/rj/rio-de-janeiro/noticia/2020/02/11/voz-que-liberou-entrada-de-acusado-de-matar-marielle-em-condominio-nao-e-do-porteiro-que-disse-ter-falado-com-bolsonaro-diz-laudo.ghtml

102 Cf. https://www.ouest-france.fr/monde/bresil/bresil-des-policiers-accusent-bolsonaro-d-avoir-fait-pression-sur-un-enqueteur-6593707. L’Association des commissaires de police du Brésil, la Fédération nationale des commissaires de la police civile et trois autres organisations ont dit « désavouer » les déclarations de M. Bolsonaro sur cette enquête.

103 Idem.

105 Il y aurait même un bureau pour le Gabinete do ódio (selon Joice Hasselmann). On se demande ce qu’il fait de son poste de vereador à Rio de Janeiro… Cf. https://www1.folha.uol.com.br/poder/2020/04/pf-identifica-carlos-bolsonaro-como-articulador-em-esquema-criminoso-de-fake-news.shtml et https://istoe.com.br/em-cpmi-joice-acusa-carlos-e-eduardo-bolsonaro-de-controlar-milicias-virtuais/

107 The Intercept a révélé que Moro n’avait pas respecté l’État de droit lors du Lava-Jato. Ce site d’infos a publié des conversations privées montrant Moro comme un juge partial, n’hésitant pas à manipuler la presse et la justice à des fins politiques pour faire emprisonner Lula.

108 Esquerda On Line rappelle que Moro a manipulé des preuves, négocié des délations pour favoriser ses jugements, organisé la fuite vers la presse d’informations secrètes et arrêté Lula pour interférer sur l’élection présidentielle. Toutefois, pour le politologue Mathias Alencastro, cité par Le Monde, « Moro fidélisait un électorat plus modéré, pour qui Bolsonaro est trop excessif ». https://www.lemonde.fr/international/article/2020/04/25/au-bresil-la-demission-de-sergio-moro-ebranle-le-pouvoir_6037726_3210.html

110 Tous les éléments donnés dans ce paragraphe proviennent de l’article de Mediapart. Idem.

115 Idem.

116 Bolsonaro menait déjà une offensive générale contre les peuples autochtones avant l’arrivée de la pandémie. Cf.https://www.mediapart.fr/journal/international/180220/jair-bolsonaro-mene-une-offensive-generalisee-contre-les-autochtones. En Amazonie les choses se sont depuis aggravées, cf. https://www.lemonde.fr/international/article/2020/04/13/en-amazonie-la-grande-peur-des-peuples-indigenes-face-au-coronavirus_6036420_3210.html

117 Selon Wikipédia, un quilombo est une communauté organisée d’esclaves marrons ou de réfugiés. La plupart des habitants de quilombos (appelés quilombolas) étaient des esclaves fuyant les plantations et qui dans certains cas aideront plus tard d’autres esclaves africains en fuite, des Portugais, des autochtones brésiliens, Juifs et Arabes ou d’autres non-Brésiliens noirs, non-esclaves qui ont vécu l’oppression … Pendant sa campagne présidentielle, Bolsonaro avait déclaré que les quilombolas sont des gens qui ne « valent rien ».

118 Avec une énorme surpopulation carcérale et une absence totale de protection face au Covid-19

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