Article pour le site internet du NPA
Les gouvernements et les banques centrales ne parviennent pas à endiguer la tempête qui s’abat sur les marchés financiers depuis le 24 février. En 15 jours, le CAC 40 a chuté de 15%, le Dow Jones de 11%. La décision surprise de la Réserve Fédérale US de baisser de 0,5 point ses taux directeurs1 le 3 mars n’a pas produit les effets escomptés. Une cartouche a donc été grillée pour un effet quasi nul. Si la plupart des économistes bourgeois évoquent un « choc exogène » passager, la crise économique qui s’annonce a des causes bien plus profondes.
Le coronavirus : un choc économique brutal
L’épidémie de coronavirus semble en repli en Chine. Le gouvernement chinois a pris des mesures spectaculaires de confinement et d’intervention publique qui ont limité l’ampleur de l’épidémie. On peut notamment citer la construction express de nouveaux hôpitaux à Wuhan ou le déplacement massif d’agents de santé pour soigner les habitantEs des zones les plus contaminées.
Mais l’épidémie se propage rapidement ailleurs. L’Iran, l’Italie et la Corée du Sud ont désormais plus de cas de coronavirus par habitants que la Chine. En Italie, plus de 3.000 personnes ont été contaminées par le coronavirus. Toutes les écoles sont désormais fermées jusqu’au 20 mars au moins. Et le gouvernement a décidé ce 8 mars de mettre en quarantaine 15 millions d’ItalienNEs du nord qui ne peuvent plus quitter leur région. L’activité économique va donc tourner au ralenti alors que l’Italie a connu un 17e mois d’affilée en février de baisse de la production industrielle.
Le cours du pétrole s’effondre
Le prix du pétrole a plongé de 35% entre le début de l’année et le 6 mars. Lundi 8 mars, les cours du pétrole se sont effondrés, perdant 25 % en une seule journée ! C’est l’effondrement le plus brutal depuis la Guerre du Golfe en 1991. Deux raisons principales à cela : la Chine est le premier importateur mondial ; les pays de l’OPEP et la Russie ont échoué à conclure un accord d’encadrement de la Russie, si bien que l’Arabie Saoudite a décidé d’augmenter sa production. Dans un contexte de chute de la demande et de panique, la chute des cours du pétrole devient incontrôlable.
Le coronavirus, déclencheur probable d’une crise aux racines plus profondes
Le coronavirus est donc un « choc exogène » important sur les économies du monde entier. La plupart des économistes bourgeoisEs nous expliquent que c’est un mauvais moment à passer, et que la croissance repartira de plus belle avec la disparition du virus2. Ainsi, le remède serait le suivant : il faudrait que les banques centrales inondent de monnaie les banques commerciales pour que celles-ci aident les entreprises à surmonter leurs problèmes passagers de liquidité.
Mais les problèmes sont bien plus graves qu’un simple « choc exogène ». Les profits stagnent ou baissent en Chine et aux USA. L’endettement atteint des sommets. La France n’est pas épargnée : elle est le pays du G7 avec le plus haut niveau d’endettement de ses entreprises, passé de 100% en 1998 à 140% du PIB en 2018. La dette des ménages est passée en France de 22% du PIB en 1980 à 34% en l’an 2000, pour atteindre 60 % en 2018. Et la dette publique a explosé en 10 ans, passant de 65% du PIB en 2007 à plus de 100% du PIB aujourd’hui. Et la moitié de cette dette publique est détenue par des non-résidentEs, ce qui intensifie la pression des marchés financiers sur le pays.
En France, les indices CDS – ces assurances qui permettent de se protéger d’un défaut obligataire – se tendent à des plus hauts niveaux depuis quatre ans. Cela signifie que le risque de faillites augmente. Contrairement aux propos rassurants des économistes bourgeois-es, beaucoup d’entreprises ont un problème de solvabilité, et pas seulement de liquidités.
Les taux de profit ne repartant pas significativement à la hausse depuis la crise de 2008, les entreprises ont profité des faibles taux d’intérêts liés à la politique des banques centrales pour s’endetter afin de financer surtout des opérations financières, et non des investissements productifs : rachats d’actions sur les marchés financiers, opérations de fusions-acquisition, achats de titres financiers divers… De leur côté, les banques et fonds d’investissements ont utilisé la monnaie distribuée par les banques centrales pour spéculer sur les marchés financiers, ce qui a accru la déconnexion entre valeur des actions et profits générés dans l’économie réelle. C’est dans ce contexte que la patronne du FMI, Kristalina Georgieva, comparait en janvier dernier la situation actuelle3 aux « années folles » qui avaient précédé le krach boursier de 1929. En révélant les contradictions accumulées depuis une dizaine d’années, le coronavirus va probablement déclencher une crise économique majeure qui plongera l’économie mondiale dans la récession.
La France vers la récession ?
D’ores et déjà, l’OCDE a revu en nette baisse ses prévisions de croissance pour la France en 2020 : +0,9% contre +1,2% prévu précédemment. Mais cette prévision est sans doute beaucoup trop optimiste. Les institutions internationales sont toujours trop prudentes et ne voient jamais les récessions arriver. Après la baisse du PIB de 0,1% au quatrième trimestre 2019, l’incertitude plane sur le premier trimestre. Il est fort probable que les indicateurs conjoncturels plongent à partir du mois de mars, et l’impact se verra essentiellement à partir du deuxième trimestre.
Le gouvernement Macron n’a qu’un seul programme : mobiliser les moyens de l’État pour aider ses amis patrons.
Une récente note de France stratégie4, une institution rattachée au Premier ministre, suggère au gouvernement de profiter des taux d’intérêt bas pour s’endetter et alimenter un fonds d’investissement pour la transition écologique, tout en indiquant que les marges de manœuvre de la France sont très faibles sur le plan budgétaire.
Mais le gouvernement a d’autres priorités : venir au secours des cours boursiers des grands groupes du CAC 40, en utilisant pour cela la Banque publique d’investissement (BPI), créée par Hollande en 2013. Officiellement, la BPI doit utiliser l’argent public pour financer des projets, en entrant dans le capital ou en prêtant de l’argent à des entreprises innovantes ou stratégiques. Mais Macron souhaite utiliser l’argent public pour doper le cours des actions de ses amiEs les grandEs patronNEs ! Il peut compter pour cela sur les dirigeants de la BPI, incarnation de « l’aristocratie stato-financière » décrite par Emmanuel Todd dans son dernier livre « Les luttes de classe en France au XXIe siècle ».
Face au spectre de la crise, le gouvernement a décrété « l’état d’urgence économique ». Il s’agira de venir au secours des entreprises en leur permettant notamment d’étaler leur paiement des impôts et des cotisations. Les travailleursSES seront invitéEs à payer l’addition ou à voir leurs prestations sociales diminuer, bien plus vite et intensément que suite à la crise de 2008-2009. Pour ne pas subir une dégradation profonde de nos conditions de vie, il faut se débarrasser de ce gouvernement, et surtout de ce système mortifère qui nous emmène droit dans le mur.
Gaston Lefranc
- 1.Le principal taux directeur de la banque centrale est le taux d’intérêt auquel les banques commerciales se refinancent en liquidités monétaires auprès de la banque centrale. Par conséquent, plus ce taux directeur est bas, et plus la masse monétaire en circulation augmente puisque les banques commerciales peuvent s’en procurer à moindre coût.
- 2.Patrick Artus, chef économiste chez Natixis, affirmait par exemple sur le plateau de Boursorama le 2 mars : « Normalement une épidémie de grippe ça s’arrête quand il fait beau […], et donc normalement, au troisième trimestre on va retrouver une économie beaucoup plus tranquille ». https://www.youtube.com/watch?v=ETLVvD-40lQ
- 3.Dans un discours prononcé le 18 janvier dernier au Peterson Institute of Economics à Washington.
- 4.https://www.strategie.gouv.fr/sites/stra…