Le 17 décembre, et après ?

LE 17 DECEMBRE, SANS DOUTE ENCORE PLUS FORT QUE LE 5

La journée de grève et de manifestations du 17 décembre a été très massive, avec plus de 260 cortèges dans toute la France et sans doute un peu plus de manifestant.e.s que le 5 décembre, quand la CGT annonçait 1,5 millions de personnes dans les rues du pays. Pour saisir le niveau de la mobilisation, il est utile de comparer les chiffres du 17 à ceux du 5, une date déjà historique,globalement et localement. Pour le 17, la CGT avance le chiffre de 1,8 millions. Le ministère de l’Intérieur, par contre, a vu fondre les chiffres de 806 000 à 625 000. Avec un Castaner à sa tête, on ne s’en étonnera pas, mais il faut surtout y voir la volonté du gouvernement de prétendre que le mouvement reflue, une façon de justifier le maintien de sa ligne de passage en force. Parfois d’ailleurs, curieusement, la police locale note une augmentation de la participation. Or, dans la plupart des villes, les chiffres étaient au moins équivalents, et souvent supérieurs à ceux du 5. Difficile de se prononcer sur la manifestation parisienne, mais il semble qu’elle était un peu plus grosse le 17. Pour la police (contrairement au plan national), les chiffres à Paris ont augmenté de 60 000 à 70 000, tandis que du côté syndical on est passé de 250 000 à 350 000.

Quelques exemples en région : entre chiffres syndicaux et comptage policier, des camarades présent.e.s disent 10 000 à Tarbes (équivalent au 5) ; 8-9 000 à Cherbourg (autant voire un peu plus) ; entre 6 000 et 8 000 à Besançon (au moins autant) ; entre 8 000 et 10 000 à Metz (un peu plus) ; entre 6 000 et 9 000 à Chambéry (visiblement plus) ; 7-8000 à Quimper (apparemment plus). Dans certaines villes, les chiffres du 17 dépassent largement ceux du 5 : 70 000 à Bordeaux (20 000 de plus) ; 38 000 à Grenoble ; environ 30 000 à Nantes (contre 20 000) ; entre 15 000 et 20 000 (environ 5 000 de plus) à Brest ; à Rouen, plus de 20 300 (au moins 5 000 de plus) ; 15 000 le en Avignon. Selon la presse locale, à Perpignan, l’Indépendant a compté 17 000 personnes en manif (13 000 le 5) ; la presse rennaise a vu les effectifs augmenter de 13 000 à 16 000 (22 000 selon des comptages militants). Grosse manifestation aussi à Beauvais (10 000 selon la CGT, en hausse).Les chiffres semblaient équivalents entre les deux dates à Caen (20 000 selon les syndicats).

UN GOUVERNEMENT QUI NE CONVAINC PAS, UNE COLÈRE POPULAIRE BIEN PRÉSENTE

Les « explications » fournies par Édouard Philippe le 11 décembre, puis le flop communicationnel des duettistes Philippe-Blanquer devant des enseignant.e.s nancéen.ne.s le 13, n’ont pas convaincu grand-monde. Ce qui se développe dans le pays, ce n’est pas de « l’inquiétude », élément de langage convenu du discours gouvernemental et médiatique. Plus exactement, l’inquiétude fait de plus en plus largement place à une prise de conscience : un nombre croissant de travailleurs.ses se rendent compte que leurs pensions de retraite vont plonger avec la réforme Macron, et beaucoup saisissent clairement qu’il s’agit d’un véritable holdup mis en œuvre par un pouvoir au service des ultra-riches et des compagnies d’assurances. Le refus de subir une telle injustice et la colère s’ensuivent logiquement.

Observons aussi que malgré les perturbations quotidiennes de l’existence de nombreux.ses usager.e.s – des transports particulièrement – et en dépit de l’intense intoxication idéologique diffusée par les médias dominants, le soutien au mouvement social contre la réforme reste nettement majoritaire (à 62% selon le sondage publié par RTL le 1712). Le même sondage indique par ailleurs que la démission du ministre-expert à l’amnésie sélective, Jean-Paul Delevoye, ne change pas fondamentalement la perception de l’opinion publique quant à l’issue du bras de fer en cours. Il est possible que la réflexion grandisse parmi les victimes du holdup sur ce que signifie, en soi, un rapport réalisé par un individu aussi malhonnête et lié notamment au milieu de l’assurance, et que cela contribue aussi sans doute à augmenter la compréhension et le dégoût par rapport au projet gouvernemental lui-même. Il est vrai que Delevoye n’a servi de fusible à Macron-Philippe que le 16 décembre, juste au moment du sondage évoqué ci-dessus. Le successeur de Delevoye, Laurent Pietraszewski, illustre lui aussi ce pouvoir corrompu au service du capitalisme : ancien DRH d’Auchan, en août et septembre 2019, alors qu’il est député, il s’est fait payer une mission pour plus de 70 000€ net pour deux mois de travail. Pire encore, quand il était encore DRH, il a mis à pied une caissière qui avait donné un pain au chocolat à une cliente (80 centimes!).

LA QUESTION DES FÊTES DE FIN D’ANNÉE

En dehors des porteurs de ce projet, dont il importe finalement peu qu’ils tombent, s’ils n’emportent pas avec eux ce projet de contre-réforme – même si cela indique un certain état du rapport de force – une donnée reste tout de même assez inquiétante – mais guère étonnante : la même étude d’opinion que celle citée plus haut révèle que 69% des Français.es souhaitent une “trêve de Noël”, notamment en ce qui concerne les transports. Évidemment, les vacances, obtenues grâce à un travail souvent épuisant, des conditions de travail toujours plus difficile, etc., sont attendues par beaucoup d’entre nous.

On connaît la place que tiennent Noël et les fêtes de fin d’année dans la vie de la grande majorité des Français.es. On voit déjà comment ceux qui nous gouvernent, les richissimes corrompus qui les entourent, et les chiens de garde médiatiques qui diffusent leur venin sur nos écrans et nos radios mettent en avant cette question de la « trêve de Noël ». Il y a là une vraie difficulté, en particulier pour nos camarades grévistes de la SNCF et de la RATP. Ce que veut le gouvernement, c’est isoler les secteurs de pointe de la grève (RATP et SNCF) pour retourner l’opinion publique et accuser ces prétendu.e.s « privilégié.e.s », parmi d’autres mensonges honteux, de « prendre en otage les Français.es » à un moment quasi-sacré, de retrouvailles familiales. Rien d’étonnant à ce qu’un Laurent Berger soit lui aussi pour une « trêve de Noël ». Vu les résultats du sondage présentés ci-dessus, cela représente un risque réel. Pour contrer ce qui relève de la pure propagande, la question est de faire en sorte que la RATP et la SNCF ne restent pas seules en grève pendant la période des fêtes. Cela passe aussi par un travail de conviction politique qui reste à faire sur les dangers que représente ce projet. Nous avons toutes et tous énormément à perdre, bien plus que nos vacances de Noël 2019…

LA LUTTE DES ENSEIGNANT.E.S

Depuis le 5, il est certain que les deux fers de lance de la lutte étaient la SNCF et la RATP. Mais un troisième larron s’est invité, surprenant bon nombre d’observateurs.trices de tous bords : l’Éducation, qui avait déjà lutté l’année dernière contre les réformes Blanquer, notamment celle du bac. Jusqu’ici, les grévistes des transports ont pu compter sur l’appui d’une grève forte et par endroits reconductible dans l’Éducation Nationale, avec souvent de beaux cortèges dans les manifestations. Cette mobilisation enseignante a été une mauvaise surprise pour Macron et Philippe, qui axaient toute leur communication sur la dénonciation des seuls « privilégié.e.s » des régimes spéciaux, surtout RATP et SNCF. Et la colère enseignante est toujours là et bien là. Le 17, le nombre de grévistes dans l’Éducation nationale était encore très élevé. Juste quelques exemples : 60% de grévistes en Ille-et-Vilaine ; à Paris, plus de la moitié des écoles primaires (29 sur 47) étaient fermées ; à différents endroits, des lycées étaient bloqués (Condorcet…), d’autres fermés. Le problème est qu’entre les grandes journées d’action nationales (5, 10, et 17), ce sont des minorités – parfois significatives mais souvent étroites et militantes – qui reconduisent la grève dans l’Éducation. Et les syndicats majoritaires de l’Éducation (hormis localement, et parfois dans des cadres intersyndicaux) refusent d’appeler clairement à reconduire la grève au niveau national depuis le 5 décembre. La FSU, particulièrement, joue le jeu archi-connu et archi-perdant des journées de grève saute-mouton. Après le 17, nous allons avoir des grèves reconduites de façon isolée, des militant.e.s qui poursuivent la lutte ces jours-ci, mais les vacances de Noël commencent à la fin de cette semaine, et pendant 15 jours, le milieu enseignant ne pourra pas participer à la grève. Et la poursuite de la lutte dans ce milieu est envisagée… pour après la rentrée de janvier. Mais d’ici là ? Pourquoi les directions nationales majoritaires dans le milieu enseignant n’ont-elles pas voulu appeler à reconduire la grève partout après le 5, et même encore après le 17, journée de mobilisation encore plus réussie ? À vrai dire, on voudrait laisser les cheminot.e.s et agent.e.s RATP porter seul.e.s le poids de la grève que l’on ne ferait pas autre chose !… Il est très important que les enseignant.e.s, en AG ou dans leur propre cadre syndical, fassent remonter cette question aux directions qui décident du calendrier et qui disent attendre la mobilisation de leur base pour prendre des décisions. De fait, il est urgent de parvenir à augmenter la pression sur ces directions pour les pousser à lutter et organiser le combat plus qu’elles ne semblent le souhaiter. Maintenant qu’il est trop tard dans ce secteur pour la fin d’année, il s’agit de préparer sérieusement, méticuleusement, et de façon ambitieuse, une rentrée explosive !

AUTRES SECTEURS QUI PEUVENT PESER DANS LA BATAILLE

Pour que la mobilisation continue à se construire et à grossir, il est fondamental qu’elle n’en reste pas uniquement aux secteurs du public, comme en 1995. Le privé doit aussi entrer dans la bataille ! Mais cela ne sera possible que si les secteurs qui constituent aujourd’hui l’avant-garde du mouvement accentuent la pression, avec le déploiement d’une grève reconductible.

Cette question se pose également sur un terrain stratégique. Bien sûr, tous les secteurs en grève ont un certain poids, mais ce poids varie selon l’impact économique et la capacité à bloquer la machine capitaliste, à boucher la pompe à profits. Certaines grèves se déroulent dans d’autres secteurs que les transports, parfois reconductibles, mais les médias les évoquent peu ou pas du tout. C’est le cas notamment des industries chimiques, dont les raffineries, du gaz et de l’électricité, des ports et docks, des transports routiers… Voilà des secteurs où les salarié.e.s ont déjà démontré leur volonté de ne pas voir repousser leur date de départ en retraite et de ne pas se laisser avoir après celle-ci. Mais depuis le 5, les commentateurs au service du capital nous ont peu parlé des raffineries en grève ou des grévistes de l’électricité par exemple. Logique : le message à faire passer est qu’il faut en finir avec les « privilégiés des régimes spéciaux » !

Le 15 décembre, un tract commun des fédérations CGT des Cheminots, Transports, Mines et Énergie, Industrie Chimique, qui semble avoir peu marqué les esprits, fixait un ultimatum au gouvernement, lui donnant « une semaine pour annoncer le retrait de son projet », agitant la menace que « les salariés du public et du privé » comprennent « qu’ils doivent redoubler de mobilisation, démultiplier les appels à la grève dans toutes les entreprises et accroître encore le niveau des manifestations, pour être entendus ». Exiger le retrait et fixer un ultimatum, très bien ! Mais… pourquoi un délai d’une semaine ? Pourquoi faire retomber la pression au moment où on fixe un ultimatum ? Pourquoi ne pas profiter de la lancée du 17 pour décider de mettre en grève l’ensemble de ces secteurs, dès maintenant ? Qu’est-ce que les travailleurs.ses ont à gagner de cette semaine de répit offerte au gouvernement, alors que beaucoup sont déjà mobilisé.e.s ? Et les cheminot.e.s grévistes CGT (ou autres), dont les dirigeants sont cosignataires de ce tract, ou celles et ceux de la RATP, ont-ils et elles un intérêt quelconque à rester isolé.e.s pendant une semaine de plus ? La réponse semble aller de soi ! C’est maintenant, sans attendre, qu’il faudrait mettre à exécution la menace de « redoubler la mobilisation, démultiplier les appels à la grève ». Il serait souhaitable que des syndiqué.e.s ou des AG fassent remonter ces remarques aux directions de ces fédérations. Attendre, c’est déposer sur les épaules des grévistes SNCF et RATP une part exorbitante du fardeau de la grève contre une réforme qui est nuisible à tou.te.s les travailleurs.ses. Et une semaine, cela conduit au 22 décembre, juste avant Noël, un moment très délicat, comme nous l’avons dit.

L’ENNEMI DE CLASSE AFFAIBLI, MAIS AUX AGUETS

On peut affirmer avec certitude que le gouvernement et ses chiens de garde médiatiques ne vontcesser d’aboyer quotidiennement contre les grévistes des transports, présenté.e.s comme d’infâmes preneurs d’otages qui-ne-respectent-même-pas-les-fêtes-de-fin-d’année. Les jappements hargneux des éditocrates ont d’ailleurs déjà commencé. En réalité, si ces grévistes tiennent bon malgré la trêve des confiseurs, c’est l’ensemble du monde du travail qui pourra leur dire un grand merci, pour lui-même, pour les jeunes générations et celles à venir. Ajoutons à cela un fait historique et sociologique bien connu : arrêter une grève pour la reprendre ensuite avec la même force et l’énergie nécessaire, c’est une affaire pratiquement impossible. Du quasiment jamais vu. C’est cela que les partisans « syndicaux » fielleux de la « trêve » du genre de Laurent Berger se gardent bien de dire. Mais c’est un fait que le peuple et les travailleurs.ses qui n’ont pas connu l’expérience de la grève doivent savoir. Nous tirons d’ores et déjà notre chapeau aux grévistes pour ce qu’ils et elles ont fait depuis le 5 décembre, et nous redoublerons d’éloges s’ils et elles tiennent bon, malgré des fêtes de Noël et du Jour de l’An perturbées, des rencontres familiales ratées etc. (pour les grévistes comme pour les usager.e.s en général). Mais posons-nous la question : est-ce que ces regrettables contretemps pèsent lourd face à la perspective de retraites de misère pour nous tou.te.s, pour nos enfants et petits-enfants ?

COLÈRE ET COMBATIVITÉ TOUJOURS LA !

La journée du 17 a été très réussie dans un certain nombre de secteurs en lutte, et notamment à la SNCF. Certes le taux de grévistes a légèrement baissé depuis le 5, mais les AG qui se sont tenues le matin avant la manif étaient souvent les plus puissantes depuis le début du conflit, et la grève a été reconduite partout. Bref, les cheminot.e.s en lutte tiennent bon, et de multiples observateurs.trices constatent une détermination impressionnante. La fin de la semaine va sans doute être un cap délicat à passer dans cette entreprise, avec les départs en vacances et les pressions que la hiérarchie (en plus de l’oligarchie politico-médiatique) fera subir aux grévistes. Cela donne de l’espoir à tou.te.s celles et ceux qui veulent le retrait de cette calamiteuse contre-réforme et qui luttent pour la grève générale.

RATP, SNCF ET DIRECTIONS SYNDICALES

La rage et la combativité sont encore là et bien là, globalement et dans les secteurs à la pointe de la lutte. Mais il faut tout faire pour ne pas laisser les grévistes de la RATP et de la SNCF lutter seul.e.s dans la période qui commence. SNCF et RATP sont les fers de lance du mouvement, mais ces fers pourraient briser si la lance au bout de laquelle ils se trouvent s’avère friable ou en bois vermoulu. Et que faire d’une lance sans fer – un simple bout de bois peu solide – pour combattre ? Nous ne gagnerons pas face à un gouvernement de cogneurs comme celui de Macron avec un tel armement !

Pour avancer dans la lutte, il ne faut pas hésiter à critiquer les directions syndicales qui continuent à organiser l’étalement et l’éparpillement de la lutte et à les interpeller pour qu’elles aident réellement à construire, maintenant, le tou.te.s ensemble. La stratégie des directions syndicales nous a fait perdre toutes les batailles depuis des années. Il est nécessaire que des appels remontent des syndicats et des AG pour exiger des mots d’ordre de grève générale reconductible dès maintenant. Il faut que les chefs syndicaux prennent leurs responsabilités.

Malgré la colère, la stratégie mise en œuvre par les directions syndicales nous conduit presque à coup sûr à la défaite. Pourquoi ? Parce que laisser isolées la SNCF et le RATP, c’est risquer à la fois la démobilisation et la démoralisation de ces secteurs – attendre janvier pour se mettre en grève ailleurs, cela voudrait dire déjà un mois de grève dans les pattes pour les cheminot.e.s et agent.e.s RATP : sympa comme cadeau de Noël pour elles et eux !et le risque que les directions syndicales de ces entreprises négocient des accords séparés, plus ou moins au rabais. Tou.te.s les travailleurs.ses y perdraient, y compris celles et ceux des secteurs concernés, dont les entreprises sont promises à l’éclatement et à la découpe à brève échéance.

Dans un communiqué publié le 17 décembre, la CGT, FO, la FSU, Solidaires, l’UNEF, le MNL, la FIDL et l’UNL « *demandent au gouvernement le retrait total du projet sans délai*». Mais juste après, les directions syndicales se disent « disponibles pour discuter d’un autre projet »… Un autre projet, avec Macron, comme si ce dernier pouvait devenir favorable aux travailleurs.ses ?! C’est créer de terribles illusions auprès de nombreux.ses travailleurs.ses que de le laisser croire. Le même communiqué appelle à nouveau à « *poursuivre et renforcer la grève, y compris reconductible là où les salarié.es le décident*». À nouveau donc, c’est aux salarié.e.s de décider… dans leur coin ! Aucune prise de responsabilité des chefs syndicaux, une fois de plus ! Et quelle est la menace envoyée au gouvernement ? « Sans annonce du retrait, il n’y aura pas de trêve. Nous appelons à organiser des actions de grève et de manifestations partout où c’est possible, notamment le 19 décembre par des mobilisations locales et ce, jusqu’à la fin de l’année ». On sent ici une vilaine ambiguïté sur le sens du mot trêve : s’agit-il de bloquer l’économie par la grève générale pendant les Fêtes ? Ne rêvons pas ! Des actions locales, rien de plus ! Et la conclusion du communiqué va certainement terroriser le gouvernement : « Sans réponse du gouvernement dans les heures qui viennent, elles décideront des suites nécessaires, au-delà du mois de décembre » !

LA QUESTION DE L’AUTO-ORGANISATION

Évidemment, il ne faut pas se contenter d’interpeller les directions syndicales sur la construction de la grève générale. Il faut aussi miser centralement sur l’auto-organisation, c’est-à-dire la prise en charge par les travailleurs.ses en grève eux et elles-mêmes de la conduite de celle-ci, des actions qui s’y inscrivent, des relations avec les médias, de la diffusion de l’information, des liens à construire avec les autres secteurs en lutte, etc. Les tâches de la grève sont nombreuses, notamment pour construire une lutte interprofessionnelle unifiée. Mais cette perspective est essentielle. Ces deux aspects de la construction du mouvement ne s’opposent pas mais se nourrissent l’un l’autre.

D’un part l’auto-organisation est un axe central de notre lutte pour construire une société émancipatrice. La démocratie, la vraie, les mandats, les discussions politique des travailleurs/ses, la prise en main de nos affaires par nous-même etc. est un enjeu central. C’est aussi un outil puissant pour dépasser les seul·e·s militant·e·s, et élargir le combat le plus possible, en étant le plus inclusif possible. D’autre part, cela peut permettre d’éviterque les directions syndicales peu fiables et plus ou moins promptesse mettent d’accord avec le gouvernement contre la volonté majoritaire – le retrait pur et simple de la réforme si, malgré les difficultés liées à la situation elle-même, les cadres d’auto-organisation sont suffisamment solides avec par exemple la mise en place de comités centraux de grève (ou de mobilisation, ou coordinations) par secteur en lutte, qui pourraient converger dans un comité central de grève interprofessionnel. Telle est la perspective générale. Mais pour y parvenir, il est fondamental de construire ces comités ou coordinations sur la base réelle de la représentativité et de la démocratie. C’est la légitimité et l’efficacité du processus qui sont directement en jeu. C’est pourquoi il est important de ne pas griller des étapes : c’est d’abord localement qu’il faut construire l’auto-organisation, pour ensuite construire des espaces inter-sectoriels. Sans quoi il ne s’agit plus de coordination inter-secteurs mais d’espaces de discussions entre militant.e.s. Cela peut être intéressant par ailleurs : mais il ne faut pas faire croire qu’il s’agit d’espaces d’auto-organisation. Notre arme dans l’auto-organisation, c’est la représentativité, les mandats des AG et la démocratie la plus totale à la base.

UNE GUERRE DE CLASSE

Très inquiétantes aussi sont les « concertations » qui se déroulent cette semaine entre syndicats et gouvernement. Le danger, c’est d’y voir tout ou partie des directions syndicales substituer des négociations entérinant la régression sociale à l’exigence du retrait du projet, qui est majoritaire parmi les grévistes. On savait déjà que la direction de la CFDT était favorable à la retraite par points mais qu’elle refuse l’âge pivot de 64 ans. Quant à Laurent Escure, secrétaire général de l’UNSA, au sortir de sa réunion avec le Premier ministre pour négocier certains aspects de la réforme, il a déclaré : « J’ai senti une écoute du Premier ministre et des signes d’ouverture, qui restent à confirmer »… Pour ce qui est de la CGT, dans son rapport sur son entretien avec le Premier ministre, celle-ci ne mentionne pas ce pourquoi il est nécessaire de se battre : le retrait pur et simple du projet. Cela laisse malheureusement envisager le pire : que la CGT se mette aussi à vouloir négocier avec le gouvernement pour «une moins mauvaise» réforme. Et en écoutant Philippe Martinez, invité de J.J. Bourdin le 18 décembre, on n’a vraiment pas l’impression qu’il s’adresse à la colère du peuple et qu’il cherche à la faire exploser au niveau nécessaire pour enterrer le projet ! Quand il parle de la « posture idéologique » du gouvernement, il minimise la gravité de la situation.

Car c’est bien une guerre de classe que Macron et le MEDEF mènent contre les travailleurs.ses, et qu’ils sont décidés à gagner. Ilsveulent nous écraser, en nous imposant des retraites de misère, après la loi travail, la baisse des allocations familiales, la suppression de l’ISF, le CICE… Constatant précisémentl’incapacité des bureaucrates syndicaux à mobiliser au-delà de secteurs très précis, ils cherchent une victoire totale sur le prolétariat. Dans cette perspective, ils peuvent se permettre d’attendre que les grévistes de la RATP et de la SNCF soient de plus en plus isolé.e.s, perdent le moral, commencent à reprendre peu à peu et soient finalement défaits. Cela mérite d’être souligné, car c’est à partir de cette compréhension que notre combat, notamment dans les AG, n’en apparaîtra que plus crédible lorsque nous proposons d’autres stratégies que celles des sommets syndicaux.La mise sous pression des directions confédérales peut et doit se faire dès que nous le pouvons. À l’intérieur des structures syndicales évidemment, les bases militantes déjà très combatives, ont déjà permis dans certains secteurs comme à la RATP de pousser les directions à aller plus loin qu’elles ne le souhaitaient. C’est à cela qu’il faut s’atteler.

UN BRAS DE FER QUE NOUS DEVONS GAGNER

Pour gagner, face à un tel gouvernement et face à la menace d’une immense régression sociale, il faut clamer haut et fort, face aux « concertations » bidon et aux possibles trahisons bureaucratiques, malgré les fêtes de fin d’année, aucune négociation, aucune trêve jusqu’au retrait !

Dans le bras de fer social actuel, malgré ses tares et ses faiblesses, c’est le gouvernement qui semble être muni d’un bras de fer. L’intersyndicale face à lui semble lui opposer une sorte de main de nouille ! Plus sérieusement, cet état-major de la grève n’est pas à la hauteur et nous envoie dans le mur. La colère est grande dans le pays, mais c’est une véritable guerre qu’il faut déclarer au gouvernement. Et ce n’est pas avec un tel état-major que nous pourrons faire avaler à Macron et Philippe le Rapport Delevoye en guise de dinde aux marrons. Il est urgent de construire une alternative, fondée sur la base et l’auto-organisation, à celles et ceux qui dirigent la lutte en notre nom.

Tou.te.s dans la lutte, public comme privé ! C’est le moment, non seulement pour éviter d’avoir des retraites de misère, mais aussi pour améliorer immédiatement notre situation, en imposant des reculs au pouvoir sur ses contre-réformes récentes, en imposant la hausse immédiate du SMIC de 200 euros et par là de tous les autres salaires. Et rappelons-nous aussi que si à quelques centaines de milliers, les Gilets jaunes ont obtenu 10 milliards d’euros par leur détermination, nous pouvons obtenir bien plus en étant des millions.

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