Coronavirus: Lula estime que Bolsonaro mène le Brésil à “l’abattoir” et évoque sa destitution

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SOURCE : Huffington post

Au Brésil, la crise du coronavirus a fait resurgir la question d’une destitution de Jair Bolsonaro, dont la gestion de l’épidémie est très critiquée, à droite comme à gauche.

L'ancien président Luiz Inacio Lula da Silva, ici à Rome en février 2020, estime...

Au Brésil, les chiffres officiels du coronavirus font état de 2141 décès pour environ 33.000 cas. Toutefois, ces données seraient largement sous-évaluées et la gestion de la crise du président d’extrême droite Jair Bolsonaro irrite au point que certains de ses opposants n’hésitent plus à brandir la possibilité d’une destitution.

Dans une interview accordée au Guardian le 17 avril, l’ex-président de gauche Lula a ainsi estimé que Jair Bolsonaro conduisait les Brésiliens ”à l’abattoir” en minimisant l’ampleur de l’épidémie et en donnant la priorité à l’économie, au détriment des mesures sanitaires qui peuvent limiter le risque de contagion.

En dépit des avertissements de l’OMS et de la communauté internationale, le chef d’État brésilien n’a en effet cessé de critiquer les mesures de confinement et de distanciation sociale, allant même jusqu’à renvoyer son ministre de la Santé qui y était favorable.

Cette ligne de conduite, qui n’est pas sans rappeler celle de Donald Trump, a poussé les gouverneurs de São Paulo et Rio de Janeiro – les deux grands foyers de contamination – à décréter unilatéralement des mesures de confinement. Elle a aussi eu pour conséquence directe de faire resurgir l’éventualité d’une destitution.

“Nous ne pouvons pas simplement renverser un président parce que nous ne l’aimons pas”, a reconnu Lula. “Mais si Bolsonaro continue à commettre des délits de responsabilité en essayant d’envoyer la société à l’abattoir – ce qu’il est en train de faire – je pense que les institutions vont devoir trouver un moyen de le mettre hors-jeu. Ce qui voudra dire que nous aurons besoin de le destituer”, a affirmé l’ancien président, emprisonné puis remis en liberté fin 2019.

Bolsonaro critiqué à gauche, à droite et au sein de l’armée

Lula est loin d’être le seul à réclamer le départ de Bolsonaro. Fin mars, les principales personnalités de la gauche brésilienne ont publié un manifeste demandant au président de démissionner, le jugeant “irresponsable” face à la crise du coronavirus et estimant qu’il n’était plus seulement “un problème politique” mais également “un problème de santé publique”.

“Bolsonaro ne peut pas continuer à gouverner le Brésil (…). Il commet des crimes, diffuse de fausses informations, ment et encourage le chaos, profitant du désespoir de la population la plus vulnérable”, souligne le texte signé notamment par Fernando Haddad et Ciro Gomes, arrivés respectivement deuxième et troisième de la présidentielle d’octobre 2018. À plusieurs reprises, Facebook et Twitter ont supprimé des publications erronées du dirigeant sur le coronavirus.

L’opposition de gauche n’est pas la seule à se mobiliser contre le président. À droite également, les élus prennent leurs distances avec la politique sanitaire du gouvernement. Le gouverneur de Sao Paulo, membre du parti de centre-droit PSBD, et ancien allié de Jair Bolosnaro, a ainsi déclaré qu’il s’agissait de lutter contre le coronavirus mais aussi contre le “Bolsonaro-virus”.

Au sein même du gouvernement, des voix dissonantes se sont fait entendre, et deux camps se sont formés, autour du président ou de ceux favorables aux mesures sanitaires prônées par l’ex-ministre de la Santé Luiz Henrique Mandetta. Avant son renvoi, ce dernier avait en effet pu compter sur le soutien de son collègue à la Justice, ainsi que sur celui de hauts-gradés militaires, classe pourtant connue pour se ranger du côté du président.

Même au sein de la population, Bolsonaro ne récolte que 35% d’opinions favorables pour sa gestion de la crise, contre 55% pour son ex-ministre de la Santé, selon un sondage paru fin mars, avant son renvoi.

Une destitution de Bolsonaro vraiment possible?

Sur le papier, Jair Bolsonaro semble donc de plus en plus isolé. De plus, d’un point de vue constitutionnel, rien ne s’oppose au lancement d’une procédure de destitution avec une mise en accusation basée sur les “délits de responsabilité”, avec comme l’a affirmé dans une interview à un média brésilien l’ancien ministre de la Justice de Lula, Tarso Genro.

Toutefois, destituer Bolsonaro est loin d’être acquis, à cause de l’actuelle composition du Congrès brésilien. Au sein de la Chambre des députés (la chambre basse du Congrès), les élus de partis de droite ou conservateurs disposent en effet d’une forte majorité, avec plus de 300 sièges sur 512. Les partis de l’opposition en ont à peine 150. De quoi offrir à Jair Bolsonaro “une solide majorité, que ce soit en raison de la proximité idéologique, de l’opportunisme, de l’identité programmatique dans la question des réformes”. Lula lui-même a reconnu que le schéma politique actuel du Brésil n’était guère favorable à une procédure de destitution.

Les partis d’opposition “doivent évaluer la situation chaque jour, utiliser le mécanisme de destitution lorsqu’ils sont sûrs d’avoir la majorité. Sinon, ils ne devraient pas l’utiliser, car une tentative de destitution ratée peut même renforcer Bolsonaro”, souligne l’ex-ministre de la Justice.

Au vu de la composition actuelle du Congrès brésilien, une destitution de Jair Bolsonaro ne pourrait donc se faire sans un ralliement des élus de droite. Or, ces derniers semblent préférer une stratégie qui laisserait Jair Bolsonaro au pouvoir jusqu’à la prochaine élection présidentielle en 2022, pour tirer ensuite avantage de son (mauvais) bilan.

Toutefois, cette stratégie pourrait être révisée en fonction de l’évolution de la situation sanitaire. Et le président brésilien lui-même semble bien conscient qu’il joue peut-être dans cette crise sa réélection, à défaut d’une destitution. Ce 17 avril, alors qu’il se prononçait de nouveau pour la réouverture rapide des commerces, le président a reconnu “prendre un risque”. “Si la situation s’aggrave, ça me retombera dessus”, a-t-il déclaré. Ce qui ne l’a pas empêché de rester sur ses positions, tout en intronisant son nouveau ministre de la Santé.


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