Les syndicats doivent immédiatement financer les grévistes !

5 semaines de grève à la RATP et à la SNCF. Si ce mouvement est d’ores et déjà historique, cela ne suffit pas pour lui permettre de gagner. Gagner ici signifie faire plier un gouvernement, engager une bataille politique majeure pour permettre au prolétariat dans son ensemble de relever la tête et de faire face. Faire plier un gouvernement, cela signifie s’engager dans un combat frontal qui met en évidence le lien entre l’attaque contre les retraites et le projet de société ultralibéral et autoritaire proposé par Macron et son gouvernement. Dès lors, les confédérations syndicales encore habitées en partie par une orientation lutte de classe doivent assumer leur rôle non pas seulement d’opposition mais bien de confrontation face au gouvernement et stopper dès maintenant les prétendues concertations et autres négociations.

 

Il serai illusoire de penser que les confédération, particulièrement la CGT, soient réellement capables, à elles seules, de remporter cette victoire. Une victoire passe nécessairement par l’auto-organisation des travailleurs/euses qui doivent contraindre les directions syndicales à mettre au service de la bataille leur appareil et contribuer à mobiliser massivement différents secteurs en appelant et en construisant la grève générale. Pour autant, certains éléments sont parfaitement de leur ressort, notamment en ce qui concerne le financement de la grève. On peut estimer à la louche qu’il « suffirait » de 50 millions d’euros pour financer de manière très significative la grève d’un mois dans les secteurs stratégiques en grève reconductibles (SNCF, RATP, raffinerie) en donnant 1000 euros à chaque gréviste qui sont au maximum 50000 dans ces secteurs. Mais où trouver cet argent ?

 

En premier lieu les cotisations des adhérents des syndicats devraient servir à soutenir massivement cette grève. A titre d’exemple les cotisations annuelles de la CGT (qui ne représentent qu’une part de ses ressources) sont comprises entre 75 millions et 100 millions[1]. De nombreux millions pourraient ainsi être donné aux grévistes sur ces cotisations et une cotisation exceptionnelle pourrait même être demandée. Ainsi si la CGT, FO, Solidaires et la FSU prenaient uniquement 20 euros de cotisations à tous leurs adhérents, on pourrait obtenir directement entre 20 et 30 millions d’euros. Soit beaucoup plus que la plus grosse caisse de grève de la CGT infoCom[2] (qui a mené une bonne politique sur la question en termes de transparence et en publicisant leur caisse largement) qui a atteint les 2 millions. Une mobilisation de cette importance n’a lieu que tous les 10 ans et une aide de plusieurs dizaines de millions pourrait même être financé sur plusieurs années en consacrant des fonds dédiés aux caisses de grève comme le fait la CFDT qui a une caisse de grève de 126 million. Il s’agit là d’un choix de politique syndicale fondamental si l’on veut que les syndicats soient réellement au service des luttes et des grévistes.

 

De plus, créé en 2014, le « Fonds pour le financement du dialogue social » à pour but de « contribuer au financement des organisations syndicales et patronales, en complément des adhésions et des cotisations ». Alimenté par « les entreprises et l’État », ce Fonds donne « au dialogue social les moyens financiers de vivre », affirmant là une « reconnaissance » du rôle des syndicats dans la gestion des politiques publiques[3]. En d’autres termes, l’État finance par des subventions le syndicalisme de cogestion.  En 2016, plus de 122 millions d’euros ont été partagés entre syndicats et patronat. Sur l’ensemble, 83 millions sont revenus, dont 19 millions pour la CGT, presque autant pour la CFDT, près de 15 millions pour FO et 3 pour l’UNSA et Solidaires[4]. En 2018, c’est plus de 128 millions d’euros qui ont été versés[5]. Tous les syndicats, sans exception, touchent donc de l’argent de la part de l’État (au pro-rata de leur poids dans l’espace syndical national) pour les remercier de leur travail de cogestion.

 

Dès lors, avec de telles sommes, il paraît complètement hallucinant que ce soit, aujourd’hui, aux grévistes eux et elles-même de faire la quête dans les manifestations pour récolter quelques milliers d’euros à se partager. Rien que la CGT, aurait largement pu financer les premières semaines de grève à la RATP, en annonçant directement qu’elle mettait à disposition une grosse somme d’argent pour inciter un maximum d’agent.e.s à se mobiliser mais aussi à tenir, sans être inquiété.e.s par des difficultés financières. Ne pas l’avoir fait, avoir laissé les travailleurs/euses prendre entièrement en charge cet aspect, c’est les avoir laissé.e.s livré.e.s à elles/eux même. C’est bien beau d’appeler à « généraliser la grève » mais si rien n’est fait matériellement pour que cela se produise, la grève ne se généralise pas. C’est ce que nous vivons aujourd’hui.

 

Il ne s’agit pas de dire que l’absence de mobilisation dans d’autres secteurs clés du prolétariat soit uniquement en lien avec l’argent mais il est certain que c’est un des éléments qui peut l’expliquer. Aujourd’hui, dans les AG de bases et à l’heure ou le poids de 40 jours de grève commence largement – et légitimement – à se faire sentir à la RATP, il faut pouvoir porter ces revendications de mise à disposition des subventions encaissées par les centrales syndicales à la fois pour pouvoir être débarrassé.e.s des inquiétudes liées à l’argent mais aussi pour envoyer un signal fort aux directions syndicales : nous n’allons plus vous laisser décider pour nous ce qui nous revient, ce qu’il y a à négocier où la façon dont nous devons nous comporter dans notre grève.

 

Les confédérations doivent payer, obligeons les à le faire, vite.

 

 

[1] En 2003 un rapport fourni le chiffre de 75 millions d’euros de cotisation par an pour la CGT https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/064000364.pdf  , depuis ce montant a dû augmenter avec l’inflation et si l’on multiplie le nombre officiel d’adhérents donné par la CGT (650 000 en 2017) et le montant annuel d’une cotisation d’un travailleurs au SMIC (environ 150 euros soit 1% du salaire) on obtient environ 100 millions. Par ailleurs le budget de la confédération est de l’ordre de 4 millions d’euros par an dont 34% viennent des cotisations.

[2] https://www.caisse-solidarite.fr/

[3]http://www.agfpn.fr/pdfs/AGFPN-fonds-enjeux-principes.pdf

[4]https://www.capital.fr/votre-carriere/la-jolie-hausse-des-subventions-aux-syndicats-1260667

[5]https://www.lexpress.fr/actualite/societe/pour-financer-le-dialogue-social-syndicats-et-patronat-ont-recu-126-8-millions-en-2018_2108378.html

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