AVANT-PROPOS : les articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » ne représentent pas les positions de notre tendance, mais sont publiés à titre d’information ou pour nourrir les débats d’actualités.
SOURCE : L'Humanité
Sous le titre générique « Effets d’une variation de transferts socio-fiscaux sur le niveau de vie et les inégalités», une étude publiée le 23 janvier par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), n’a guère retenu l’attention de la presse. Elle est parue dans un contexte où des sujets comme le « coronavirus » en Chine, la lutte contre la réforme des retraites en France et les dégâts des inondations dans le Roussillon étaient porteurs dans les médias. En chiffrant le coût cumulé de trois prestations sociales, cette étude permet de déduire que la somme nécessaire pour améliorer légèrement la vie des plus pauvres pouvait être largement couverte par les rentrées fiscales provenant de l’ISF avant sa suppression par Macron. Mais, au contraire, ce sont les plus pauvres qui paient pour enrichir les plus riches depuis plus de 30 mois en France.
Cette simulation de l’INSEE a pris 2018 comme année de référence. Elle vise à démontrer comment une « hausse de 5% du montant forfaitaire du RSA » et de certaines prestations sociales peuvent améliorer la situation des ménages aux revenus les plus faibles dans notre pays. Le texte de l’Institut nous prévient en ces termes : « Pour estimer ces effets, l’INSEE propose un cahier de variantes de réformes de prestations et prélèvements à partir du modèle de micro-simulation Ines (sources et méthodes). Sont présentées ici quatre variantes issues du cahier, contenant le revenu de solidarité active (RSA), les prestations familiales, les aides au logement et l’impôt sur le revenu (1). Un cahier de variantes détaille l’ensemble des variations simulées (hausse ou baisse de 1%, 3% où 5% des paramètres des différents transferts). Dans un objectif de lisibilité, seuls les effets d’un hausse de 5% sont commentés ici, sur la distribution des niveaux de vie, des indicateurs d’inégalité et de pauvreté monétaire, les masses monétaires versées et les effectifs taux des bénéficiaires».
Plus 5% sur les RSA, c’est 2,8% de plus en pouvoir d’achat pour le plus pauvres
Pour dire les choses plus clairement, sont portées à notre connaissance les améliorations de pouvoir d’achat rendues possibles pour les ménages à faibles revenus par ce calcul de hausse fictive du RSA, des allocations familiales et de l’Aide personnalisée au logement en 2018. Ces calculs ne portent que sur l’an II du quinquennat d’Emmanuel Macron. Selon l’INSEE, « une hausse de 5% du montant forfaitaire du RSA au 1er janvier 2018 (soit 27 euros de plus par mois, par rapport à un montant de 550 euros mensuels en moyenne sur 2018) coûterait 850 millions d’euros aux finances publiques, soit autant de gain de revenu disponible pour les ménages. Elle augmenterait le niveau de vie moyen des personnes initialement bénéficiaires du RSA de 1,3%. La hausse serait plus forte dans le bas de l’échelle des niveaux de vie. Le niveau de vie des personnes initialement bénéficiaires et appartenant aux 10% les plus modestes de l’ensemble de la population augmenterait en moyenne de 2,8% », nous indique cette simulation.
Mais, en réalité, le RSA n’a augmenté que de 1% en 2018. Cette hausse n’a pas couvert l’inflation moyenne durant cette même année. Le RSA n’a augmenté que de 1,6% en 1019, ce qui correspond grosso modo à l’inflation moyenne. On peut en conclure que les pauvres qui bénéficient du RSA sont plus pauvres trois ans après l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée qu’au moment où il y est entré. D’autant que beaucoup de bénéficiaires du RSA sont aussi des parents de jeunes enfants et perçoivent à ce titre des allocations familiales. Souvent aussi ils sont locataires d’un appartement et ont besoin de l’Aide personnalisée au logement (APL). Ils ont aussi perdu du pouvoir d’achat depuis trois ans via la sous revalorisation de ces deux prestations.
Des allocations qui augmentent 5 fois moins que l’inflation
Concernant l’augmentation fictive des allocations familiales formulée dans l’étude de l’INSEE sur l’année 2018, on peut lire ceci : « Une augmentation de 5% du montant de la base mensuelle du calcul des allocations familiales (Bmaf) au 1er janvier 2018 (soit 20 euros de plus par mois environ ) se traduirait par une hausse de toutes les prestations familiales(…) Par exemple, les allocations familiale augmenteraient de 7 euros par mois pour un couple aux revenus modestes avec deux enfants de moins de 14 ans (…) La hausse de 5% de la Bmaf augmenterait de 0,5% le niveau de vie moyen des bénéficiaires des prestations familiales appartenant aux 10% les plus modestes de la population et de 0,4% celui des bénéficiaires entre les 1er et troisième décile… » .
Cette différence est facile a comprendre, les allocations sont attribuées à toutes les familles que l’on soit smicard ou cadre supérieur. Mais, de ce fait, les allocations atteignent un pourcentage beaucoup plus élevé dans le revenu global du smicard que dans celui du cadre. Or les allocations familiales n’ont augmenté que de 1% en 2018, soit nettement moins que celle des prix durant la même année. Pire encore, la revalorisation des allocations familiales n’a été que de 0,3% en 2019 alors que l’inflation a été 5 fois plus élevée. La même punition à + 0,3% est prévue en 2020 mettant encore plus en difficulté les familles les plus modestes.
APL en baisse en 2018, sous revalorisée en 2019 et 2020
Le troisième volet de la simulation effectuée l’INSEE concernant les prestations sociales nous dit ceci : « Une hausse de 5% du barème des aides au logement au 1er janvier 2018 augmenterait de 770 millions d’euros le revenu disponible total des ménages, soit un coût équivalent pour les finances publiques. Le niveau de vie des personnes initialement bénéficiaires de ces aides progresserait en moyenne de 0,7%. (…) Pour les bénéficiaires appartenant aux 10% les plus modestes de la population, le niveau de vie moyen augmenterait de 1,1%. La hausse serait de 0,8% pour ceux situés entre les 1er er 2ème décile et de 0,6% pour ceux situés entre le 2ème et le 3ème décile », précise l’INSEE.
Mais il faut ici se souvenir que l’Aide personnalisée au logement (APL) a connu une baisse forfaitaire de 5 euros par mois et par ménage bénéficiaire en 2018. Sa revalorisation n’a été que de 0,3% en 2019, face à une inflation moyenne cinq fois plus élevée. Il est prévu qu’il en soit de même en 2020, ce qui rendra les locataires pauvres beaucoup plus pauvres qu’en 2018.
Voilà qui permet de mettre en exergue les transferts effectués de la poche des millions de pauvres vers celles de quelques milliers de riches, ce que les statisticiens de l’INSEE n’évoquent pas dans leur étude. Mais l’INSEE chiffre le coût financier pour les finances publiques d’une « hausse de 5% du montant forfaitaire du RSA» à 850 millions d’euros en 2018. Celui de « l’augmentation de 5% du montant de la base mensuelle de calcul des allocations familiales» s’élève à 761 millions d’euros ; celui de la « hausse du barème des aides au logement» est évalué à 770 millions d’euros. Voilà qui nous donne une dépense totale de 2, 381 milliards d’euros.
Ce sont bien les pauvres qui ont payé pour les riches
Il convient de comparer ce chiffre à la perte annuelle de recette induite par la suppression de l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en 2018, auquel s’est substitué l’Impôt sur la fortune immobilière (IFI). Le but de cette opération était de récompenser « les premiers de cordées » comme l’a justifié le président Macron. En 2017, l’ISF avait rapporté 4,2 milliards d’euros au budget de l’Etat. En 2018, de l’aveu même du ministère en charge des Comptes publics, l’IFI n’a rapporté que 1,3 milliard, soit une différence de 2,9 milliards d’euros. Cette différence de rendement permettait de financer les mesures étudiées dans cette note en faveur des pauvres, tout en économisant 600 millions d’euros.
Les chiffres publiés dans cette note N° 50 de l’INSEE nous permettent aussi de mesurer comment, depuis l’arrivée de Macron au pouvoir, l’appauvrissement des pauvres pour enrichir les riches est encore plus net que du temps où Nicolas Sarkozy était à l’Elysée. Nous suggérons à l’INSEE de i calculer ce que les plus pauvres ont perdu en pouvoir d’achat depuis qu’Emmanuel Macron est devenu président de la République. Ce travail serait d’une grande utilité pour les associations qui viennent en aide aux plus pauvres et qui reçoivent moins de dons des riches depuis que ces derniers ne sont plus soumis à l’ISF!
Une telle étude permettrait aussi de mieux comprendre pourquoi le pouvoir actuel tente de mettre fin au système de retraite par répartition. Il veut favoriser la mise en place de la capitalisation. Elle permettra aux riches et aux très riches de cotiser individuellement pour la retraite par capitalisation tandis que tous les autres verront leurs droits à pensions se réduire comme peau de chagrin.
- Comme près de 6 ménages sur 10 ont trop peu de ressources pour être imposables sur le revenu, nous ne traitons pas dans cet article le quatrième volet de cette étude de l’INSEE consacrée aux impôts