La CGT ne doit pas participer à la conférence pour le financement des retraites

 

Le 21 janvier, la direction confédérale de la CGT a décidé de participer à la «Conférence sur le financement des retraites», conférence organisée par le gouvernement pour trouver une «solution» dans le cadre de la réforme des retraites à la suspension provisoire de l’«âge pivot».

L’UGICT-CGT est très claire quant à la fumisterie de la démarche :

«[Le gouvernement] invite syndicats et patronat à débattre des mesures d’équilibre à 2027 en mettant deux conditions : pas de baisse des pensions et pas d’augmentation du coût du travail. Pour ce qui est de faire baisser les pensions, pas de souci… les syndicats opposés à cette réforme ne proposeront jamais rien de tel. Et pour ce qui est de faire baisser les pensions, la réforme systémique s’en chargera.»

L’arnaque du gouvernement était attendue depuis bien longtemps : matraquer médiatiquement cet épiphénomène de l’âge d’équilibre, pour le faire sauter, et décrocher la partie la plus crasse du front intersyndicale : la CFDT. Tout cela à bien fonctionné, et la CFDT s’est écrasée, encore une fois.

Dans ces conditions, il paraît surprenant que la CGT confédérale veuille participer à cette mascarade, et on peut s’interroger sur sa capacité à comprendre le monde du travail que cette direction confédérale clame vouloir représenter.

Dans un message adressé aux fédérations et unions départementales, la CGT confédérale s’explique :

«Il ne s’agit nullement de nous inscrire dans une acceptation d’une réforme systémique et de l’accompagner par des propositions de financement, tout au contraire, nous visons à porter le débat sur la réalité du financement actuel de notre système de retraite, sur nos propositions pour une pérennisation de ce dernier en mettant en lumière le fait que ce sont les choix politiques successifs qui ont participé à la fragilisation du système et que d’autres choix politiques peuvent y remédier.»

Mais avec qui veulent-ils  « porter le débat sur la réalité du financement actuel de notre système de retraite » ? Avec ce gouvernement, dans la droite ligne des précédents, qui sert le grand patronat, et casse avec acharnement et minutie tous nos conquêtes sociales, tout ce qui permet de protéger un tant soit peu les travailleurs/ses, les chômeurs/ses, les étudiant·e·s, etc. – en somme, les exploité·e·s et les plus démuni·e·s – ? Vraiment ?

Cette politique est un signe criant de l’intégration des hautes directions syndicales à l’appareil d’État : en effet, par son statut de « partenaire social », la CGT est largement financée par des subventions. On pourrait se dire qu’il faut de l’argent pour défendre les exploité·e·s, et que cet argent, même venant de l’État, il faut le prendre. Oui, mais cet argent rend aussi la confédération dépendante à l’État contre lequel elle dit lutter. Cette façon d’organiser le syndicalisme est tellement intériorisée par les syndicalistes de haut rang comme Martinez qu’il est certain qu’ils et elles pensent œuvrer pour l’intérêt des travailleurs/ses. Mais n’en voit-on clairement les limites lorsque cette politique en arrive à les faire siéger dans une conférence qui vise à faire appliquer une réforme dont ils et elles exigent le retrait ?

La consultation des directions intermédiaires 

Une fois n’est pas coutume, la commission exécutive de la CGT confédérale, suite à sa décision, a lancé une concertation des organisations du CCN (Conseil confédéral national), qui est la structure large de direction confédérale. Si nous ne pouvons que saluer le fait de consulter plus largement que le bureau national (organe de direction très puissant mais restreint dans la CGT), on peut s’étonner de le faire après avoir déjà pris la décision.

Toujours est-il que la direction a bien lancé cette consultation des directions de fédérations et d’unions départementales avec l’appel suivant :

«Notre objectif est d’éclairer le débat public de nos propositions et analyses afin de replacer ce dernier au centre des enjeux et de gagner l’adhésion encore plus massive à la mobilisation. Par la présente, les organisations du CCN sont invitées à exprimer leur positionnement sur cette démarche, cette stratégie et les initiatives qui la constituent.»

Il ne s’agit aucunement de consulter la base des syndiqué·e·s de la CGT, mais les directions dites intermédiaires, de branches, ou géographiques et interprofessionnelles. Malheureusement cette consultation a donné un appui à la décision du Bureau National de la CGT confédérale puisque les résultats ont été les suivants :

67 organisations ont répondu (16 FD, 51 UD) : POUR : 55, CONTRE : 9, ABSTENTION : 3.

On voit donc que les directions intermédiaires veulent aussi jouer le jeu du dialogue avec un gouvernement qui incarne complètement les intérêts du grand patronat. Pour beaucoup de militant·e·s de base, qui construisent la lutte tous les jours dans leur secteur, et qui ressentent une haine viscérale pour ce gouvernement, cela est difficilement compréhensible.

Des fédérations comme la Ferc veulent jouer le «coup» d’aller à la première réunion puis de claquer la porte ! Cette tactique est aussi ridicule qu’inutile, tant elle est inaudible pour la majorité des travailleurs/ses.

Ces positions sur la conférence de financement illustrent bien un phénomène que nous combattons. En effet, si les dirigeant·e·s de fédérations et des unions départementales sont à coup sûr sincères, leur situation est particulière : beaucoup ne travaillent plus que pour le syndicat, et sont même devenu·e·s incapables de reprendre leur travail initial. Le fait qu’ils ne vivent plus que par et pour le syndicat, cette situation matérielle d’existence fait qu’une grande partie de ces représentant·e·s syndicaux/ales ont vraisemblablement perdu la boussole de la lutte de classe. Ils et elles ne pensent plus qu’en termes d’institutions et d’institutions syndicales, et n’arrivent plus à voir que la lutte, la vraie, se déroule avec l’ensemble des exploité·e·s plutôt qu’en allant bavarder avec un gouvernement sourd aux aspirations des plus démuni·e·s.

Renouer avec la lutte des classes, stopper toute concertation, et construire la grève générale

 

La CGT porte de lourdes responsabilités dans la situation politique actuelle. En effet, au-delà de ce mouvement historique contre la réforme des retraites, celui-ci arrive après plusieurs décennies de stratégie perdante proposée par la confédération. Des journées de grève isolées aux fameuses grèves perlées, les solutions proposées par la confédération de la CGT se sont soldées par de vastes échecs pour les mouvements sociaux nationaux. Tout au long des dernières décennies, la CGT s’est intégrée à chaque fois un peu plus, aux institutions, et donc, in fine au capitalisme.

On peut même voir, avec l’évolution des approbations du rapport d’activité aux congrès confédéraux de la CGT (qui réunissent déjà des «haut·e·s gradé·e·s» de l’organisation), un désaveu de plus en plus prononcé.

Évolution de l’approbation au rapport d’activité de la confédération aux différents congrès.

De la même façon que sa politique est déconnectée des aspirations des exploité·e·s, l’analyse des mouvements sociaux par la confédération est bien souvent erronée. Le dernier exemple en date est l’extraordinaire mouvement des Gilets Jaunes, complètement méprisé par la confédération de la CGT, alors même que parmi les Gilets Jaunes se trouvaient bon nombre de syndicalistes de base, dégouté·e·s de leurs directions.

Il est temps que la politique de la confédération et des directions intermédiaires change. Il y a du pain sur la planche, et une profonde restructuration de l’appareil syndical est nécessaire. Mais on voit, dans la lutte actuelle contre la casse des retraites par Macron, que le mouvement a été suffisamment fort et radical pour exercer une forte pression sur les directions syndicales – notamment en conduisant l’UNSA-RATP à dénoncer l’attitude de sa confédération – et c’est pourquoi, nous-mêmes, en tant que syndiqué·e·s, nous pouvons et devons interpeller nos directions pour qu’elles rompent avec cette politique du dialogue social. Il est grand temps que les directions syndicales renouent enfin avec un syndicalisme de lutte de classe.

Dans la situation actuelle, il est plus que nécessaire que la direction confédérale lance un appel clair à la construction de la grève générale pour paralyser le pays et la production, bloquant ainsi la pompe à profits. Il faut que toute l’organisation œuvre à sa construction. En plus de mettre l’organisation au service de la construction, avec les moyens importants dont elle dispose, un appel clair donnerait confiance aux militant·e·s locaux qui hésitent encore à se lancer dans l’affrontement général.

Il est plus que nécessaire aussi que la CGT confédérale organise la solidarité avec les secteurs stratégiques les plus en pointe que sont la SNCF et la RATP, pour que leur grève jusqu’au retrait puisse reprendre. Il est quand même très surprenant que l’énorme travail de construction d’une caisse de grève nationale soit organisé par le syndicat InfoCom’ CGT, et non pas par la confédération elle-même ! La CGT, par les subventions qu’elle perçoit, et par nos cotisations, a de l’argent, et cet argent doit vraiment servir, de façon  totalement prioritaire, à construire le rapport de forces qui fera plier le gouvernement. Et soyons sûr.e.s que ce rapport de forces sera suffisant s’il emprunte la voie d’une grève générale illimitée jusqu’au retrait du projet de réforme des retraites ! C’est dans cette direction que nous devons agir.

 

Annexe : message du BN de la CGT aux organisations du CCN

Cher.es Camarades,

La Commission Exécutive Confédérale du 21 janvier, sur proposition du Bureau Confédéral, a validé notre démarche et notre stratégie concernant la manière dont nous proposons d’aborder la « Conférence sur le financement des retraites » qui sera prochainement organisée par le gouvernement. 

Nous participerons, à l’instar des organisations syndicales qui y sont conviées et constitutives de l’intersyndicale, à la première de ces réunions en y portant et développant nos revendications, nos propositions de financement, appuyé de l’expertise de différents économistes.

A cette occasion, un plan de communication exceptionnel va être mis en place et les éléments constitutifs seront transmis aux organisations. Dans le même temps, il a aussi été décidé d’organiser par nous-même et unitairement une « Contre-Conférence nationale » en région parisienne et aussi en territoire de manière la plus unitaire possible, ce qui appellera à l’implication de nos organisations territoriales.

Il ne s’agit nullement de nous inscrire dans une acceptation d’une réforme systémique et de l’accompagné par des propositions de financement, tout au contraire, nous visons à porter le débat sur la réalité du financement actuel de notre système de retraite, sur nos propositions pour une pérennisation de ce dernier en mettant en lumière le fait que ce sont les choix politiques successifs qui ont participé à la fragilisation du système et que d’autres choix politiques peuvent y remédier.

Notre objectif est d’éclairer le débat public de nos propositions et analyses afin de replacer ce dernier au centre des enjeux et de gagner l’adhésion encore plus massive à la mobilisation. Par la présente, les organisations du CCN sont invitées à exprimer leur positionnement sur cette démarche, cette stratégie et les initiatives qui la constituent.

Vous trouverez en pièce jointe le formulaire de vote.

Votre avis est à nous retourner impérativement avant le vendredi 24 janvier avant 16h à l’aide du formulaire ci-joint.

Vous remerciant par avance de votre réponse,

Bien fraternellement,

 

photo ©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

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