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SOURCE : Mr mondialisation
En pleine crise du covid-19, il a été annoncé que plus d’une centaine de pièces historiques du Mobilier national vont être vendues aux enchères en septembre 2020 et que les sommes perçues seront reversées à la Fondation Hôpitaux de Paris – Hôpitaux de France, présidée par Brigitte Macron. Une décision qui peut sembler honorable au vu du contexte pandémique et pourtant, ce simulacre de philanthropie ressemble fortement à un coup de communication qui soulève de nombreuses questions, dont celle de la privatisation de biens collectifs. Sous le prétexte de la crise sanitaire et d’un manque cruel de moyens pour la santé, des biens appartenant à la Nation française seront vendus au plus offrant dans le but de renflouer un organisme privé sous l’égide de l’épouse du président de la République. Ce même président dont le gouvernement au service du néolibéralisme a nettement accéléré la destruction de l’hôpital public ces dernières années. Un comble.
Le Mobilier national est un SNC (service à compétence nationale) rattaché au Ministère de la Culture. Sa collection contient de nombreux objets de valeur patrimoniale, datant du XVIIème siècle à aujourd’hui. Comme l’indique Mediapart, « le mobilier national est inaliénable, et si de rares exceptions sont possibles, les recettes tombent normalement dans les caisses de l’État. » Pourtant, il a récemment été annoncé que des meubles issus de ces collections publiques seront vendus aux enchères les 20 et 21 septembre 2020, à l’occasion des Journées du patrimoine, et que les bénéfices seront intégralement reversés à la Fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France, présidée par Brigitte Macron. Selon Hervé Lamoine, directeur du Mobilier national, le mobilier choisi n’aura « ni de valeur patrimoniale, ni de valeur d’usage ». Cela signifie que les bijoux de famille ne seront pas concernés. Cependant, cette vente aux enchères est inédite de par le nombre d’objets record qui seront vendus. Ce qui est d’autant plus aberrant, c’est que le bénéficiaire n’est pas l’État français mais une fondation privée, alors que la vente concerne des biens publics.
Des pompiers pyromanes ?
« Contribuer à l’effort de la nation pour soutenir les hôpitaux » : voilà l’objectif annoncé de cette opération qui semble surtout destinée à redorer le blason de Brigitte Macron. Bel exemple de propagande à la une de Paris Match : la Première dame est « confinée et engagée » dit-on. Du haut de son palais, « elle se bat pour les hôpitaux » qui manquent gravement de moyens à la fois financiers et humains… À qui la faute ? Cela semble assez paradoxal lorsque l’on songe au fait que depuis son arrivée au pouvoir, Emmanuel Macron n’a eu de cesse d’accélérer la destruction des services publics, y compris celui de la santé, niant systématiquement les cris d’alerte du personnel hospitalier.
Rappelons que l’État a pris la décision de réaliser des économies à hauteur de 4,2 milliards d’euros pour l’année 2020, peu de temps avant la crise sanitaire. Face aux cris désespérés des soignant.e.s, une répression accentuée s’était abattue sur les manifestants. « L’État compte les sous, on comptera les morts » pouvait-on lire sur des pancartes lors des manifestations quelques semaines avant l’apparition du coronavirus. Une phrase dont l’écho tragique résonne d’autant plus durant cette épidémie de covid-19, alors que l’on assiste en direct au résultat mortel de cette transformation de l’hôpital public en machine à profit.
Mais aujourd’hui, Brigitte Macron déclare se battre pour les hôpitaux. « Dans l’épreuve, elle a trouvé sa voie », peut-on lire dans l’article élogieux de Paris Match. Mea culpa face aux erreurs commises par son mari ? On peine à la croire. Tout ceci ressemble fortement à une opération de communication destinée à restaurer son image au sein de l’opinion publique, profitant d’une crise sanitaire accentuée par les politiques de son mari. Par ailleurs, tout en affirmant répondre au cri de désespoir du personnel hospitalier, Brigitte Macron ne fait qu’ajouter sa pierre au monstrueux édifice qu’est la privatisation du patrimoine de la France.
En fin de compte, tous les prétextes semblent bons pour suivre la voie toute tracée de la vente de l’Hexagone au profit du privé, comme le souhaite de ses vœux la doctrine libérale. Et pourquoi ne pas privatiser tout en faisant passer l’opération pour un acte de solidarité envers la nation ? Ce coup de communication est d’autant plus affligeant que les bénéfices de cette vente aux enchères devraient être négligeables selon les estimations. En effet, les pièces du Mobilier national qui sont généralement déclassées pour être vendues ont une valeur monétaire minime. Leur richesse est avant tout symbolique et historique. Étant donné que leur restauration coûte trop cher à l’État, le but est surtout de « désenclaver les réserves ».
Qu’en est-il de la légalité de l’opération ?
Dans son analyse de la situation d’un point de vue juridique, Régis de Castelnau, avocat français réputé, indique que la vente aux enchères prochaine du Mobilier national soulève de nombreuses questions. Pour commencer, il faut se demander qui va déclasser un nombre aussi élevé de pièces et ce qui pourrait justifier cette déclassification. D’autre part, il s’agit de comprendre comment il est possible que les bénéfices reviennent à une fondation privée présidée par Brigitte Macron qui n’a, rappelons-le, aucune fonction publique officielle. Selon l’avocat, la Première dame est « manifestement intervenue par l’intermédiaire de son mari pour prendre la décision de vendre à l’encan des biens d’État ». L’avocat n’hésite pas à citer « l’article 432–15 du code pénal qui sanctionne le détournement de biens publics » en supputant que cette vente bénéficiera indirectement à la personne de Brigitte Macron, en moins en terme d’image.
Car il faut comprendre que le président de la République et la Première dame ne sont EN AUCUN CAS les propriétaires de ces objets qui appartiennent à la Nation et donc, à la population française dans sa globalité. Il est pour le moins aberrant que ceux-ci puissent être vendus pour que des fonds publics soient offerts à un organisme privé dans le but de parfaire une opération de communication politique. Qui plus est, selon Régis de Castelnau, le mélange des genres public-privé dans cette opération peut-être sanctionné par « le code pénal et l’article 434–12 du code pénal qui sanctionne la « prise illégale d’intérêts » ». L’avocat conclut en soulignant l’absurdité de cette situation, précisant que « la moindre des choses serait de donner toutes les informations plutôt que de confier la communication aux journaux officiels de la flagornerie, Paris-Match et Gala. »
Un « sommet » effronté
Alors que les actions solidaires et bénévoles se multiplient au sein du peuple français pour soutenir au possible les plus vulnérables mais aussi ceux se trouvant en première ligne dans la lutte contre le covid-19, le soutien de l’État et des « élites » semble bien dérisoire. L’aide ne devrait-elle pas être structurelle et à la hauteur des enjeux ? C’est à dire : débloquer des fonds et moyens matériels pour venir en aide à la population et aux hôpitaux, avant de songer à sauver le CAC40 de quelques pertes économiques ? Où sont nos milliardaires qui jadis avaient promis des dons dans le but de reconstruire une cathédrale ? Si beaucoup de promesse très médiatiques se sont envolées en fumée avec les décombres, les champions de l’évasion fiscale – un des piliers les plus conséquents de la casse des services publics – ne semblent pas se hâter pour participer à l’effort collectif. Pourquoi le feraient-ils ? La doctrine libérale du chacun pour soi préconise le recours aux hôpitaux privés pour les premiers de cordée. Pour les autres, les déclassés, les handicapés, les malchanceux, les sans-dents, les trop vieux, les trop jeunes, il fallait mieux travailler…
Quand à Brigitte Macron, si elle avait vraiment voulu refaire sa réputation auprès du « petit peuple », peut-être aurait-elle pu revendre la vaisselle estimée à plus d’un demi-million d’euros qu’elle et son mari avaient commandé en 2018 pour leur palais ? De même pour son mari, quand on songe aux 3,6 millions dépensés par l’État pour acheter des gaz lacrymogènes ou aux 4 millions destinés aux drones de surveillance, le tout en pleine pénurie de matériel médical. Un « pognon de dingue » qui aurait pu effectivement sauver bien des vies… En fin de compte, la « base » et le « sommet » semblent très loin d’une réconciliation. Peut-être le problème réside-t-il dans l’oubli volontaire des crises passées traversées par la France ? À chaque goutte d’indécence supplémentaire, c’est le contrat social qui est un peu plus sur le point de se briser. Qu’est-il advenu des précieuses ridicules et de leurs rois méprisants ? Face à la désinvolture institutionnelle, une piqûre de rappel s’imposerait-elle ?