Husson: La statistique au risque de l’eugénisme

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SOURCE : A l'encontre

Par Michel Husson

Les fondateurs de la science statistique étaient tous, peu ou prou, animés par une idéologie eugéniste, voire raciste. Ce constat est indéniable, même s’il est rarement mentionné. Il ne s’agit pas ici de soutenir que les outils statistiques, couramment utilisés aujourd’hui [1], seraient intrinsèquement biaisés, mais de montrer comment ils ont servi à donner un vernis scientifique aux thèses eugénistes.

Vilfredo Pareto

Vilfredo Pareto est connu pour une loi de répartition des revenus selon laquelle les 20 % les plus riches possèdent 80 % de la richesse. Ce résultat repose sur un travail empirique consistant à observer le nombre de personnes N dont le revenu est supérieur à un niveau x [2] : il trouve une liaison empirique de la forme N = A/xa, où A et a sont des constantes. La part des personnes dont le revenu est supérieur à un certain seuil est inversement proportionnelle à ce seuil élevé à une certaine puissance.

En réalité, les observations de Pareto ne l’autorisaient pas à en déduire l’idée que la répartition des revenus devrait tendre vers une distribution à peu près invariante Mais cette extrapolation indue lui servait à montrer l’inefficacité de toute politique de redistribution. Il écrit par exemple que « si l’on réduisait à 4800 marks les revenus qui sont plus élevés, et que l’on distribuât la différence aux personnes qui ont moins de 4800 marks de revenu, chacune d’elles ne recevrait qu’une centaine de marks (…) Dès lors, on voit que, même en mettant les choses pour le mieux, l’avantage que peuvent avoir les pauvres est absolument insignifiant ». Quant au « socialisme d’Etat (…) ses effets économiques se réduisent à un gaspillage de richesse, et, par là, il empire les conditions du peuple au lieu de les améliorer » (p. 328). Plus loin, dans la grande tradition de stigmatisation des pauvres, il affirme qui « la taxe des pauvres est un fort mauvais impôt, car elle grève le travailleur pour aider le plus souvent le fainéant [3] » (p. 343).


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