Oui, nous pouvons gagner !

Malgré les obstacles qui s’accumulent, il est possible de gagner. La détermination des grévistes et leur immense soutien parmi les travailleur.se.s constituent une force considérable. À condition que les grévistes parviennent à prendre en main la grève et à lui impulser la direction nécessaire pour cela.

Macron prétend infliger une terrible défaite à tou.te.s les travailleur.se.s pour accélérer son offensive

Le gouvernement se montre inflexible : Macron et Philippe espèrent infliger une défaite complète aux travailleur.se.s et notamment à ses fractions les plus organisées et combatives, cheminot.e.s et agent.e.s de la RATP. Cela leur ouvrirait un boulevard pour pulvériser à une vitesse encore accélérée les conquêtes sociales ou ce qu’il en reste dans tous les secteurs, flexibiliser, précariser, comprimer les salaires, allonger la durée du travail, etc.

Ce gouvernement a minutieusement préparé le combat avec une extrême détermination. Il a orchestré une vaste campagne de communication largement relayée par les médias. Il a fait fermer administrativement les centres universitaires habituellement les plus mobilisés (Tolbiac, puis la Sorbonne, le Mirail, etc.) ou a anticipé les examens (Paris 3 Censier) pour éviter que la jeunesse étudiante n’entre dans la bataille et ne constitue un facteur d’entraînement dans la mobilisation. Il a dosé son offensive contre les grévistes en tenant compte de la force de la grève. Il a pris un décret honteux allongeant le temps de conduite des chauffeurs de car au mépris de la sécurité des usagers et alors que déjà, en temps normal, les accidents sont de plus en plus fréquents. Actuellement, la direction de la RATP met en application un dispositif calculé pour essayer de briser le moral des grévistes, en utilisant quelques agents ou cadres supplémentaires pour rouvrir aux heures de pointe une ligne (comme la ligne 10) ou même seulement sur la tranche horaire matinale (comme la ligne 2 et 11) ou celle du soir (ligne 3 entre Havre-Caumartin et Pont de Levallois), même si c’est un minuscule tronçon (comme sur la ligne 8 entre Créteil Pointe du Lac et Reuilly-Diderot ou sur la ligne 9 entre Mairie de Montreuil et Nation ou Pont de Sèvres et Saint-Augustin) et même s’il n’y a presqu’aucun métro sur ce tronçon, et avec un nombre considérable de stations fermées sur ces lignes. Pour donner un exemple, sur la ligne 11 : les stations essentielles Châtelet-Les-Halles, Arts et Métiers, République, Belleville et Place des fêtes sont fermées ! Il s’agit d’un pur affichage, car le taux de gréviste global des conducteurs est toujours de 97%, et les lignes tournent donc au total avec 105 conducteurs, plus les jaunes de la Réserve Générale qui commencent à être épuisés. Le seul but de la direction de la RATP est de donner le sentiment aux grévistes que leur grève commence à faiblir et qu’ils et elles ne peuvent donc pas gagner. La direction espère ainsi que des grévistes abandonnent la grève et que l’effet de démoralisation se propage.

Mais la grève est forte et dure. Elle bénéficie d’un immense soutien dans l’opinion, surtout si on mesure les difficultés qu’elle implique chaque jour pour les travailleur.se.s allant au boulot. Le commerce et le tourisme sont fortement impactés et les départs en vacances vont l’être également. Voilà pourquoi le gouvernement devrait se sentir en danger et reculer. Mais….

Les directions syndicales abandonnent les grévistes

Toutes les directions syndicales continuent de participer aux concertations – comme si on pouvait parvenir à un accord valable avec le gouvernement –, au lieu de les rompre et d’appeler massivement l’ensemble des salarié.e.s à la grève. Chacune de ces directions syndicales joue sa partition.

À la droite de l’arc syndical, la direction nationale de l’UNSA ferroviaire s’aligne explicitement sur Macron et Philippe en appelant à une trêve pendant les fêtes : c’est une trahison ouverte de la grève ! Son poids chez les conducteurs est réduit (7,5% aux élections professionnelles), mais cela vise à jouer le même rôle d’effritement de la grève que la politique de la direction de la RATP. Quant à la CFDT, son opposition a de l’influence dans l’opinion, mais elle pèse moins sur le terrain où elle mobilise peu, comme on l’a vu le 17 décembre.

Plus à gauche, les directions de la CGT, de FO, de la FSU et de Solidaires abandonnent aussi à leur façon les cheminot.e.s et les agents de la RATP, en appelant à une prochaine journée de grève le 9 janvier, soit dans 3 semaines ! Cela revient à faire retomber tout le poids de la grève sur les collègues de la RATP et de la SNCF, dispersé.e.s dans des dizaines ou des centaines d’AG. Si elles voulaient couler la grève, ces directions ne s’y prendraient pas autrement.

Mais les travailleur.se.s à la base sont déterminé.e.s à se battre jusqu’au bout

Cependant, tout ne se passe pas comme prévu pour le pouvoir. À peine la direction de l’UNSA ferroviaire avait-elle trahi en rase campagne en appelant à une trêve que l’UNSA ferroviaire Pôle Traction (et donc les conducteurs) rejetait explicitement cette décision, affirmant que la grève appartient aux grévistes.

Ce fait, parmi d’autres, confirme qu’à la base, la détermination est immense, car la conscience de l’importance de ce combat est considérable. Voilà désormais les grévistes au pied du mur. Car la volonté, la combativité et la rage ne sont pas suffisantes. Il faut aussi qu’elles s’incarnent dans une politique permettant de faire basculer la situation.

Une politique pour gagner

Il est possible de sortir de l’impasse et d’ouvrir la voie à la victoire :

● en organisant dès maintenant des actions qui fassent vivre la grève: blocage de dépôts ou de plateformes logistiques en accord avec les salarié.e.s concerné.e.s, manifestations de rue régulières et déterminées, notamment en lien avec les Gilets Jaunes (notamment le 28 décembre, jour où de nombreuses initiatives sont en préparation), actions visibles qui dévoilent le sens de la réforme et de la politique de Macron.

● en assurant la solidarité active avec les grévistes, notamment avec des fêtes de soutien, pour organiser un Noël de grève, un peu comme les Gilets Jaunes avaient su l’inventer l’année dernière – infiniment plus déterminé.e.s et inventifs.ves que les bureaucrates syndicaux. Les personnels de l’Education aussi fortement mobilisés, mais qui à partir de demain seront en vacances, doivent fortement y contribuer. Ces moments de solidarité sont aussi l’occasion de tisser des liens avec d’autres secteurs et de travailler ainsi à l’extension de la grève.

● en combattant sans relâche la propagande gouvernementale qui vise à présenter la réforme comme positive pour les salarié.e.s, et les grévistes comme des gens défendant leur prétendus privilèges ; en soulignant au contraire que la réforme serait nocive pour tou.te.s les travailleur.se.s et montrant que les grévistes se battent en ce sens pour toute la classe ouvrière.

● en travaillant à transformer le soutien passif à la grève en soutien actif, c’est-à-dire à étendre la grève dans de nouveaux secteurs, à la durcir dans d’autres, ou en préparant sa reprise encore plus forte à la rentrée pour les secteurs se retrouvant maintenant en vacances. Dans l’Education, il faut défendre non seulement la participation aux actions faisant vivre la grève et la solidarité avec les grévistes, mais aussi l’axe « pas de retrait, pas de rentrée », reprendre la grève reconductible dès le lundi pour l’étendre, tout en exigeant des directions syndicales du secteur à tous les niveaux qu’elles appellent enfin, dans l’unité, à la grève jusqu’au retrait, au lieu de nous balader de temps fort en temps fort, qui laissent isolés les secteurs en grève reconductible.

● en s’adressant aux salarié.e.s de tous les secteurs, public et privé, en leur disant qu’il est non seulement nécessaire de combattre pour le retrait du projet Macron de retraite à points, car il prépare une retraite universellement misérable à toutes et tous, mais aussi parce que le rapport de forces crée par cette puissante et longue grève RATP-SNCF offre une opportunité unique à tous les travailleur.se.s, quel que soit leur secteur, d’arracher des reculs au pouvoir ou des améliorations, à condition de se lancer maintenant, ensemble, dans la grève : pour imposer le retrait de réformes propres à leur secteur, des augmentations de salaire de 300 euros pour tou.te.s, etc. C’est maintenant qu’il faut y aller, maintenant et pas dans 3 semaines ou 3 mois. C’est la condition pour que d’autres secteurs ne regardent pas simplement la grève avec sympathie, mais y entrent à leur tour.

● en lançant une immense campagne de solidarité financière avec les grévistes pour qu’elles et ils puissent tenir en attendant qu’elles et ils parviennent à convaincre d’autres secteurs de les rejoindre dans la grève, seule chose qui pourra vraiment faire basculer la situation, mais qui peut prendre un certain temps; car si le coût de la grève n’est pas tout, c’est un facteur qui pèse lourd dans un conflit. Or, vu le nombre relativement réduit de grévistes en reconductible aujourd’hui, au maximum 50 000, en additionnant RATP, SNCF et raffineries, il est parfaitement possible de collecter l’argent pour financer intégralement les 21 jours de grève qui séparent ce 19 décembre du 9 janvier. En supposant qu’un gréviste gagne en moyenne 2000 euros net par mois, il suffirait pour cela que 10% des personnes soutenant la grève, soit 2,5 millions environ, versent 29 euros par personne ou, si l’on préfère, que chaque adhérent.e de la CGT, de FO, de Solidaires et de la FSU verse 58 euros [1]. On peut aussi constater que ces chiffres sont dérisoires quand on les compare aux millions que les partis dits « de gauche » sont capables de trouver et d’investir dans leurs campagnes électorales : s’ils sont vraiment dans le camp des travailleur.se.s, ils devraient immédiatement consacrer l’essentiel de leurs efforts financiers à payer la grève.

● C’est Macron qu’il faut battre, Macron et le patronat dont il est le fidèle serviteur, pour s’ouvrir un avenir meilleur. Gagner le bras de fer imposé par le pouvoir, c’est ouvrir la voie à un changement des rapports de forces ; perdre, c’est ouvrir la voie à un Macron nous attaquant avec une agressivité décuplée.

Mais qui pour porter cette politique ?

Les grévistes elles-mêmes et eux-mêmes organisé.e.s en comité central de grève

Voilà la politique que les directions syndicales devraient porter. Il faut continuer de le leur demander, à tous les niveaux. Mais cela ne peut pas suffire : on sait que les directions font souvent fi des attentes de la base. Or, le temps presse.

Seul.e.s les grévistes elles-mêmes et eux-mêmes peuvent prendre en charge cette orientation. Mais elles et ils ne le peuvent pas en restant dispersé.e.s en dizaines et centaines d’AG. Les grévistes nepourront le faire que si elles et ils unifient leurs forces dispersées en une structure unique, un comité central de grève, à la RATP et à la SNCF, puis entre les deux entreprises, tout en cherchant à rallier de nouveaux secteurs entrant en grève reconductible.

Un tel organe serait en mesure de s’adresser avec autorité non seulement aux directions syndicales à tous les niveaux (confédérations, fédérations, syndicats nationaux, régionaux, locaux, d’entreprise, etc.), mais aussi à tou.te.s les travailleur.se.s pour obtenir leur soutien dans les actions programmées, pour les entraîner à leur tour dans la grève dès que possible et, dans l’immédiat, pour obtenir leur solidarité financière.

Voilà pourquoi il ne faut plus tergiverser : des comités de grève dans toutes les AG, et vite un comité central de grève pour pouvoir mener la politique dont nous avons besoin pour gagner !


[1] Dans la plupart des autres secteurs, à l’exception d’une frange de l’Education, le nombre de jours de grève est nettement plus réduit. Par ailleurs, il existe déjà des caisses de grève correspondantes, comme celle de la coordination nationale de l’Education (….) ou des caisses de grève locales professionnelles ou interprofessionnelles.

Illustration : Photothèque rouge/JMB

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