Covid-19: l’économie française en pleine débâcle

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SOURCE : La Tribune

Lire la note de l’Insee
Une semaine de confinement entraînerait une perte d’activité de 36%, selon de récentes estimations de l’Insee.
La chute brutale et soudaine de l’économie française se confirme. Selon le dernier point de conjoncture de l’Insee publié ce jeudi 9 avril, l’activité économique aurait diminué de 36% par rapport à une période normale. Au total, un mois de confinement entraînerait une perte annuelle de produit intérieur brut de trois points environ. L’institut de statistiques confirme ainsi ses premières prévisions réalisées il y a deux semaines. “Les résultats de la perte d’activité liés au coronavirus sont comparables à ceux publiés il y a deux semaines lors du précédent point de conjoncture. L’ordre de grandeur est le même, il y a seulement eu des révisions à la marge” explique Frédéric Tallet, chef de la division synthèse conjoncturelle.

Dans cette nouvelle livraison, les statisticiens ont apporté plus de précisions par secteur et sur les méthodes utilisées pour réaliser ces enquêtes en utilisant des données haute fréquence comme les données de carte bleue, les données sur la consommation d’électricité, les informations données par les fédérations d’entreprises. De son côté, la Banque de France, dans ses dernières projections publiées ce mercredi 8 avril, a annoncé que le PIB allait reculer de 6% au premier trimestre, soit sa pire performance depuis la seconde guerre mondiale.

La construction dans le rouge

La décision administrative du confinement a provoqué une paralysie de pans entiers de l’économie tricolore. Parmi les secteurs les plus touchés, figure en premier lieu la construction. La perte d’activité est estimée à 88%. Le blocage des chantiers et les difficultés pour les employeurs de faire respecter les règles de sécurité sanitaire ont plongé le BTP et la construction dans le rouge. Le poids de la construction dans le PIB reste cependant limité (5%).

L’industrie est également fortement touchée par cette pandémie. Selon les estimations des statisticiens, la perte d’activité est d’environ 43%. Il existe de fortes disparités selon le type de spécialisation. La cokéfaction et le raffinage subissent les plus fortes pertes (-80%). Arrivent ensuite la fabrication d’équipements électriques, électroniques, informatiques (-72%), puis la fabrication de matériels de transport (-61%). Quelques grands groupes comme Renault, PSA, Michelin ou Airbus ont annoncé qu’ils avaient suspendu leurs chaînes de montage ou réduit la voilure.

En revanche, les usines fabricant des produits alimentaires et des boissons ont limité la casse (-5%). De même que l’agriculture et la pêche ont enregistré une baisse moins sensible (-10%). La nécessité d’assurer la sécurité alimentaire des Français permet à un grand nombre d’exploitations agricoles de continuer de fonctionner même si quelques producteurs alertent régulièrement sur le manque de débouchés et la pénurie de main d’oeuvre pour effectuer les travaux dans les champs et les exploitations.

Une chute vertigineuse dans les services

Dans le tertiaire, les chiffres donnent le tournis. La chute de l’activité est évaluée à 39%. Compte tenu du poids des services marchands dans l’économie tricolore (56%), cette chute vertigineuse devrait plomber la croissance du premier trimestre. Parmi les secteurs en première ligne figure l’hébergement et la restauration (-90%). La fermeture administrative des restaurants, brasseries, bars depuis le 17 mars a entraîné une quasi mise à l’arrêt de l’ensemble du secteur.

Les activités de transport et d’entreposage subissent également des pertes faramineuses (-64%). De nombreuses compagnies aériennes ont complètement arrêté ou réduit leur vols et les avions sont nombreux à restés sur le tarmac des aéroports. La fermeture des frontières dans de nombreux pays pour limiter la propagation du virus a mis un coup d’arrêt pour les vols vers un grand nombre de destinations. Dans le transport ferroviaire, la SNCF a amplement réduit son offre pour les voyageurs tandis que le fret de marchandises est également au ralenti. Pour les commerces et les garages, les indicateurs sont également alarmants avec une baisse de 56%.

Une consommation des ménages en berne

La baisse de la consommation des ménages, qui constitue l’un des moteurs de l’économie tricolore, pourrait avoir un impact considérable sur l’économie hexagonale. Selon les auteurs de la note, la baisse des dépenses des ménages est estimée à environ 35%. Les achats ont drastiquement chuté dans le textile et l’habillement, les carburants ou les voitures. La consommation de services marchands est également en chute libre dans l’hébergement-restauration ou les transports. A l’opposé, quelques secteurs résistent comme les télécommunications, certains services immobiliers (loyers) ou les assurances.

La consommation de produits agricoles et agroalimentaires enregistre une hausse. Dans leurs travaux, les statisticiens ont fait appel aux données de carte bancaire pour évaluer le comportement des ménages. Ils constatent notamment un pic de consommation et de transactions par carte bancaire sur des ventes physiques le 16 mars à la veille de l’annonce des mesures de confinement. “Les comportements de précaution dans les premières semaines ont entraîné un surcroît de consommation alimentaire. En revanche, il y a des produits pour lesquels la consommation est arrêtée comme l’automobile […] Le panier moyen par carte bancaire a eu tendance à augmenter pour les produits alimentaires alors que la fréquence des achats a diminué au regard des consignes de limitation des déplacements”précise Frédéric Tallet.

Le chômage partiel en plein boom

La paralysie d’un grand nombre d’activités a provoqué une explosion de demandes de chômage partiel. Selon un décompte communiqué par le ministère du Travail le mercredi 7 avril, plus de 6,3 millions de salariés étaient déclarés dans cette situation, avec une progression de 2,6 millions en une semaine. Cette hausse exponentielle illustre l’ampleur des dégâts sur l’économie tricolore. Ainsi, plus de 669 entreprises ont fait des demandes auprès de l’administration. Ce qui représente en moyenne 425 heures chômées par salarié. Ces demandes concernent avant tout les petits établissements.

“59 % des salariés faisant l’objet d’une demande d’activité partielle depuis le premier mars travaillent dans des établissements de moins de 50 salariés, ces établissements représentant 34 % de l’emploi salarié privé. À l’inverse, ceux qui travaillent dans des établissements de plus de 250 salariés représentent 15 % des salariés en activité partielle, alors que ces établissements recouvrent 20 % de l’emploi salarié privé” explique le service de statistiques du ministère du Travail

Vers un redémarrage compliqué

Le report du confinement au delà du 15 avril officiellement annoncé par l’Elysée le mercredi 8 avril devrait compliquer les chances de redémarrage rapide. Beaucoup d’économistes jugent le scénario d’une reprise en V de moins en moins crédible. Avec le prolongement du confinement, les tensions pourraient en outre se multiplier dans les chaînes d’approvisionnement de certains secteurs. Les entreprises vont devoir faire face à des risques accrus sur leur trésorerie avec des possibilités de dépôts de bilan en cascade.

Du côté des salariés, la hausse exponentielle des chiffres du chômage partielle devrait entraîner une baisse des revenus et une perte du pouvoir d’achat. L’engouement pour l’épargne de précaution pourrait encore accélérer alors que les chiffres médiocres de la consommation pourraient se prolonger. “Les incertitudes entourant la durée du confinement et les modalités de sortie du confinement compliquent la tâche pour réaliser les prévisions économiques au premier trimestre […] Plus le confinement va durer et plus les entreprises et les ménages vont mettre du temps à retrouver un niveau normal d’activité”affirme Frédéric Tallet.

Enfin, la situation à l’étranger est loin de s’améliorer. Les indices PMI des directeurs d’achat dans les grandes puissances montrent un effondrement majeur et brutal de l’activité dans de nombreux secteurs. En devenant l’épicentre de l’épidémie, les Etats-Unis doivent affronter une crise économique et sociale historique avec une flambée des inscriptions au chômage et des risques d’instabilité financière accrus. Le grand plan de relance de 2.000 milliards de dollars annoncé par le président américain Donald Trump et les mesures de la réserve fédérale (FED) pourraient se révéler insuffisantes dans un pays où les inégalités en temps de crise sont encore plus criantes.


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